13.

Dans l’habitacle de la vieille Ford, Manon s’affairait sur son N-Tech. De l’appareil électronique irradiait une légère lumière blanche.

— Il faut que je note tout cela, répétait-elle inlassablement. Continuez, continuez à me raconter. Tout ce que vous savez. Absolument tout.

Après avoir quitté les boulevards déserts, la voiture s’engagea pleins gaz sur une bretelle de la rocade nord-ouest. Marquette, Bondues, Wambrechies… Les sorties défilaient, tandis que, dans cette carcasse de tôle écrasée par des tonnes d’eau, vibrait la voix d’une femme flic qui tentait d’être rassurante tout en racontant le pire, une énième fois. L’enlèvement, l’errance dans les rues de Lille, la cabane de chasseurs et le message alambiqué. Manon ne perdait pas une miette de cet enfer verbal, notant les principaux événements et enregistrant la parole de Lucie grâce au micro intégré de son engin.

— Le Professeur… Comment aurait-il pu me retenir ? Pourquoi ? Comment a-t-il pu savoir pour « les Autres » ? C’était notre expression à nous ! Et… Non ! Ceci n’est pas possible !

Manon ne parvenait pas à retrouver son calme. Ses efforts de réflexion les plus acharnés n’y pouvaient rien : les questions tournaient dans sa tête, sans réponses.

— Vous en avez peut-être parlé pendant qu’il vous détenait ? suggéra Lucie en regardant sa montre. Peut-être vous y a-t-il contraint, d’une façon ou d’une autre ? Comment le savoir ?

— Ma détention… Ma détention, mon Dieu… Non, non ! Je n’aurais jamais parlé de mon enfance ! Jamais !

— Comment pouvez-vous en être aussi sûre, alors que vous ne vous en rappelez pas ?

— Il y a des choses que l’on sait sur soi ! Même si l’on est amnésique ! Je n’ai pas perdu mon identité ! Je suis moi ! Vous pouvez comprendre ?

Lucie adopta un ton plus apaisant.

— D’accord, d’accord. Ne vous énervez pas, ça ne sert à rien. Parlons de ces scarifications, sur votre ventre… J’aimerais que vous m’expliquiez ce qu’elles signifient. Le docteur Vandenbusche m’a dit que votre frère et vous en étiez les auteurs.

Manon répondit du tac au tac :

— Je n’en sais rien.

— Comment ça, vous n’en savez rien ?

— Je n’en sais rien, je vous dis ! Je ne comprends pas le sens de ces cicatrices ! Je sais qu’elles sont là, en moi, mais je n’en connais pas la signification ! Quand ont-elles été inscrites ? Pourquoi ? Je l’ignore complètement !

Elle agrippa le poignet du lieutenant.

— Comment le Professeur a-t-il pu m’enlever ? Comment m’en suis-je sortie ?

— Manon, je…

— Il faut qu’on le retrouve ! Dites-moi que vous allez le retrouver ! Dites-le-moi !

— Nous allons tout mettre en œuvre pour.

Lucie la regarda dans les yeux un instant, avant d’ajouter :

— Vous pouvez me croire. Mais si vous voulez que je vous aide, il faudra me faire confiance…

Elle prit la voie en direction de Roubaix-Est, la gorge serrée. 3 h 35. Moins d’une demi-heure…

— Parlez-moi des allumettes. Vous ne m’avez toujours pas raconté ce qu’elles signifiaient. Je dois savoir.

— Quelles allumettes ?

Manon dévisagea la conductrice. Ses doigts glissèrent discrètement vers la poignée de la portière.

— Où est votre carte ? Vous ne m’avez pas montré votre carte ! Votre carte de police !

Lucie soupira.

— Si, avant de monter dans la voiture. Puis deux fois déjà durant le trajet. Prenez-la, elle se trouve dans la poche de mon caban, je n’ai pas pensé à la laisser en vue. Je n’ai pas encore les réflexes, excusez moi… Mais par pitié, lâchez une bonne fois pour toutes cette poignée. Vous allez finir par l’arracher et par achever ma pauvre bagnole.

Manon récupéra la carte tricolore avec soulagement.

— Pardonnez-moi. J’ai tendance à radoter.

— Ça aussi, vous me l’avez déjà dit. Mais ne vous excusez pas. Je comprends parfaitement, même si c’est… difficile. Dites, vous parlez toujours aussi rapidement ?

— Oui, c’est une manière de condenser les conversations. Tout s’efface si vite dans ma tête… Où allons-nous ?

— Maison hantée de Hem. Déjà dit…

Lucie réfléchit un instant, et reprit :

— Les scarifications, sur votre corps. Que racontent-elles ?

— Je l’ignore.

— D’accord. Je réessaierais plus tard.

Sans l’écouter, Manon replongea dans les méandres de son N-Tech, avant de se tourner de nouveau vers la conductrice :

— Puis-je vous photographier ? Cela m’évitera de vous demander sans cesse votre identité.

Lucie acquiesça. Manon alluma le plafonnier et figea l’instant avec la fonction « Photo » de son organiseur. Stylet à la main, elle se mit ensuite à écrire sur l’écran.

— Qu’est-ce que vous notez ? S’intéressa Lucie en détournant brièvement les yeux de la route.

— Votre nom, votre métier, les raisons de notre rencontre. Et vos principaux traits de caractère. Enfin, l’impression que j’en ai à l’instant présent.

— Je suis curieuse de savoir ce que vous pensez de moi.

— Pas ce que je pense. Ce que je ressens, ici et maintenant. Solidité, à votre regard directif. Passion, parce que vous êtes ici avec moi en pleine nuit. Rigueur, on le lit aussi dans vos yeux. Beaucoup d’émotion passe dans votre voix, vos mains, et cette façon que vous avez de discuter… On perçoit votre écoute, ainsi qu’une certaine forme de douleur. Énormément de douleur même. Je me trompe ?

Lucie resta un long moment silencieuse, interloquée, avant de répondre.

— Pas vraiment, non. J’ai vécu une adolescence en partie tourmentée, par…

Elle hésita, puis finit par lâcher :

— … par une opération chirurgicale, qui… qui m’a beaucoup affectée.

— De quel genre ?

— Je préfère ne pas en parler.

— Vous pouvez, vous savez. Je sais me montrer discrète et… oublier ce qu’on me confie, si vous voyez ce que je veux dire.

Sans réellement connaître celle à qui elle s’adressait, Manon se sentait à l’aise, rassurée. Sensations inexplicables. Elle demanda, constatant les difficultés de Lucie à se livrer :

— Et cette opération a marqué une rupture dans votre jeunesse, votre comportement ? Comme moi, avec mes problèmes cérébraux ?

Cette fois, Lucie fixa la route.

— Après ça, ma vie n’a plus jamais été la même. Et… je fais des actes que je déteste… que… que les gens ne comprennent pas toujours. Mais… Excusez moi, je ne peux rien vous dire de plus.

— Moi non plus, les gens ne me comprennent pas. Ça nous fait au moins un point en commun.

Manon appuya sa nuque contre l’appuie-tête et inspira longuement.

— Vous, c’est le passé qui vous hante, mais moi, c’est l’avenir. Je ne peux plus bâtir de projets, ni partir en vacances parce que je ne saurais même pas où je me trouve, et cela ne servirait à rien car je n’en garderais aucun souvenir. Pas de souvenirs. Jamais.

Lucie se sentit obligée d’admettre que Manon avait raison. Sans souvenirs, les photos ne sont jamais que le papier glacé d’un vulgaire catalogue.

Manon concentra son attention sur les bandes blanches qui défilaient sur la route. Chacune d’entre elles disparaissait dans la nuit, identique à son existence fugitive. Elle ne savait pas où elle allait, ni pourquoi. Sans doute la conductrice à ses côtés le lui avait-elle déjà expliqué deux, trois, dix fois… De toute évidence ces renseignements étaient-ils notés dans son N-Tech… Mais elle n’eut pas envie de fouiller, pas maintenant, pas encore, parce qu’elle se sentait en paix.

— En tout cas, vous avez de jolies jumelles.

Lucie écarquilla les yeux.

— Comment vous savez ?

Manon tendit l’index.

— La photo, là, sur votre porte-clés. Comment s’appellent-elles ?

Lucie était étonnée. Si Manon allait oublier dans la foulée, pourquoi cherchait-elle à connaître leurs prénoms ? À quoi bon ?

— Clara à gauche, et Juliette à droite.

— Et Juliette est la dominante ?

— Alors là, vous m’en bouchez un coin !

— Elles sont assises côte à côte pour la pose, mais, si vous regardez bien, Juliette a le bras devant sa sœur, comme une barrière, comme pour la repousser vers l’arrière, lui montrer que l’espace lui appartient.

Lucie se raidit un peu. Elle se rappela la manière dont Vandenbusche parlait de sa patiente. Un être incroyablement précis, organisé et intelligent, en dépit de son amnésie.

— Sacrément observatrice…

— Ça, ce n’est même pas dû à mon handicap, c’est une déformation professionnelle. J’ai un parcours de scientifique et toutes les sciences, notamment la physique, sont basées sur l’observation.

— Vous savez, les sciences et moi… C’est un peu comme demander à un dunkerquois de boire une Tourtel.

— Quand vous souriez ainsi, vous avez des yeux magnifiques. J’ai toujours cru que je parviendrais à retenir les images heureuses, que cette dysfonction de quelques millimètres dans mon cerveau pouvait être dépassée par la volonté de tout le reste. Je pense que, depuis… ma… mon…

Instinctivement, elle passa la main sur sa gorge.

— … ce qui m’est arrivé, j’ai dû essayer d’en mémoriser des tonnes et des tonnes. Les sons, les voix, les intonations passent parfois, avec une infinité d’efforts, mais jamais les images. Le trou noir. Vous comprenez ?

— Bien sûr. Que conserverez-vous de ce soir par exemple ? De ce que nous vivons en ce moment ?

— Je suis désolée, mais de vous je ne retiendrai rien. Si nous nous quittons plus de quelques minutes, ce sera comme si je vous voyais pour la première fois. Je ne sais déjà plus de quelle façon cette conversation a commencé. De quoi parlions-nous ? Pourquoi ? Et où allons-nous ? Bientôt, j’ignorerai que vous avez des jumelles et quel métier vous exercez. Du moins, avant de consulter mon N-Tech… Noter. Il faut que je note tout et que j’apprenne. C’est le seul moyen. Le seul.

— Et après consultation de votre machin ?

— Après, je saurai. Mais sans aucune sensation, sans sentiment, sans rien. Cela me fera le même effet que d’apprendre que Berlin est la capitale de l’Allemagne. Du procédural, rien que du procédural. Un « cerveau machine ». Désolée. Sincèrement désolée.

Lucie la regarda avec tendresse.

— Ne le soyez pas. Moi, je me souviendrai… C’est le plus important…

Manon ferma les yeux, inspira, et les rouvrit.

— Parfois, je me mets en colère contre mon frère Frédéric, ou alors j’éclate de rire, et je suis obligée de lui demander : « Mais… pourquoi suis-je en rage contre toi ? Pourquoi suis-je heureuse ? Pourquoi je pleure ? Explique-moi Frédéric, explique-moi ! » Je sais que certains jours il m’emmène à Caen voir maman, mais je ne me rappelle pas de nos rencontres, je ne sais plus si elle vieillit, comment changent ses traits ou si elle est contente de me voir… J’ignore aussi l’image que je laisse derrière moi. Celle d’une égarée, d’une malheureuse ? À quoi se résumera mon existence quand je serai morte ? Quel héritage je léguerai à…

Elle marqua une pause, visiblement émue.

— J’aurais tant aimé donner la vie, j’adore les enfants, plus que tout au monde. Mais peut-on être mère, quand on va récupérer son petit à l’école et que l’on est incapable de le reconnaître ? Quand on ne connaît ni la couleur de ses yeux, ni le son de sa voix ?

Elle désigna son organiseur, tandis que Lucie l’écoutait, touchée par tant de sensibilité.

— On ne peut pas noter les sentiments dans le N-Tech, ni le bonheur, ni les pleurs, ni le vécu. Juste de l’information procédurale. Des mots anonymes, froids, sans substance. L’amnésie, c’est vivre seul… et mourir seul. De cette soirée, je ne pourrai retenir que ce qui est noté et enregistré là. Je vais apprendre les faits essentiels par cœur, jusqu’à en constituer une espèce de souvenir aveugle, sans image. Comme si j’apprenais des numéros de téléphone ou des plaques d’immatriculation.

— Ou que Berlin est la capitale de l’Allemagne…

Manon approuva.

— Tout passe par les souvenirs. Ce sont eux qui nous font pleurer à un enterrement, ce sont encore eux qui font battre notre cœur quand nous pénétrons dans une chambre d’enfant…

Elle considéra Lucie, des larmes troublaient le bleu de ses iris.

— Mademoi…

— Pas mademoiselle… Lucie, je m’appelle Lucie Henebelle.

— Lucie, vous rendez-vous compte que je suis obligée de sélectionner ce que je veux retenir ? Des événements, des faits de tous les jours auxquels vous ne songez même pas, qui, à vous, ne demandent aucun effort ? Apprendre quelle est l’année en cours, qu’un tsunami a tué des centaines de milliers de personnes, qu’il y a la guerre au Proche-Orient ou qu’aujourd’hui il existe des graveurs de DVD. Répéter, sans cesse répéter pour ne pas oublier, pour ne pas paraître idiote ou inculte. J’ai même dû apprendre la cause de ma perte de mémoire ! Ce qu’il m’est arrivé ! Si je ne note pas, si je ne répète pas chaque chose cent fois, alors tout disparaît…

Malgré la tristesse de ses propos, elle parvint à esquisser un sourire et demanda :

— Je vous l’ai déjà dit, n’est-ce pas ?

— Non, non, rassurez-vous, c’est la première fois.

— Mais certainement pas la dernière. Si vous voyez que je joue au 33 tours rayé, n’hésitez pas à m’interrompre. Il n’y a rien de pire pour moi que de… Enfin, vous voyez ?

— Je vois, et je n’hésiterai pas à vous le dire. Vous pouvez me faire confiance. D’ordinaire, je suis assez directe.

— Dites, puis-je avoir vos coordonnées, et votre numéro de téléphone ? Enfin, si je ne les possède pas déjà…

Lucie tendit une carte que Manon rangea précieusement dans la pochette de son N-Tech. Elles gardèrent ensuite le silence, chacune perdue dans ses pensées, jusqu’à arriver à destination. Le véhicule s’enfonça dans une rue sans habitations, privée d’éclairage. Au fond, une masse sombre et immobile. La maison hantée de Hem. Monstre de briques aux perspectives en pointes acérées. 3 h 45.

Moteur coupé. Torche au poing. Lucie regretta de n’avoir pas pris son Sig Sauer. Dire qu’il s’agissait à l’origine d’un simple constat, à cinquante mètres de chez elle ! Quel don pour s’embarquer dans les galères ! Les mauvaises bagarres, les interventions casse-gueule, c’était toujours pour sa poire !

Elle savait qu’elle aurait dû solliciter une patrouille en renfort. Règle numéro un : toujours intervenir à deux. Mais elle avait décidé d’y aller seule. Pas le temps…

— Prête à affronter une nouvelle fois l’orage ? demanda Lucie en vérifiant le bon fonctionnement de sa lampe.

— On l’a déjà fait ensemble ? répondit Manon en détachant les yeux de son organiseur.

— Ensemble, pas vraiment, non, plutôt chacune de notre côté. Vous connaissez un moyen d’entrer ?

Manon pointa son doigt devant elle.

— Quand nous étions jeunes, nous passions par-derrière, puis nous grimpions sur le toit du patio. À l’époque, les portes et les fenêtres du rez-de-chaussée étaient murées. Elles doivent toujours l’être, je suppose.

Lucie perçut une étincelle dans les yeux de la jeune femme.

— Cela me fait drôle de revenir ici, confia Manon. Tant de souvenirs… Vous devez trouver curieux que je me remémore ces détails de jeunesse, mais pas ce que j’ai fait voilà trois minutes, non ?

— En fait, non, le docteur Vandenbusche a tenté de m’expliquer… Les différents types de mémoire… Je crois que j’ai à peu près compris.

Lucie attrapa la poignée de la portière.

— OK ! Attendez deux minutes dans la voiture, je sors d’abord vérifier.

— Deux minutes, c’est trop pour moi ! Je vous accompagne.

— Vous êtes têtue !… Bon, prenez mon K-way ! Et restez en retrait ! Je risque ma place s’il vous arrive quelque chose.

Manon fourra son N-Tech dans sa housse hermétique, puis la housse dans la poche intérieure de son blouson, avant d’enfiler le K-way. Lucie boutonna son caban jusqu’au cou.

— Allez, on fonce.

— Attendez ! Vous ne prenez pas des gants en latex, des masques, des charlottes ? Nous allons peut-être pénétrer sur le lieu d’un crime ! On ne doit pas le contaminer ! Cheveux, poils, empreintes digitales !

— Vous feriez un bon flic. Vous semblez vous y connaître.

— Après la mort de ma sœur, je me suis sérieusement penchée sur la question.

— Ne vous inquiétez pas. Ici, nous n’aurons pas besoin de gants ni de blouse stérile. Enfin, je l’espère. Allez ! Go !

Dès qu’elles eurent claqué les portières, le vent et la pluie les agressèrent. Elles avancèrent, recroquevillées, jusqu’à atteindre un mur dévoré par le lichen à l’arrière de la propriété. Elles l’escaladèrent péniblement et atterrirent dans le jardin, poche de boue infecte. Lucie leva la tête en direction de la maison. Sous les trombes d’eau, sa lampe éclaira les sapins, le porche, les murs infiniment hauts.

Quand elles remontèrent en direction du patio, elles ne prêtèrent pas attention à l’ombre immobile qui les observait depuis l’étage, par une fenêtre aux vitres brisées.

Sans un bruit, la silhouette se retira dans la maison.

3 h 50.

Les deux jeunes femmes longèrent la façade en courant. À présent leurs respirations s’entremêlaient, comme si elles ne formaient plus qu’un seul et même organisme. L’une se mit à pousser, puis l’autre à tirer, tandis qu’elles s’entraidaient pour grimper. Grimaçante — fichu mollet —, Lucie s’arma d’une grosse branche qui traînait sur la toiture et pénétra à l’intérieur la première, sur ses gardes. Voilà quelques heures, elle était tranquillement allongée dans son canapé, ses filles à ses côtés, et maintenant…

Une fois à l’abri, elle reprit son souffle. Elle était ruisselante, sa gorge sifflait. Elle se retourna légèrement vers Manon.

— Ça va ? Chuchota-t-elle en frictionnant sa jambe douloureuse.

— Non, ça ne va pas ! Qui êtes-vous ? Pourquoi sommes-nous ici ? répondit Manon d’un air effrayé avant de s’enfuir dans un coin pour allumer son N-Tech.

Fonction « Derniers événements saisis ». L’enlèvement… Les urgences… Lucie Henebelle… L’énigme…

Elle resta prostrée et se mit à répéter :

— Le Professeur… Le Professeur… Non, impossible…

Lucie accourut, sa carte de police devant elle.

— Manon, écoutez… Ne cherchez pas à comprendre ce que nous faisons ici, ni ce qu’il vous est arrivé. Je vous l’ai déjà expliqué plusieurs fois. Faites-moi juste confiance, d’accord ?

— Je… Je ne vous fais pas confiance, mademoiselle Henebelle. Vous avez beau être policier, je ne vous connais pas.

Elle se leva brusquement, s’empara de la torche et se mit à observer la pièce.

— Qu’est-ce que vous faites ? demanda le lieutenant.

— Je n’en sais rien. Il est écrit dans mon N-Tech que le Professeur nous a amenées ici. Qu’il y avait un message là où il m’a retenue ! Alors il doit forcément y avoir un autre message quelque part, des indices, un moyen de nous mettre sur la voie.

Elle considéra son poignet, constata qu’elle n’avait pas sa montre et se rabattit sur son organiseur.

— 3 h 58. Le message parlait bien de 4 heures ? Je ne me trompe pas ? Je n’ai rien manqué ? Dites-moi ?

— Non… L’ultimatum est presque arrivé à son terme, et apparemment, toujours pas de victime…

Sans savoir où elle allait, ni pourquoi, Manon traversa la chambre et s’engouffra dans le couloir de l’étage. Lucie se précipita à sa suite. Soudain, elles entendirent le plancher craquer derrière elles.

Lucie n’eut pas le temps de se retourner. Un bras robuste lui enserra la gorge. Ses pieds décollèrent du sol.

— Elle veut jouer, la salope ?

Elle se retrouva propulsée contre le mur, son front percuta le béton. Elle s’effondra, inerte, glissant lentement contre la paroi.

Avec un petit cri, Manon lâcha la lampe. Bruit sourd du métal qui roule. Elle se mit à reculer, les muscles tétanisés.

— Qui êtes-vous ?

— Tu veux savoir ?

À une vitesse prodigieuse, l’homme se rua sur elle et, à sa grande surprise, reçut une semelle dans la poitrine. Il grogna, tandis qu’un second coup de pied fit craquer son genou droit. Il parvint quand même à agripper Manon par les cheveux. Le N-Tech glissa sur le plancher. La mathématicienne hurla, frappa… Sans savoir pourquoi, elle visa le plexus solaire, mais l’homme, cette fois, ne se laissa pas surprendre. Elle voltigea sur le sol, propulsée par une force titanesque.

— T’es plutôt bonne, toi. Une belle petite gueule d’ange. Je crois que tu vas y passer la première.

Il la plaqua face contre terre. Manon respira une poussière écœurante puis cracha, cruellement en manque d’air. La pointe d’un genou lui écrasait le dos.

Tintement d’une boucle de ceinture. Une braguette qui se déboutonne. Des halètements bestiaux, là, tout contre sa nuque. Que se passait-il ? Où se trouvait-elle ? Seule ? Et pourquoi ? Allait-elle mourir ?

L’homme n’eut pas l’occasion d’aller plus loin. Un gourdin lui fracassa l’arcade sourcilière. Il se releva, titubant, la main sur le front, quand un fantastique coup dans les testicules le plia en deux.

Il bascula dans les escaliers, sans parvenir à se rattraper, et roula jusqu’au bas des marches pour enfin s’écraser sur le carrelage, inerte.

Lucie se massa le crâne, récoltant une fine pellicule de sang sur le bout de ses doigts. Elle se pencha ensuite vers Manon, qui recula sur ses mains pour se retrouver plaquée contre le mur du fond.

— Laissez-moi ! Laissez-moi !

— Manon ! Je suis Lucie ! Lucie Henebelle !

Elle s’empressa de sortir sa carte tricolore.

— Rappelez-vous !

Manon n’avait jamais vu cette carte. Dans quelle galère se trouvai telle ? Pourquoi cette agression ? Comment avait-elle appris à se battre ? Où ? Elle recula encore, jusqu’à finir repliée dans un angle.

— Qu’est… Qu’est-ce que je fais ici ? Qui est cet homme ? Et vous ? Pourquoi la police ? Il…

Elle se précipita vers son N-Tech, à quatre pattes.

— Vous avez tout enregistré dans votre machine, dit Lucie. L’hôpital, notre conver…

— Quel hôpital ?

Manon se mit à crier :

— Quel hôpital ?

— Je… Je n’en sais rien, je… ne sais pas comment vous appréhender, Manon… C’est trop… compliqué…

Lucie coinça sa carte de police en haut de la poche de son manteau, afin de la rendre visible en permanence, puis elle ramassa sa lampe et dit :

— Je descends vérifier s’il… est encore en vie. Rejoignez-moi, dès que possible.

— Comment ? Qui est encore en vie ? Expliquez-moi ! Expliquez-moi !

Elle avait hurlé de toutes ses forces. Lucie ne répondit pas et, la torche à la main, se hasarda dans la cage d’escalier. Une fois en bas, elle posa l’index sur la jugulaire de l’agresseur et perçut un pouls régulier. Elle se mit à lui fouiller les poches.

Une piqûre au niveau du pouce la fit grimacer. Ses doigts ressortirent en sang. Du verre brisé et des aiguilles…

— Merde, c’est pas vrai !

Des seringues… Un junkie… Juste un junkie, venu squatter l’endroit…

Elle se redressa, le pouce levé. Dans un réflexe inutile, elle aspira à pleins poumons les gouttelettes avant de les recracher sur le sol.

Quatre lettres explosèrent alors dans sa tête. SIDA.

— C’est pas vrai ! C’est pas vrai !

Alors, un autre choc dans sa poitrine l’ébranla.

Elle tourna sur elle-même, ébahie.

Au-dessus. Et partout autour dans cette pièce circulaire. Dans la lumière de sa torche. Des chiffres. Des milliers de chiffres.

Peinture rouge.

Sur le carrelage, une phrase : « Si tu aimes l’air, tu redouteras ma rage. » Lucie serra les dents. Combien de temps ce salaud allait-il continuer son jeu ?

Surtout, ne pas paniquer. Elle sortit son portable. Presque plus de batterie. Elle appela une ambulance et fonça à l’étage.

En montant les escaliers, elle entendit sa propre voix, échappée d’un appareil. Manon était assise à l’indienne, face à sa mémoire prothétique.

L’égérie de N-Tech leva le front, inquiète, partagée entre tristesse, terreur et fermeté. Elle ouvrit le dossier « Photo », fit défiler les portraits, proches, amis, connaissances, tous étrangers à sa mémoire, et découvrit l’identité de la femme qui se dressait en face d’elle. Un officier de police aux boucles d’un blond de blé. Lucie Henebelle. Trois mots… « Solidité. Passion. Rigueur. » Était-elle ce policier qu’elle avait attendu pour sa quête du Mal ? Était-elle enfin arrivée ?

— J’ai besoin de vous, fit le lieutenant en éclairant sur la gauche.

— Moi aussi, j’ai besoin de vous. Plus que vous ne le croyez.

Elles s’observèrent durement, presque en adversaires, avant que Lucie ne finisse par lui tendre la main.

— Venez en bas.

L’une derrière l’autre, elles s’engagèrent sur les marches. Manon eut un mouvement de recul en découvrant le corps étalé et manqua de tomber dans les escaliers. Lucie la retint par la taille et la rassura :

— C’est bon, Manon ! Il est vivant !

— Qui est-ce ? Que…

Elle s’interrompit instantanément, découvrant les chiffres rouges.

— Mon Dieu ! S’exclama-t-elle en s’approchant des formes peintes.

Elle réclama la torche de Lucie et se mit à parcourir la spirale algébrique avec le rayon jaunâtre.

— Ça vous suggère quelque chose ? demanda le lieutenant de police.

Manon paraissait subjuguée. Elle plaqua le N-Tech contre son oreille.

— Chut… Taisez-vous, murmura la scientifique. Taisez-vous, je vous en prie.

Elle écoutait une nouvelle fois la conversation enregistrée dans la voiture. Lucie soupira. Le chronomètre continuait à courir, même si l’ultimatum avait expiré.

Quelques minutes plus tard, Manon demanda :

— Sur l’enregistrement, vous m’avez bien parlé d’allumettes, découvertes par milliers sur le parquet où j’aurais été…

Le mot tarda à sortir.

— … séquestrée ? C’est exact ?

— En effet. C’est tout à fait ça.

— Et je ne vous en ai pas expliqué la signification, n’est-ce pas ?

— Non. Vous avez exigé qu’on vienne d’abord ici. Vous ne me faisiez pas confiance…

Manon s’approcha de Lucie et l’éblouit malencontreusement. Elle détourna le faisceau lumineux et déclencha la fonction « Enregistrement » de son appareil.

— Vous ai-je déjà demandé de me faire une promesse ?

— Pas encore, non.

— D’accord, d’accord. Alors promettez-moi de m’intégrer à votre enquête. Promettez-moi que vous me laisserez-vous accompagner dans la traque du meurtrier qui a sauvagement tué ma sœur. Promettez-moi de faire tout votre possible pour retrouver le Professeur.

— J’essaierai, dans la mesure de mes moyens.

— Je veux des certitudes ! Promettez !

Lucie se rapprocha encore, à quelques centimètres seulement.

— Je vous le promets. Et vous, promettez-moi de me faire confiance.

Manon secoua la tête.

— Ça ne marche pas dans ce sens-là. Désolée…

Elle laissa tourner l’enregistrement. Elle apprendrait tout cela. Sa mémoire en absorberait à peine cinq pour cent, mais elle apprendrait. Après avoir consulté une dernière fois l’ensemble de ses notes — nouvelle attente interminable pour Lucie —, elle finit par expliquer :

— Ces allumettes que vous avez découvertes représentent un moyen de trouver le nombre π.

— Quoi ?

— Lancez-en une importante quantité au hasard sur un parquet dont la largeur des lattes est égale à la longueur d’une allumette. Il suffit de diviser le nombre total d’allumettes par le nombre d’allumettes qui chevauchent deux lattes, et de multiplier le résultat par deux. C’est Buffon, un naturaliste du XVIIe siècle, qui le premier a fait l’expérience de cette loi de probabilité. Avec une grande quantité d’allumettes, la précision est stupéfiante.

Elle leva la tête, dévorant des yeux les serpentins rouges.

— π est l’une des curiosités mathématiques qui suscitent le plus d’interrogations dans les congrégations scientifiques, poursuivit-elle. Depuis des siècles, les plus illustres savants tentent d’en percer les mystères. Archimède, Descartes, Newton et bien d’autres. Mais croyez-moi, ce nombre est aujourd’hui, enfin, était il y a trois ans, encore bien loin d’avoir révélé tous ses secrets.

La tache de lumière continuait à balayer l’espace. Des neuf, des huit, des trois. Soupe incompréhensible et indigeste.

— Je n’imprime toujours pas, confia Lucie. Aidez-moi Manon, je vous en prie…

— Vous savez que π est un nombre sans fin, un nombre réel qui présente une infinité de décimales, et qu’il n’y aurait pas assez de tout l’univers pour l’écrire ?

— Je crois me rappeler de ça… Un nombre infini. 3,14 et des poussières… qui permet de calculer la circonférence d’un cercle.

Manon acquiesça.

— Vous avez de bons restes. En 2004, on connaissait déjà plus de mille milliards de ses premières décimales, et je suppose qu’aujourd’hui, avec l’évolution des ordinateurs, cette valeur a considérablement augmenté. Pourquoi s’acharner à chercher ces chiffres insignifiants, me direz-vous ?

— Manon, si vous pouviez…

— En fait, le nombre π est utilisé pour étalonner la rapidité des gros calculateurs, ou la précision de certains logiciels. Et puis, il s’agit avant tout d’un défi pour les communautés scientifiques. Un peu comme l’Everest pour les alpinistes.

Manon s’approcha d’un des murs, ses doigts effleurèrent les traces de peinture.

— Je suis persuadée que cette farandole de chiffres représente des décimales successives de π. Non pas les premières, je les connais par cœur, mais celles prises à une position particulière dans π. Peut-être à la millième, à la cent millième ou à la millionième place.

— Mais pourquoi ? Pourquoi ?

Le vent s’engouffrait par les fenêtres brisées à l’étage. La bâtisse gémissait de part en part. Manon semblait réellement bouillir au cœur de cet univers étrange. Lucie se demanda s’il lui arrivait, à certains moments, de se sentir « normale », d’oublier son amnésie.

— Pourquoi ? L’énigme, Lucie, l’énigme ! « Trouve dans les allumettes ce que nous sommes. » Trouve dans π ce que nous sommes ! Trouve dans ces décimales ce que nous sommes ! Et que sommes-nous, Lucie, sinon un numéro ? Un numéro qui nous identifie, dès la naissance ! Un numéro qui fait de nous des êtres classés, rangés dans des programmes informatiques !

Lucie écoutait en regardant autour d’elle. Cette interminable chenille de symboles l’impressionnait.

Combien de temps avait-il fallu pour la tracer ? Plusieurs heures ? Une journée ?

— Un numéro de sécurité sociale ? proposa-t-elle.

Manon ressentit l’excitation du scientifique qui, sur une simple intuition, résout un problème difficile.

— Oui ! Oui, exactement ! Un numéro de sécurité sociale ! π est chaotique, rien ne permet de deviner la décimale suivante en observant ce qui est déjà sorti. Et… je pense qu’aujourd’hui, on a réussi à démontrer que c’est aussi un nombre univers, c’est-à-dire qu’en fouillant suffisamment loin, on peut dégoter n’importe quelle combinaison dans ses décimales. Des dates de naissance, des numéros de série, des plaques d’immatriculation ou des numéros de sécurité sociale. Tous les codes génétiques des êtres de la planète, la numérisation du Requiem de Mozart, tout ce qui est identifiable par une suite de chiffres est recensé dans ce nombre incroyable. Il contient tous les secrets de notre monde ! Les chances de détecter une séquence choisie de treize chiffres consécutifs sont très faibles, peut-être une sur un million, mais elles existent.

— Voilà donc ce que nous cherchons, dit Lucie comme pour elle-même. Une identité… L’identité de quelqu’un que le Professeur a dû éliminer il y a quelques minutes…

— Le Professeur ? Pourquoi vous…

— Laissez tomber, Manon. Je vous ré-expliquerai tout plus tard. Concentrez-vous sur ces chiffres. Ces chiffres uniquement. Ça urge. Nous cherchons donc un numéro de sécurité sociale !

— Précisément. Treize chiffres.

En s’avançant, la jeune mathématicienne fixa le message sur le sol.

— « Si tu aimes l’air, tu redouteras ma rage. » Qu’est-ce que cela signifie ?

— Laissez tomber ! Le numéro de sécu. Seul le numéro de sécu compte pour l’instant !

Manon repéra rapidement le début de la séquence, en haut à gauche, et la fit défiler en déplaçant la torche vers la droite.

— OK ! reprit Lucie. Celui qui a fait ça a dû frapper dans le Nord, peut-être dans le Pas-de-Calais ou la Somme ! Manon, on cherche quelque chose qui contient les numéros de département 59,62, ou 80 !

— Oui, oui, je vois ! Les quatre chiffres précédents doivent représenter l’année et le mois de naissance, et celui encore avant sera 1 ou 2. 1 pour les hommes, 2 pour les femmes…

Plus un mot. Le regard happé par le halo lumineux, Lucie ne parvenait plus à refouler ces émotions étranges qui montaient en elle, cette excitation, cette forme de jouissance interdite qu’elle ressentait devant l’impensable. N’y avait-il que l’horreur, la promesse du pire pour la stimuler ? Elle considéra Manon, elle aussi hypnotisée par la suite des décimales. Étaient-elles si différentes ? Pour quelle raison mystérieuse évoluaient-elles là, à deux, dans la tourmente des éléments en furie ? Quel terrible hasard avait poussé Manon au pied de sa résidence, voilà quelques heures ?

Manon avalait littéralement les signes, rejetant en un coup d’œil les mauvaises combinaisons. Et, alors que le faisceau continuait sa course, que les secondes filaient, inexorablement, elle s’écria soudain :

— Je l’ai ! Je l’ai !

La jeune femme se précipita vers le mur de gauche et s’agenouilla.

— 2280162718069 ! Une femme ! Soixante-dix-neuf ans ! Dans le Pas-de-Calais !

Lucie déplia le capot de son portable. L’indicateur de batterie clignotait.

— Merde… J’espère qu’il va tenir !

La permanence. Malouda.

— Malouda ? Henebelle ! J’ai un numéro de sécu ! File-moi l’identité, l’adresse ! T’as dix secondes !

Manon rentrait les nouvelles informations dans son N-Tech, dont la jauge d’autonomie était, elle aussi, assez basse. Elle tira plusieurs clichés de très médiocre qualité, en raison de l’absence de luminosité.

Deuxième bip du téléphone portable. La batterie allait lâcher.

— Magne-toi, bon sang !

Malouda répondit sur-le-champ :

— Vous allez halluciner !

— Accouche ! Ma batterie rend l’âme !

— Il s’agit de Renée Dubreuil ! Chemin du lac !

Un tilt.

— La Dubreuil qui s’était pris perpétuité, et qui a été relâchée après trente ans de taule ?

— En pers…

4 h 32. Rupture du contact.

Elle remit son téléphone dans sa poche en râlant et entraîna Manon par le bras.

— Attendez ! s’écria Manon. Vous avez parlé de Dubreuil ! Le diable du lac ? Cette ignoble bonne femme qui a torturé ses trois gamines avant que son mari les tue et s’explose la cervelle ?

— Oui, c’est son numéro de sécu que nous avons trouvé dans ce… chaos.

Manon resta interdite.

— Dubreuil ? Mais déjà enfants, nous connaissions cette histoire, je me rendais souvent au lac de Rœux le week-end et…

— Allons-y Manon ! S’il vous plaît !

— Deux secondes ! Il faut encore que je recopie l’avertissement sur le sol ! Il n’est pas là pour rien !

— Oui ! Oui ! Allez !

— Attendez j’ai dit ! « Si tu aimes l’air, tu redouteras ma rage. » Le Professeur adore cacher des messages dans d’autres messages. Palimpsestes, anagrammes, stéganographie. Et là, ça sent franchement le message codé !

Elle désigna le junkie.

— Et lui ? Qui est-ce ?

— Je vous raconterai dans la voiture. En tout cas il n’ira pas loin, il est démantibulé comme un pantin. Les secours vont arriver.

Lucie arracha une feuille de son carnet et nota :

« Prévenez immédiatement le commandant Kashmareck, 06 64 70 29 55. Dites-lui d’envoyer des renforts au chemin du lac, à Rœux. C’est probablement là-bas que Pr a frappé. Il faut aussi une équipe ici même. D’urgence.

Lucie Henebelle, lieutenant de police (plus de portable). »

Elle abandonna son papier sur le carrelage.

Sur la feuille, une petite tache de sang… Son pouce…

— Espérons seulement qu’il ne lui ait pas fait subir le même sort qu’aux autres, fit-elle.

Et elles regagnèrent la Ford. Direction le Pas-de-Calais. Vers la promesse d’un meurtre violent…

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