CHAPITRE PREMIER

Les fiançailles de Tania avec le riche héritier des Danoff bouleversèrent le système des alliances offensives et défensives dans la population d’Ekaterinodar. Ceux-là mêmes qui s’étaient détournés d’elle avec le plus d’ostentation après sa brouille avec Volodia jugèrent opportun d’oublier leur rancune. Du jour au lendemain, Tania se trouva entourée d’une dizaine d’amies d’enfance et d’une cour de cousins éloignés qui multipliaient leurs visites, envoyaient des fleurs et sollicitaient, à qui mieux mieux, l’autorisation d’assister aux réjouissances nuptiales.

Après un bref séjour à Ekaterinodar, Michel et ses parents étaient repartis pour le Caucase. Tania recevait de son fiancé des lettres sérieuses et détaillées sur l’ordonnance des fêtes qui se préparaient à son intention. À travers ces lettres, elle tentait d’imaginer le visage du pays où il lui faudrait vivre. D’Armavir, elle savait seulement que cette bourgade avait été bâtie par les Arméniens montagnards lors de la conquête du Caucase par les armées russes. Michel lui avait souvent raconté les péripéties de cette lutte interminable et sanglante : les incursions des Tcherkess de Shamyl contre les postes de cosaques installés sur les rives du Kouban ; les caravanes de ravitaillement cheminant par les routes poudreuses, avec leur escorte armée, leurs chariots grinçants et leur petit canon de campagne à la mèche fumante ; et aussi les débuts d’Armavir, où les ancêtres de Michel avaient établi leurs comptoirs de vente. Le jour, les Arméniens surveillaient leurs troupeaux, qui paissaient aux abords de la ville. La nuit, ils fermaient les portes d’Armavir et montaient la garde aux remparts de pieux et de joncs. Lorsque les guetteurs apercevaient quelques cavaliers tcherkess qui s’avançaient dans la direction d’Armavir, l’alerte était donnée, et les vieillards, les femmes, les enfants, le bétail, étaient conduits sous escorte dans une forêt voisine, près du Kouban, tandis que les hommes valides organisaient la résistance de l’enclos. Les Tcherkess ne s’aventuraient jamais jusqu’aux berges du fleuve où se terraient les familles des guerriers arméniens, car, de l’autre côté de l’eau, se dressait le redoutable fortin russe de Protchnokop, avec sa garnison de cosaques et ses dépôts d’armes et de munitions. L’assaut des Circassiens se limitait à la cité même, dont ils tentaient de démolir les portes ou d’escalader les murs. Des combats acharnés se livraient jusqu’à la nuit tombante entre les défenseurs arméniens et les cavaliers tcherkess. Ces derniers employaient aussi bien le fusil que l’arc ou la fronde. Ils se retiraient, l’ombre venue, emportant leurs blessés et leurs morts. Et les portes s’ouvraient à nouveau pour recevoir la horde éplorée des femmes et des enfants, et les grands troupeaux meuglant dans la poussière.

Aujourd’hui, Tania savait bien que le pays entier avait été soumis et pacifié par les armées russes, et que les Arméniens et les Tcherkess vivaient en bonne intelligence. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de rêver au Caucase comme à une contrée exceptionnelle et un peu légendaire. Pour elle, le Caucase était le pays de Jason, de la Toison d’or et de Prométhée. Les hommes y étaient clairs et droits comme des lames. Ils portaient des vêtements cintrés, garnis de cartouches. Ils fabriquaient de la poudre avec du fumier de mouton, élevaient des abeilles dans des ruches d’écorce de tilleul, chassaient au faucon, ravissaient leurs fiancées, chevauchaient à perdre haleine par des sentiers friables, au bord des précipices grondants, tuaient un ami d’une balle en plein cœur pour venger l’offense faite à une arrière-grand-mère, volaient des enfants pour les revendre aux pachas de Stamboul et de Téhéran, mangeaient du chachlik, des concombres crus et des bouillies de froment, et faisaient la sieste sur des tapis précieux décorés d’arabesques.

À mesure que la date du mariage approchait, Tania devenait plus nerveuse et plus passionnée. Sa chambre était tapissée de cartes postales représentant l’Elbrouz, bien qu’Armavir se trouvât dans la plaine. Elle prétendit acheter un dictionnaire russe-tcherkess, mais aucun libraire d’Ekaterinodar ne détenait cet article. Elle voulut aussi, Dieu sait pourquoi, apprendre à tirer à l’arc. Mais Constantin Kirillovitch l’en dissuada en lui expliquant que les Tcherkess eux-mêmes avaient abandonné ce genre d’exercice.

Le jour du départ arriva enfin. Une quarantaine de personnes accompagnaient Tania dans son voyage. Deux wagons entiers avaient été loués par les Danoff pour loger les invités et la famille. L’un de ces wagons, décoré de fleurs blanches, était réservé à Tania et à ses parents. Dans l’autre, s’entassaient une horde d’oncles, de tantes, de cousins, de cousines et d’amis. Tandis que le train roulait à travers des paysages plats, Tania s’efforçait de se dire qu’elle était bien la fiancée de Michel, que, la semaine prochaine, elle s’appellerait Mme Danoff, et que des hommes respectables lui baiseraient la main. Mais tout cela paraissait encore incroyable. Par jeu, elle essayait d’imaginer des obstacles imprévus, un brusque refus de Michel, une opposition farouche des Danoff, une catastrophe de chemin de fer en gare d’Armavir, ou quelque autre malchance qui détruirait son rêve. Elle se signa furtivement en baissant la tête. Arapoff et sa femme somnolaient côte à côte, sur la banquette. Lioubov feuilletait un journal et soupirait fréquemment, pour montrer qu’elle était de mauvaise humeur. Kisiakoff discutait avec Nicolas dans le couloir. Et on entendait les rires d’Akim et de Nina derrière la cloison légère.

Tania colla son visage à la glace fraîche du wagon. La plaine filait à perte de vue, aussi vide et grise que le ciel qui la dominait. On ne discernait pas les montagnes. On ne sentait pas l’approche de leurs masses de neige et de rocs brisés. Sur la carte que Tania avait consultée, des centaines de verstes séparaient le petit rond modeste d’Armavir des hauteurs de l’Elbrouz et du Kazbek, cernées de hachures brunes. Et, cependant, Armavir était une cité du Caucase. Et cette cité ne pouvait manquer de participer à la vie noble des cimes.

Arapoff ouvrit les yeux et dit d’une drôle de voix émue et douce :

— Nous approchons, Tania.

Tania ne répondit rien. Elle était trop émue pour parler. Chaque tour de roue donnait raison à son espérance. Dans le soir, une poignée de lumières minuscules palpitaient comme des étoiles : Armavir. Voici les premiers signaux de la gare. Voici les longs convois de marchandises, endormis sur des voies mortes. Voici des toits, des murs, des silhouettes humaines. Voici le quai mal éclairé.

Des gens criaient autour de Tania, dans le compartiment :

— Tania ! Tania ! Attends-nous ! C’est plus convenable ! Je ne retrouve plus ma mallette bleue ! Où est passé Akim ? Combien de temps le train reste-t-il en gare ? Porteur, porteur, occupez-vous un peu de mademoiselle !…

Mais Tania n’entend rien, ne voit rien. Deux bras l’ont saisie aux épaules. Une voix joyeuse murmure :

— Enfin ! Le train n’a eu que sept minutes de retard !

Dix calèches, spécialement commandées à Stavropol, attendaient les invités sur la place de la Gare. Michel, très affairé, tira un papier de sa poche et répartit les voyageurs dans les voitures, suivant le plan qu’il avait établi. Il courait d’un groupe à l’autre, appelait les cochers par leur nom et marquait des traits de crayon dans les marges de son feuillet.

— Laissez-les, Michel, ils se caseront bien eux-mêmes ! dit Tania.

— Non, non… J’ai tout préparé, j’ai tout réglé… Comme ça, il n’y aura pas de désordre…

Lorsque toutes les voitures furent occupées, Michel s’installa avec Tania et les parents Arapoff dans sa propre calèche qui tenait la tête de la file.

— À l’hôtel du Caucase, dit-il.

Et le convoi s’ébranla lentement par les rues obscures de la ville. Il avait plu, et les sabots des chevaux enfonçaient dans une boue épaisse. Les trottoirs étaient vides. Des lampadaires à pétrole brûlaient d’une flamme malade dans l’air noir, humide et froid. L’hôtel du Caucase se trouvait dans la rue principale d’Armavir. Toutes les chambres en avaient été louées par les Danoff pour leurs invités. Le linge de toilette et de literie avait été fourni par la maison Danoff. Et des gerbes de fleurs, commandées par les Danoff, ornaient les pièces, les escaliers et jusqu’aux lavabos.

Dans le vestibule dallé de l’hôtel, le portier et les garçons d’étage triaient les valises et remettaient aux clients les clefs de leurs appartements. Les invités s’interpellaient gaiement, riaient, confrontaient les numéros de leurs chambres. Lioubov insistait pour avoir une pièce avec balcon et vue sur les montagnes.

— Mais d’Armavir on ne voit pas encore les montagnes, madame, disait le portier avec une dignité confuse. Seulement l’été, par temps très clair…

Kisiakoff faisait la cour à une cousine éloignée des Arapoff, petite bonne femme blonde au nez retroussé et aux joues frappées de fossettes :

— Nous serons voisins… Méditez cette constatation, ma chère…

— Voulez-vous vous taire, Ivan Ivanovitch ! Comment un homme marié peut-il tenir des propos pareils !

— En voyage, tous les hommes sont célibataires.

Nicolas, morne et pâle, regardait le baromètre. Les parents Arapoff accablaient Michel de questions oiseuses sur la santé de sa famille et sur les mérites du prêtre chargé de la bénédiction. Tania, qui tombait de sommeil, écarquillait les yeux, souriait d’un air stupide, disait « Oui, non, merci », au hasard de la conversation.

Les chevaux piaffaient dans la rue. Le portier chassa un mendiant qui s’aventurait à petits pas dans le hall. Un laquais ouvrit les portes de la salle à manger, et Michel convia les invités à un souper froid, avec du champagne et des vins cuits qui tournaient la tête. À table, il se pencha vers Tania et lui dit à l’oreille :

— Je passerai vous voir demain après-midi à l’hôtel.

Tania se regarda dans une grande glace murale et vit qu’elle avait de la suie sur le bout du nez. Depuis dix minutes déjà, Lioubov s’évertuait à lui signaler par des grimaces qu’un accident déparait son visage. Mais Tania n’avait même plus le courage d’être coquette. Elle était trop fatiguée et un peu ivre aussi.

Après la collation, Michel prit congé de l’assistance et les invités gagnèrent leurs chambres par petits groupes bavards.

Étendue à plat ventre dans son lit, le nez enfoui dans les oreillers, Tania s’efforçait en vain de dormir. Elle entendit longtemps des claquements de portes, des rires, des pas rapides dans le couloir. Quelqu’un ne retrouvait plus sa brosse à dents et sonnait le garçon d’étage. Une tante de Tania réclamait de l’eau chaude. M. Minsk-à-Pinsk allait de porte en porte en grommelant :

— Vous n’avez pas vu mon nécessaire de toilette ?

Lioubov et son mari occupaient une chambre contiguë à celle de la jeune fille. Tania distinguait la voix forte de Kisiakoff qui parlait, parlait, comme un bourdon heurté contre une vitre. Des chaussures tombèrent sur le parquet. Le bois du lit grinça plaintivement. Un faible cri traversa la cloison :

— Non, Vania…

Et Tania, écœurée et lourde, se sentit couler à pic dans le sommeil.


Selon la vieille coutume arménienne, une fiancée n’avait pas le droit de pénétrer, avant le mariage, dans la maison de ses futurs beaux-parents. Cette interdiction de rencontrer Marie Ossipovna et Alexandre Lvovitch paraissait à Tania extrêmement romantique. Bien qu’elle eût été élevée dans la religion orthodoxe, elle était prête à admirer toutes les subtilités des rites arméniens et caucasiens d’Armavir. Elle se sentait déjà séduite et dominée par les habitudes d’un pays qu’elle aimait à travers Michel. Ce fut donc sans la moindre amertume qu’elle laissa ses parents se rendre seuls et en grande tenue au domicile des Danoff. Après leur départ, elle tourna longtemps dans sa chambre, désœuvrée et triste, et finit par prier Lioubov de se joindre à elle pour visiter la ville.

En vérité, Tania, qui s’attendait à découvrir un aoul étouffé de verdures sauvages et traversé par le galop des cavaliers tcherkess, fut déçue par l’aspect morne et commercial d’Armavir. Cette cité, prise dans une boucle du Kouban, et dominée par le fortin en briques rouges de Protchnokop, était un ramassis de maisonnettes européennes sages et solides, avec des façades de plâtre, des toits de zinc ou de tuiles et des trottoirs en bois. La rue principale, la seule qui fût pavée, embrochait, de bout en bout, toute l’agglomération. À une extrémité, il y avait l’église qui conservait encore son vieux mur d’enceinte percé de meurtrières. À l’autre, une chapelle. En face de l’église, la maison communale. En face de la chapelle, le cimetière. Les autres monuments de marque étaient l’école primaire, la gare et le Cercle. Pas un jardin privé, pas un potager, pas une cour d’herbes folles. Des comptoirs immenses ouvraient leurs portes sur des architectures de caisses et de ballots éventrés. Les charrettes roulaient à grand fracas, et leurs charges déformaient les bâches jaunes aux initiales orgueilleuses. De temps en temps, un Tcherkess à la bourka crottée passait, à cheval, pouilleux et superbe, et, derrière lui, venaient des ânes rachitiques écrasés de balluchons et de cageots. Çà et là, des calèches élégantes voisinaient avec des fourragères attelées de bœufs et des chars primitifs à roues pleines. Des Arméniennes, recouvertes d’un châle noir, bavardaient à leur fenêtre et dévisageaient les promeneurs d’une façon méchante et rapide. Partout, des vitrines, des planches, des enseignes commerciales : « Rekouj et fils, mercerie en gros » ; « Comptoirs du Kouban, vente de tous lainages » ; « Golochtanine, tissus à la mode » ; « Grand Bazar du Caucase » ; « Soukhine, articles en bois » ; « Kliachka, armurier ». Devant la vitrine de l’armurier, quatre Tcherkess, en longues capotes et en bonnet de fourrure, commentaient les qualités respectives des revolvers et des poignards exposés. Plus loin, un autre Tcherkess prenait à partie un coiffeur blond et frisé qui lui défendait l’entrée de sa boutique. Plus loin encore, deux Persans barbus, chaussés de petites pantoufles, se chamaillaient en comptant leur bénéfice sur les doigts.

Tania avait l’impression que la ville entière ne vivait que pour et par le négoce acheter – vendre – acheter – vendre.

Au bout de la rue principale, les deux sœurs s’arrêtèrent pour contempler, par-delà les rails du chemin de fer, la plaine indifférente qui rejoignait le ciel gris. Aucun doute n’était possible : il n’y avait pas de montagnes à l’horizon.

— Je trouve ça sinistre, murmurait Lioubov en grelottant.

Bien que Tania partageât l’opinion de sa sœur, elle haussa les épaules et dit d’une voix négligente :

— Toutes les villes étrangères paraissent sinistres aux touristes. Mais il suffit d’y habiter quelques jours pour découvrir leur charme.

— Quand tu découvriras le charme d’Armavir, tu me feras signe, dit Lioubov.

Tania estima bon de prendre un air vexé, et les deux sœurs regagnèrent l’hôtel du Caucase sans plus échanger une parole.

À l’hôtel du Caucase, Tania trouva Michel qui l’attendait dans le salon de correspondance.

— Vous avez vu Armavir, dit-il. Qu’en pensez-vous, à présent ?

Tania se troubla et répondit qu’elle ne voulait pas juger la ville sur une première visite.

— Je devine votre gêne, dit Michel. Vous avez trouvé qu’Armavir manquait de verdure, de promenades élégantes et de magasins de modes ? C’est vrai : nous ignorons tous ces raffinements que j’ai pu apprécier à Ekaterinodar. Mais la campagne qui nous entoure est belle, et les gens que vous connaîtrez ici sont des gens simples et courageux. Vous les aimerez… Oui, oui… Tout ira bien…

Il paraissait nerveux et préoccupé. Il tortillait la chaîne de sa montre. À plusieurs reprises, il sortit un carnet, le feuilleta et le glissa de nouveau dans sa poche. Puis, tout à coup, il s’approcha de Tania et la regarda dans le fond des yeux.

— Tania, dit-il, j’ai un aveu à vous faire. Mes parents m’avaient conseillé de vous taire la chose. Mais je ne sais pas dissimuler mes sentiments.

— Que de mystère ! dit Tania en souriant.

Michel baissa la tête :

— Volodia est ici.

— Quoi ?

— Oui, je le croyais à Moscou, ou à Saint-Pétersbourg, et il est ici…

— Seul ?

— Je le suppose.

— Mais pourquoi est-il venu ? dit Tania qui était devenue très pâle.

— Je ne sais pas. Il est arrivé depuis deux jours. Il est descendu à l’hôtel de la Poste, en face de notre maison. Et il répète, à qui veut l’entendre, qu’il désire assister à notre mariage.

— Vous l’avez vu ?

— Non.

— Vous comptez le voir ?

— Non.

— Et s’il prépare quelque mauvais coup pour le jour de la cérémonie ?…

— Nous saurons l’empêcher de nuire.

— Il tentera de nous tuer ! s’écria Tania. Il est capable de tout ! Il… il est méchant !

— Volodia ne tentera pas de nous tuer, dit Michel avec douceur, parce qu’il est un pleutre. Tout au plus demandera-t-il à quelques énergumènes de hurler des injures au passage de la calèche, ou d’interrompre le service par un scandale. Mais nos dispositions sont prises. Des cavaliers tcherkess feront la police autour de la voiture. Et les invités seront sévèrement contrôlés à leur entrée dans l’église.

— C’est affreux, gémit Tania, et elle cacha son front dans ses mains.

Ils demeurèrent un long moment, debout l’un devant l’autre sans échanger une parole. Par la fenêtre, on voyait la façade d’une mercerie. Des hommes entraient, sortaient, chargeaient des charrettes, marquaient les ballots de marchandises avec des bouts de craie. Tania s’assit dans un fauteuil et se mit à frotter ses mains l’une contre l’autre d’un geste machinal. Son angoisse dépassée, il ne lui restait plus au cœur qu’un sentiment de fierté et de colère. N’était-il pas admirable qu’il lui fallût braver une menace pour épouser l’homme qu’elle aimait ? N’avait-elle pas souhaité de tout temps que son mariage se distinguât des mariages bourgeois par son caractère exceptionnel et romantique ? Elle avait eu tort de juger cette ville sur les apparences. L’air qu’on y respirait était bien l’air généreux du Caucase. À peine y était-elle installée que, déjà, les passions se déchaînaient autour d’elle.

— Michel, dit-elle d’une voix un peu théâtrale, vous avez bien fait de m’apprendre la présence de Volodia dans la ville. Je n’ai peur de rien avec vous.

— Merci, dit Michel.

À ce moment, Lioubov pénétra en coup de vent dans la pièce.

— Papa et maman viennent de rentrer, dit-elle en haletant. Et ils m’ont annoncé une nouvelle, une nouvelle… Tenez-vous bien…

Ses yeux brillaient d’un éclat joyeux. L’émotion lui enflammait les joues.

— Tenez-vous bien, reprit-elle. Volodia est ici !

— Je le sais, dit Tania d’un ton sec.

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