Grace pénétra dans l’antichambre du laboratoire de la police scientifique situé dans l’aile gauche de son bâtiment.
— Bonjour, inspectrice Campbell, commença-t-elle. Je viens pour…
Un homme d’une cinquantaine d’années, en blouse blanche, chauve, sans sourcils, terminait de glisser un CD-ROM dans une enveloppe. Il leva un doigt pour lui demander de patienter et griffonna quelque chose sur le papier kraft. Puis il tourna son regard hautain vers sa visiteuse, qui devina tout de suite que la conversation serait moins plaisante qu’avec le jeune Joan.
— Je sens au timbre de votre voix que vous êtes pressée, inspectrice.
Grace faillit lui répondre que du résultat de cette analyse dépendait la poursuite ou l’échec d’une enquête décisive pour sa vie. Mais elle jugea qu’il n’était pas nécessaire de se mettre ainsi à nu.
— À passer aux rayons X, s’il vous plaît, se contenta-t-elle de dire, en désignant du menton la pochette orange qu’elle tenait fermement serrée dans ses mains.
Le technicien scientifique lissa son arcade sourcilière imberbe.
— On cherche quoi, exactement ?
— A priori, quelque chose d’écrit à l’intérieur.
— Si c’est simplement écrit, on ne verra rien. Il faudrait une réflectographie infrarouge. Mais on va commencer par les rayons X, on ne sait jamais. Je peux ?
Grace lui tendit la chemise à contrecœur et le regarda partir dans la salle d’examen avec anxiété. De l’autre côté d’une vitre, elle le vit la positionner délicatement sur une table avant d’ajuster le bras mécanique de l’appareil de radiologie.
S’efforçant de ne pas imaginer le pire – un mauvais réglage de la machine, ou un court-circuit détériorant irrémédiablement une pièce capitale dans sa quête de vérité –, elle prit place dans l’un des fauteuils faisant face à un moniteur tout juste éclairé par une petite lampe de bureau à la lueur tamisée.
Le technicien la rejoignit, et avant qu’elle n’ait le temps de reprendre sa respiration, il pressa sur un bouton rouge qui saillait du pupitre de contrôle.
Une seconde plus tard, la radiographie de la pochette s’affichait sur l’écran.
On y distinguait clairement les contours cartonnés, les plis plus foncés des rabats, les cercles noirs des attaches métalliques et les élastiques. Mais aucune trace d’écriture.
Son front calé dans la paume de sa main, Grace s’attendait déjà à ce que le scientifique lui annonce qu’ils allaient passer à l’infrarouge, mais elle le vit prendre sa souris pour zoomer sur un endroit bien précis.
— Vous voyez là ?
Il pointa de l’index le centre de la chemise.
Grace s’approcha de l’écran.
— C’est peut-être un tout petit peu plus sombre, finit-elle par dire sans conviction.
— Exactement, c’est subtil, j’en conviens, mais vous remarquez que cette atténuation lumineuse n’apparaît pas ailleurs. Soit il s’agit d’une irrégularité de la densité du carton original, soit quelque chose a été glissé entre les deux couches de la couverture.
Grace se leva sans attendre, récupéra la pochette et la tendit au technicien.
— Vous serez plus habile que moi.
— Suivez-moi.
Il ouvrit une porte et alluma une salle bien plus vaste, semblable à un bloc opératoire. Il plaça la pochette sur une table puissamment éclairée de spots blancs, se saisit d’un scalpel et s’attela à séparer en deux le carton de la pochette.
L’opération était minutieuse, et c’est le cœur battant que Grace observait chacun de ses gestes.
— Tiens, on dirait que ça a été recollé, souffla le policier de la scientifique, alors que les pans s’écartaient plus facilement que prévu.
Il poursuivit son travail en donnant des petits coups de lame pour remonter progressivement vers le milieu de la pochette.
Après une dizaine de minutes pendant lesquelles Grace s’était félicitée d’être une femme si patiente, notamment grâce à sa passion pour la lecture, le carton se scinda en deux.
Sous son regard médusé, le technicien troqua le scalpel pour une pince, avec laquelle il s’empara d’un minuscule rectangle de papier blanc quasi transparent.
Grace crut y voir une inscription. Mes premiers mots lors de ma réapparition, pensa-t-elle. Qu’ai-je pu lui dire de si important qu’il ait caché comme un trésor toutes ces années ?
— Une seconde, chuchota le scientifique, bien conscient de l’importance du moment. Là, vous verrez mieux.
Il plaça le papier pas plus grand qu’un timbre sous une loupe montée sur bras articulé. Derrière le hublot grossissant, l’écriture apparut.
Grace ne s’attendait pas à cela.
Dans une encre passée, quatre signes à peine lisibles se succédaient :
P G A 3