– 34 –

— Olympe m’a trahi de la pire des manières. Une trahison qu’ils ne pourront jamais faire disparaître ou racheter, et qui a détruit ma vie.

Intriguée, Grace effaça son sourire moqueur. Gabriel avait perdu son attitude railleuse et supérieure. Il semblait sincèrement affecté. Elle le laissa poursuivre.

— Quand j’ai été hospitalisé entre la vie et la mort, on m’a, entre des fractures et une pneumonie, diagnostiqué un grave traumatisme rénal qui nécessitait une greffe urgente. Les médecins m’ont demandé si j’avais un frère parce que les chances de compatibilité étaient de 25 % contre 10 % avec un donneur de leur fichier. J’ai prévenu mon père parce que cela faisait des années que je n’étais plus en contact avec mon frère. Et c’est là qu’il m’a dit de ne pas me faire de faux espoir parce que celui-ci n’était pas mon frère biologique. Et ce n’était qu’un début.

Gabriel se servit un verre d’eau, l’avala et reprit, alors que Grace se demandait où il voulait en venir.

— Je vais faire bref, inspectrice, mais j’ai progressivement découvert que mon père m’avait adopté et qu’en réalité j’appartenais à Olympe. Au sens propre du terme. Dans sa grande entreprise de clonage humain, Olympe m’a conçu comme la réplique de l’un des pires tueurs à gages de l’histoire, Richard Kuklinski.

Grace eut instinctivement un léger mouvement de recul. Elle savait évidemment qui était ce criminel américain, qui avait probablement éliminé deux cent cinquante personnes au cours de sa carrière d’assassin, notamment pour le compte de la mafia. Les policiers l’avaient surnommé Ice Man, parce qu’il congelait les cadavres pour maquiller l’heure de la mort. Il avait aussi pour habitude de filmer l’agonie de ses victimes alors que celles-ci étaient dévorées vivantes par des rats.

Gabriel leva la tête vers Grace pour juger sa réaction. En le voyant ainsi, avec sa barbe mal dégrossie, son début de calvitie sur le haut du front et sans ses artifices esthétiques, elle reconnaissait effectivement les paupières tombantes et le regard sans compassion du célèbre tueur à gages. La ressemblance était même flagrante. Elle en fut déstabilisée.

— Comme vous, inspectrice, comme tout le monde, j’ai cru pendant toutes ces années que j’avais été l’acteur de ma vie, que ce métier de « nettoyeur » que vous méprisez était mon choix, ma fierté. Bref, j’étais heureux et, par-dessus tout, je me pensais libre, libre !

Gabriel tapa du plat de la main sur la table.

— Je n’étais et je ne serai jamais rien d’autre que ce qu’Olympe a voulu que je sois, avec la complicité de celui que je croyais être mon vrai père ! Je suis une copie génétique d’un monstre et on m’a élevé comme lui afin que je devienne, moi aussi, un fanatique du meurtre. Ils ont conditionné mon existence ! Ils m’ont emprisonné, ils m’ont déterminé ! Ils ont fait de moi un outil, Grace. Pas un humain avec son libre arbitre, mais une arme qu’ils ont utilisée pour traquer mes semblables sans même me l’avouer !

L’assassin se rendit compte qu’il avait monté la voix et siffla ses derniers mots entre ses dents.

— Jamais je ne pourrai devenir celui que je veux, puisque je suis déjà quelqu’un d’autre.

Il pinça la peau de son visage, tira sur les pointes de ses cheveux, frappa sa poitrine.

— Rien de tout ça n’est moi ! Je ne suis que la copie d’un autre, pour le restant de mes jours ! Et ça, je ne l’accepterai jamais, je ne le pardonnerai jamais à Olympe. Voilà pourquoi je veux qu’ils tombent. Si le Passager et son œuvre disparaissaient, j’aurais le sentiment de retrouver ma liberté. Je ne peux, comme tout enfant, tuer symboliquement le père pour devenir un homme, alors je serai la créature qui détruit son créateur pour briser ses chaînes.

Grace était stupéfiée par ce qu’elle entendait. Si elle n’avait pas elle-même découvert les activités d’Olympe dans le domaine du clonage, jamais elle n’aurait cru Gabriel. Sans pour autant avoir de la compassion pour lui, elle ne pouvait que ressentir la détresse infernale de cet individu prenant conscience de son identité prédéterminée.

— Vous voulez trahir Olympe par vengeance…, conclut-elle.

— Je veux qu’ils regrettent jusque dans la mort d’avoir décidé de ma vie à ma place.

Grace ne doutait plus de la soif de revanche qui assaillait Gabriel. Cependant, elle ne comprenait pas quel rôle elle avait à jouer dans cette vendetta.

— Pourquoi n’allez-vous pas tuer vous-même celui que vous appelez le Passager ? Vous êtes le fameux « nettoyeur », vous avez mille fois plus de chances que moi de l’atteindre. En quoi suis-je utile dans cette histoire ?

— Tout d’abord, il va falloir être deux pour l’approcher, mais j’y reviendrai plus tard. Ensuite, je ne veux pas tuer le Passager, mais l’envoyer devant la justice. Je veux que tous les crimes d’Olympe soient dévoilés. Or, si c’est un type comme moi qui livre les informations, elles seront immédiatement discréditées et l’affaire étouffée. En revanche, si c’est une inspectrice de police à l’éthique irréprochable, les tribunaux et la presse ne pourront pas fermer les yeux et le scandale éclatera au grand jour. C’est vous ou personne, Grace.

Elle détestait qu’il l’appelle par son prénom, cette insupportable tentative d’intimité lui hérissait le poil.

— En imaginant que je parvienne à l’arrêter…, reprit-elle. D’ailleurs à quoi ressemble-t-il, ce Passager ?

— On ne sait pas. Je ne l’ai jamais vu. La plupart des agents d’Olympe, même les plus haut placés comme moi, n’ont aucun contact direct avec le grand patron. Il communique ses ordres par l’intermédiaire d’une poignée de proches conseillers. Le Passager se montre rarement au grand jour. Ceux qui ont pu le voir restent très évasifs. Certains disent que c’est un homme, d’autres une femme. Un vrai mystère entoure son identité.

— Après tout, peu importe. Ce qui m’inquiète, c’est votre soudaine naïveté. Vous pensez vraiment que cet individu va se confesser et tout avouer ? Je ne le connais pas, mais pour diriger un groupe aussi tentaculaire qu’Olympe, il ne doit pas craindre grand-chose, et probablement pas un tribunal. Il nous faut des preuves.

Gabriel approuva, un air de satisfaction brillant au fond des yeux. Non, il n’a pas perdu son cynisme.

— Nous sommes bien d’accord. Je ne vous demande d’ailleurs pas d’arrêter le Passager, mais de mettre la main sur ses dossiers personnels afin de révéler la véritable nature du Plan d’Olympe.

— Qu’entendez-vous par là ? D’après Lukas, les membres du réseau Kentler évoquaient aussi ce « plan ».

— Le Plan, avec un grand p, est la stratégie globale du Passager. Je crois qu’Olympe tend à forger les conditions d’une nouvelle forme de civilisation à l’échelle planétaire.

Grace songea inévitablement à l’affaire d’Iona, et ce qu’elle l’avait amenée à découvrir.

— Vous pensez juste, inspectrice, devina-t-il. L’abêtissement des populations occidentales via la dépendance à la vacuité des réseaux sociaux, entraînant une chute mondiale du QI, fait bel et bien partie du Plan ; cela constitue les fondations de leur objectif final. Mais je sais qu’ils avancent masqués dans d’autres domaines afin que les gens soient désorientés et n’aient pas le temps de comprendre ce que l’on est en train de faire d’eux.

Grace avait toujours été méfiante à l’égard des analyses globalisantes et des intentions malfaisantes que l’on prêtait à certaines multinationales. Mais son enquête précédente avait démontré que les dirigeants des grandes entreprises de la Silicon Valley, qui utilisaient les méthodes mises au point par Olympe pour s’assurer de la dépendance des utilisateurs à leurs produits, étaient parfaitement conscients du mal qu’ils faisaient à la population. Restait à établir s’ils ne poursuivaient qu’un cynique objectif commercial ou s’ils nourrissaient d’autres ambitions plus sournoises encore.

— Imaginons que ce Plan existe vraiment, reprit Grace. Vous pensez que le Passager, ou n’importe qui d’autre au sein d’Olympe, conserve toutes les étapes de sa stratégie bien cachées dans un coffre ? Est-ce que… ?

L’assassin ferma les yeux, comme sous l’effet d’une violente douleur. Grace s’arrêta de parler. Blême, Gabriel porta sa main sur le bas de son dos. Sa tête trembla alors qu’il crispait ses mâchoires et qu’une goutte de sueur perlait à son front. D’un geste névrotique, il sortit une plaquette de médicaments de sa poche. Il prit un cachet et l’avala.

Grace l’observait sans intervenir, sa sensibilité à la souffrance d’autrui largement émoussée par le souvenir de ce que cet homme lui avait fait.

Deux minutes passèrent en silence, Gabriel luttant visiblement contre un mal physique aigu et difficilement soutenable. Quand il rouvrit les yeux, il avait le regard huileux et ses cernes violacés sur son visage blafard lui donnaient un air de malade agonisant.

— Des calculs rénaux depuis… la greffe, dit-il en se détournant. Je ne vous remercierai jamais assez de la blessure que vous m’avez infligée au Groenland.

— Vous n’avez pas répondu à ma question, rétorqua Grace avec indifférence. Même si je trouve ces fameux dossiers, les chances sont infimes qu’y soient consignés les détails de l’éventuel Plan.

— Évidemment ! répliqua Gabriel d’une voix agacée.

Grace tressaillit. Depuis son retour, cet homme s’efforçait de dissimuler sa vraie nature sous une apparence affable. Cette cassure agressive dans le masque de sérénité trahissait enfin toute la violence dont il était capable.

— Excusez-moi, dit-il aussitôt, la douleur a tendance à me faire perdre mes nerfs. Mais votre remarque est tout à fait pertinente. Ce document n’existe probablement pas. Le Passager n’est pas assez stupide pour avoir mis son Plan par écrit. En revanche, en tant que chef d’un département de la sécurité, je sais qu’il garde précieusement sur une clé USB tous les dossiers compromettants qu’il a sur chacun de ses collaborateurs afin de les contrôler : papiers administratifs litigieux, transactions bancaires illégales, et surtout photos et vidéos innommables… C’est cela qu’il nous faut, inspectrice. Voilà ce que vous devez récupérer. Si nous révélons ces informations, c’est alors toute la pyramide qui s’effondrera. Vous aurez votre justice, le peuple la vérité, et moi, j’obtiendrai ma vengeance. Tout le monde y trouve son intérêt.

— Vous êtes certain que de tels dossiers existent ?

— J’ai mis six mois à pirater l’ordinateur personnel du Passager. Cela a mis du temps parce que j’ai procédé par petites touches afin de ne pas me faire repérer. Mais j’ai fini par accéder à certains de ses fichiers qui contenaient des images et des documents plus qu’embarrassants pour certains de nos clients. Et si je n’ai pas pu les télécharger sous peine de déclencher une alerte, j’ai constaté que le Passager les transférait systématiquement sur un support externe de type USB. Ça devrait vous suffire comme explication, non ?

Grace haussa une épaule.

— Et où se trouve cette clé ?

— Le Passager l’a parfois sur lui. Mais je doute qu’il se promène en permanence avec tous les secrets de ses collaborateurs. Il ne prendrait pas le risque de la perdre et que l’un d’eux la trouve. Il doit la ranger en lieu sûr. À savoir dans son bureau. Or, je me suis procuré les plans de ses appartements privés. Il y a une niche aménagée dans un mur dont les dimensions laissent penser qu’elle a été percée pour y glisser un coffre-fort. La clé ne peut être que là.

Grace reconnaissait l’excellent travail de préparation de Gabriel, mais elle n’avait pas encore pris sa décision.

— Imaginons que je refuse votre proposition, hasarda-t-elle. Que ferez-vous ?

— Je vous retourne la question. Que ferez-vous quand vous aurez compris que vous avez raté l’unique occasion de faire condamner Olympe et de faire payer le vrai responsable de tout ce qui vous est arrivé ? Dois-je vous rappeler que c’est grâce à Olympe que le réseau de Hamelin a pu sévir tant d’années, y compris l’homme qui vous a kidnappée et violée ? Que c’est encore grâce à Olympe que les amis de Kentler ont vécu tranquillement leur perversion ? Et que c’est par la faute d’Olympe que Naïs n’est plus là…

— Je trouverai un autre moyen, répliqua Grace, davantage pour pousser Gabriel dans ses retranchements que par conviction.

L’assassin haussa les épaules.

— Comment pouvez-vous penser une chose pareille, vous qui connaissez l’immense puissance financière, technologique, politique, médiatique et juridique de la forteresse Olympe ? Vous avez besoin d’un allié à l’intérieur. Vous avez besoin d’un allié qui a accès aux processus de sécurité. Un allié qui a, encore plus que vous, le désir de mettre à terre le colosse.

La jeune femme ne voulait pas se prononcer avant d’en savoir plus sur la tactique que Gabriel avait échafaudée.

— Concrètement, comment se passeraient les choses ?

— Demain soir, le Passager organise un double événement dont j’ai été chargé d’assurer la sécurité. D’une part, il y aura un dîner de gala pour une collecte de fonds en faveur de la Fondation Olympe. Celle qui lui sert à amadouer l’opinion en se faisant passer pour une société philanthropique. D’autre part, presque simultanément, mais dans une deuxième salle, il dirigera l’une des rares assemblées avec ses plus proches collaborateurs du Plan. Cette concomitance des événements va être notre chance.

— En quoi serait-ce une chance pour nous ?

— J’y viens. Les appartements privés du Passager sont juste à côté de la salle où se déroulera la réunion avec ses associés. Cela nous faciliterait la vie si nous pouvions y participer, mais c’est évidemment impossible, le Passager les connaît tous. En revanche, de nouveaux donateurs peuvent être conviés au gala. Je vais donc faire en sorte que vous preniez l’identité d’une donatrice invitée à la réception.

— Le Passager et vos hommes n’ont-ils jamais vu mon visage, après ce qu’il s’est passé il y a quelques mois ?

— Sans vouloir blesser votre orgueil, même si vous avez causé quelques soucis à Olympe dernièrement, ils ont été si insignifiants pour l’entreprise que vous n’existez même pas aux yeux de la direction. Quant à mes hommes, je n’ai placé que ceux qui ne vous ont jamais vue.

— Et vous, vous serez sur place ?

— Non. Je gère tout depuis un poste de contrôle à distance. Même si pour moi c’est une première, c’est toujours ainsi que l’on procède chez Olympe. Pour se garder une chance d’intervenir de l’extérieur en cas de pépin. Et aussi parce que l’on est bien plus concentré et omniscient dans une salle de contrôle équipée d’écrans et de micros qu’au milieu d’une réunion.

— Et une fois infiltrée dans la réception, que devrai-je faire ?

— Vous serez en relation permanente avec moi via une oreillette que vous trouverez après avoir franchi les contrôles de sécurité. Au bout de quelques minutes, vous vous éclipserez du gala et je vous conduirai de porte en porte jusqu’aux appartements privés du Passager. Une fois que vous serez sur place, je vous indiquerai où se trouve le coffre-fort et comment l’ouvrir. Puis il vous suffira de revenir sur vos pas, déposer la clé USB là où vous aurez pris l’oreillette, avant de quitter la fiesta comme si de rien n’était. Je me débrouillerai ensuite pour récupérer la clé et vous la remettre.

— Et si l’un de vos gardes me surprend, il me laissera passer ?

Gabriel gratta sa cicatrice à la gorge.

— Non. Aucun n’est évidemment dans la confidence. Si vous vous faites prendre, la mission sera terminée et je ne vous garantis en rien que j’arriverai à vous sauver la vie… Mais sachez que j’aurai complètement la main, puisque je suis seul dans la salle de contrôle, sur les caméras de surveillance et le verrouillage des portes.

Grace mesurait le risque, mais également l’occasion de porter un coup fatal au Passager et son ramassis de pourriture. Si une mission donnait du sens au métier qu’elle avait choisi, c’était bien celle-là.

— J’accepte, dit-elle. À une condition : je repars avec la clé USB. Je ne vous fais pas assez confiance. Peut-être êtes-vous en train de vous servir de moi, avant de disparaître dans la nature une fois votre trophée en main.

L’homme serra les poings. Il allait s’emporter, mais réussit à se maîtriser.

— Si vous voulez, mais c’était pour éviter qu’on la trouve sur vous au cas où le Passager aurait mis un mouchard dessus.

— Je prends le risque. Où et quand a lieu la réception ?

Gabriel fouilla dans sa poche et déposa un petit papier sur la table du restaurant. Grace y lut des coordonnées géographiques.

— Soyez là-bas à 16 h 45 demain.

— Où est-ce ?

— En Suisse. Je serai à Zurich dans l’un des centres de contrôle d’Olympe, mais je ne me trouverai pas là où vous avez rendez-vous.

— Mais que dois-je faire une fois sur place ?

— Je vous appellerai et je vous expliquerai.

— Pourquoi tout ce mystère ?

— Parce que, moi aussi, je me méfie. Je n’ai pas envie que vous débarquiez avec une bande de flics pour prendre d’assaut le quartier général d’Olympe et capturer le Passager de force. Cela ne mènerait à rien, et malheureusement, je crains que ce ne soit une option que vous puissiez envisager.

— Aurai-je besoin d’un carton d’invitation, d’un badge ?

Gabriel ricana.

— S’il y a bien un endroit où la reconnaissance faciale a été mise en place, c’est chez Olympe. Vous n’aurez besoin de rien d’autre que vous. À part peut-être une chose.

— Quoi ?

— Une tenue de gala.

La dernière fois que Grace avait enfilé une robe, elle devait avoir huit ans, et c’était pour un déguisement de carnaval.

— C’est obligatoire ?

— C’est plus une tradition. Cela vous permettra de vous fondre dans la masse. Maintenant, si vous le voulez bien, je vais vous quitter. Je dois préparer votre fiche d’identité pour l’injecter dans le réseau, et déposer votre oreillette dans une cachette.

Gabriel sortit ensuite son téléphone.

— Je dois prendre trois photos de vous. Face et profils.

Grace se prêta à l’exercice à contrecœur.

— Merci, dit-il. Demain, soyez plus que jamais à l’heure. Les portes ouvriront à dix-sept heures. Si vous arrivez avec à peine trente secondes de retard, vous ne pourrez plus entrer.

— Trente secondes ? Pourquoi un laps de temps si court ?

— Vous comprendrez le moment venu.

Gabriel se leva et rejoignit la sortie en boitant.

Désormais seule dans le restaurant, la jeune femme sentit une lame d’angoisse commencer à monter en elle.

Загрузка...