LES DIEUX BELLICISTES
Une seule chose est sûre, les dieux ne veulent pas la paix.
La guerre est utile à ceux qui règnent.
Pis ! parfois, ils prisent la guerre. Quand les divinités s’affrontent physiquement (comme Athéna et Arès), Zeus se réjouit :
En lui-même riait son cœur en liesse.
(Iliade, XXI, 389.)
Grâce à la guerre, Zeus distribue tour à tour ses faveurs à l’un ou l’autre dieu. Dans ses mains, les hommes sont une variable d’ajustement pour la stabilité de l’Olympe. Un jour, il dit à Athéna qui s’insurge de ses atermoiements :
ma fille, patience ! Je ne te parle
pas d’un cœur violent ; envers toi, je veux être agréable.
(Iliade, VIII, 39-40.)
Ce qui sous-entend : va où ton ardeur te porte, tu reprendras le combat !
C’est une théorie que bien des philosophes – Proudhon par exemple – ont formulée : les puissants ont intérêt à ce que les hommes se battent.
Aujourd’hui, deux mille cinq cents ans après Troie, quelques « dieux sombres » sont toujours à la manœuvre pour diviser les hommes. Ils ne s’appellent plus Zeus, Apollon, Héra ou Poséidon. Leurs noms sont plus profanes, leur apparence sans formes ni contours. Mais leurs objectifs équivalents.
Le contrôle des ressources, l’accès aux énergies, la puissance abstraite de la finance, les mouvements démographiques, la propagation des religions révélées, ne sont-ils pas les nouveaux mauvais dieux d’un Olympe éternel où l’homme est destiné à se maintenir en guerre pour la gloire des chiennes sanglantes ?
Parfois, ces dieux humains, trop humains, ballottés par le sort, se révèlent presque pathétiques dans leurs constructions tactiques, ridicules même – comme lorsque Héra demande à Aphrodite son aide pour ensorceler Zeus et que la déesse de l’amour lui donne une lanière brodée où tous ses charmes résident (Iliade, XIV, 215) à placer dans le pli de ta robe (XIV, 219). Imaginez, chez nous, une dame offrant à sa meilleure amie une nuisette pour étourdir monsieur.
Contrecoup des désordres et des faiblesses dans les sphères de l’Olympe, les hommes se meuvent douloureusement entre la destinée, la volonté brouillonne des dieux et leurs propres aspirations.