LES DIEUX ET L’ACTION DIRECTE

Parfois les dieux ne se contentent pas de verser dans l’organisme quelques gouttes d’élixir ! Ils prennent part au combat, s’invitent dans le réel, se manifestent d’un geste.

Faut-il alors parler d’un miracle comme lorsque la Vierge Marie apparaît dans une grotte des Pyrénées ? Non ! car, chez les Grecs du VIIIe siècle, la proximité des dieux avec les hommes ne tient pas du surnaturel mais d’une descente ordinaire des habitants de l’Olympe dans le petit guignol humain.

Ici, un dieu détourne une flèche, là, une déesse guide la trajectoire d’une lance ; là, Athéna se transforme en oiseau ; là encore, elle se tient à la poupe du bateau de Télémaque. Achille est ainsi retenu par Athéna quand il s’enrage au point de vouloir tuer Agamemnon.

Apollon protège Hector d’une brume massive où se perd quatre fois la lance d’Achille. Priam va chez Achille grâce à l’intervention d’Hermès.

Et parfois même les dieux se battent, participant à la mêlée jusqu’à imiter les empoignades des hommes, faisant ainsi l’aveu qu’ils ne sont pas des entités parfaites, épargnées par la rage.

Les dieux sont à ce point mêlés à notre existence qu’ils laissent parfois s’évaporer la nuée censée les soustraire à nos regards. Le merveilleux est banal dans le monde mythologique.

Parmi les dieux, les uns apparaissent sous une forme humaine, tel Poséidon grimé sous les traits d’un devin au chant XIII de l’Iliade. D’autres rayonnent dans leur forme divine telle Athéna qui touche les cheveux d’Achille au chant Ier. Précisons que tous les hommes ne voient pas l’apparition, car les dieux ne se montrent pas à tous les yeux (Odyssée, XVI, 161), comme le souligne Homère quand Athéna apparaît à Ulysse sans que Télémaque la reconnaisse.

C’est Athéna, tantôt grimée en Déiphobe pour abuser Hector ou en Mentor pour encourager Télémaque, tantôt s’envolant en hirondelle dans le palais d’Ulysse. C’est elle, la déesse aux prunelles ravissantes. C’est elle, aux yeux de chouette, qui déploie le plus de science dans l’art de la transformation.

Et si les dieux n’étaient que la transposition de nos sentiments, l’incarnation de nos expressions ou, en termes cuistres, l’objectivation dans une présence symbolique de nos états intérieurs ?

Ces reflets psychologiques auraient nom Aphrodite quand il s’agirait de la séduction, Arès quand nous serions en rage, Athéna quand l’heure viendrait à la ruse, Apollon quand la fièvre martiale nous envahirait. Et quand Athéna retient Achille de tuer Agamemnon, n’est-ce pas la métaphore du débat intérieur ? Cette théorie de la personnification divine de nos humeurs a servi de combustible à la théorie psychanalytique, dont Henry Miller disait, avec son sens habituel de la nuance, qu’elle n’était que l’application des mythes grecs sur les parties génitales.

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