A Thérèse
et à Philippe GINDRAUX
qui savent lire entre mes lignes.
« Je suis aussi bête que ce que je dis. »
Il avait les pieds nus et portait une petite calotte jaune sale qui modifiait complètement sa personnalité. On lui dit de se rapprocher davantage du vénérable gardien hyperbarbu qui prenait la pose, et il se serra contre le gros homme dont l’odeur de sueur rance l’écœurait. On lui demanda de chercher la lumière tombant du vitrail. Il la chercha et la trouva puisqu’elle lui fit cligner les yeux. Il distinguait confusément la silhouette de la personne qui le photographiait et se tenait de guingois, le visage curieusement fripé par l’attention. Chez certaines gens, le fait de viser les défigure. Il y eut un déclic feutré. Il s’écarta du barbu et, machinalement, murmura « Merci ». Le gardien dit quelque chose dans une langue qu’il ne comprenait pas. Il lui remit un billet d’un dinar que l’homme prit sans cupidité et déposa négligemment sur un tronc, laissant entendre qu’il le plierait menu par la suite pour l’introduire dans la fente. Ensuite il regarda une dernière fois la synagogue où régnait une fraîcheur intemporelle. Malgré ses boiseries baroques, ses carreaux émaillés, ses vitraux aux couleurs tapageuses, on s’y sentait gagné par une spiritualité indéfinissable. Il soupira en songeant à ce qui l’attendait maintenant. Il n’avait pas envie de tuer. Cependant, il était là pour ça. Alors il rendit sa calotte au vieillard barbu et remit ses chaussures de cuir souple.