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Lucie et Sharko n'avaient pas pris le temps de se poser, ni de se reposer. À peine de retour sur Paris, ils étaient retournés directement aux bureaux, abandonnant juste leurs bagages à l'hôtel proche de la Bastille. Lebrun, le numéro deux de la Criminelle, voulait absolument les voir. Nicolas Bellanger était déjà dans le bureau, le visage fermé. Ils s'installèrent, et Lebrun entra dans le vif du sujet.

- Dassonville et Scheffer sont morts.

Sharko se redressa, poussant sa chaise vers l'arrière.

- C'est une plaisanterie ?

- Asseyez-vous, Sharko, et gardez votre calme.

Le commissaire se rassit à contrecœur. Lebrun reprit la parole.

- La cause officielle est l'arrêt cardiaque, pour les deux.

- C'est...

- Leur organisme n'aurait pas supporté les radiations combinées à la présence infime de sulfure d'hydrogène. Leur réveil a été fatal. Des médecins russes planchent là-dessus, mais on sait déjà à quels résultats s'attendre.

- Où sont les corps ? Est-ce qu'on a des photos ? Des preuves ?

Lebrun se passa une main sur le visage. Il paraissait embarrassé.

- Je n'en sais rien pour le moment. Dans tous les cas, on laisse tomber. Nos coupables ont été identifiés, interpellés, ils sont morts. On attend les papiers officiels, on boucle les détails et ensuite, il n'y a plus d'enquête de notre côté.

- Plus d'enquête ? Qu'est-ce que ça veut dire ? fit Lucie.

- Ça veut dire qu'on arrête. (Il soupira longuement). L'ordre vient d'en haut.

- En haut, vous voulez dire le ministère de l'Intérieur ?

- Ne m'en demandez pas davantage, je suis comme vous. Une ministre en rapport avec le nucléaire s'est suicidée en Russie, ça fait déjà énormément de bruit. Dans les jours à venir, on doit s'attendre à ce que tous les débats autour du nucléaire se rouvrent, le sujet est extrêmement sensible, surtout à même pas six mois des élections présidentielles. Alors pas de vagues, OK ? Vous pouvez disposer, à présent. Allez...

Bellanger et ses deux subordonnés se levèrent, abasourdis. Dans le couloir, Sharko explosa. Il frappa du poing dans une cloison.

- Bordel !

Lucie était moins expressive, mais elle n'en bouillonnait pas moins de l'intérieur.

- Tout le système est corrompu, lâcha-t-elle tristement. Tu touches au nucléaire, aux applications spatiales ou je ne sais quoi, et, mystérieusement, tout t'échappe. Des gens meurent ou disparaissent en un claquement de doigts. Ça me dégoûte.

Elle s'approcha de Sharko et se serra contre lui.

- Dis-moi que ces enfants ne sont pas morts pour rien.

Ce dernier regarda la cloison, devant lui.

- On a fait notre boulot. Du mieux qu'on pouvait.

- Alors comme ça, on laisse tomber ? Tu me disais dans l'avion...

- Que veux-tu qu'on fasse d'autre ?

Il caressa Lucie dans le dos.

- Je passe à l'appartement prendre quelques affaires de rechange et je reviens te chercher, on ira à l'hôtel.

Lucie soupira, essayant de surmonter son dégoût.

- Je viens avec toi, si tu veux.

Il fixa sa compagne dans les yeux et lui sourit.

- Ça va aller. À tout à l'heure.

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