10.

Comment la Milice française, avec des « chefs » tels que Joseph Lécussan et des miliciens qui sont, à son image, gens « de sac et de corde », prêts à toutes les violences, rêvant de rapines et de crimes, pourrait-elle, selon le vœu de Pétain, « gagner le cœur de la population » ?


Elle organise pourtant des distributions gratuites de marchandises saisies – vivres, vêtements – chez ceux qu’elle appelle les « profiteurs », les « trafiqueurs », et où les miliciens perquisitionnent, mais on ne se presse pas autour de ses étals !

Qui peut croire qu’elle veut pratiquer l’« entraide sociale » ?

Qui peut imaginer, comme le dit le ministre et académicien Abel Bonnard, qu’elle est « formée d’hommes nourris de la moelle des lions » ?


On voit les miliciens briser les portes des appartements où se terrent des Juifs.

On les voit tramer des « réfractaires » aux visages tuméfiés, roués de coups.

On sait qu’ils torturent et fusillent.


Ils portent un uniforme bleu-noir, sur lequel tranche un brassard orné de la lettre gamma.

On lit dans les documents de la Milice qu’elle « a pris pour insigne le gamma dont la double valeur symbolise très heureusement la mission révolutionnaire ».

« Troisième lettre de l’alphabet grec, le gamma est la représentation zodiacale du bélier, symbole de force, mais aussi symbole de renouveau, car le monde entre au printemps sous le signe du Bélier.

« La Milice française a pris le gamma pour insigne parce qu’elle est la force française garante du renouveau français. »


Qui peut prêter attention à ces élucubrations ?

Ce signe gamma, dit-on, c’est la croix gammée de la Milice !

On craint ces « salauds », ces « voyous », cette pègre, dont le béret est la seule marque française !

On sait – et au fond d’eux-mêmes les miliciens savent aussi – que leurs jours sont comptés, et ils sont d’autant plus violents et cruels qu’ils n’ont plus rien à perdre, et que cette année 1943 qui commence, marquée au sceau de Stalingrad, est emportée par le souffle de la victoire.


Tout le monde écoute Radio-Londres.

On y apprend que le président Roosevelt a déclaré devant le Congrès des États-Unis : « Cette guerre est une lutte entre ceux qui croient à l’homme et ceux qui n’y croient pas. »

À Anfa, Roosevelt a exigé de l’Allemagne, du Japon, de l’Italie « une reddition inconditionnelle ».

Mussolini peut bien continuer de parader en proclamant que « le peuple qui tiendra un quart d’heure de plus que l’adversaire est celui qui vaincra », on ricane.

Tripoli est aux mains des Anglais de Montgomery, le Fezzan est conquis par Leclerc. Il n’y a plus d’Impero italien !

On mesure l’ampleur du désastre subi par la Wehrmacht sur le front de l’Est aux cérémonies de deuil qui ont enveloppé de voiles noirs et de musique wagnérienne tout le Reich allemand.

Alors Goebbels peut bien hurler « le mot “capitulation” n’existe pas dans notre vocabulaire », et le Führer dire « 1943 ne sera pas 1918 », on écoute de Gaulle qui, à Radio-Londres, le 4 février 1943, dresse avec lucidité le bilan de la guerre.


« Les récents discours de Berlin, dit-il, étalent aux yeux et aux oreilles du monde l’angoisse qui étreint l’ennemi.

« Ce recul entre la mer Blanche et le Caucase, ces corps d’armée encerclés, ces généraux qui capitulent, cette retraite ininterrompue depuis le Nil jusqu’au Mareth, et depuis les confins du Tchad jusqu’au golfe de Gabès, voilà qui est inquiétant pour l’Allemagne et pour ses alliés. Comment pourraient-ils maintenant imaginer la Victoire ? »

Mais de Gaulle évoque aussitôt « la force et la ruse des dictatures qui ont encore assez de ressources pour balancer le destin ! Dans le drame terrible de cette guerre comme dans les grandes tragédies classiques, l’issue demeurera douloureuse jusqu’à la scène du dénouement ! ».

Alors, il faut agir.

« Pour ce qui le concerne lui-même, le peuple français, conclut de Gaulle, entend se libérer par le sang et par les armes… »


Ces armes ne peuvent être des pavés.


À Montluçon, à Roanne, dans d’autres villes, les gares sont envahies par des manifestants qui veulent empêcher les wagons pleins de « requis » du Service du Travail Obligatoire de partir pour l’Allemagne.

Les gardes mobiles, les policiers – auxquels se sont joints des miliciens – tentent d’empêcher la foule d’occuper les voies, les halls de gare. Ils chargent, crosses levées. Ils mettent en joue.

Les manifestants répondent à coups de pavés.

Les wagons sont détachés des locomotives.

Les manifestants chantent La Marseillaise et L’Internationale.

Dans la foule, les communistes crient « Vive l’URSS », mots que recouvrent les « Vive de Gaulle », « Vive la France », « Pas de Français pour l’Allemagne », « Pas de soldats pour Hitler ».

Une compagnie de la Wehrmacht, baïonnette au canon, charge et dégage la gare de Montluçon, mais sur 160 requis, seulement 20 partent. Les autres ont dû passer au « maquis ».


Le 11 février 1943, dans l’Alsace annexée au Reich, 183 jeunes gens venant de plusieurs villages, convoqués pour s’inscrire sur le « rôle » de la Wehrmacht, se rassemblent et réussissent en cheminant dans la neige, par les champs et les bois, à franchir la frontière suisse.

La répression s’abat sur leurs familles.

Et quand les jeunes gens du village de Ballesdorf tentent eux aussi de gagner la Suisse, les Allemands sont sur leurs gardes. Les jeunes gens se défendent. Ils sont repris. Et 14 d’entre eux sont fusillés au camp de concentration du Struthof.

Les autorités allemandes organisent systématiquement des déportations massives : dans l’arrondissement d’Altkirch, sur une population totale de 46 000 personnes, 2 364 sont déportées.

Et pour combler les vides, les Allemands installent dans les fermes des ouvriers polonais et ukrainiens.


Rien n’y fait : ni la répression, ni les trahisons, ni les aveux de ceux qui parlent sous la torture.

La vague de la Résistance enfle au fil des jours de cette année 1943 dont chacun sent qu’elle est décisive.


À Londres, autour de De Gaulle, on s’interroge.

Faut-il, sans attendre un débarquement en France, inciter les résistants à l’« action immédiate », à ces attentats contre les officiers et les soldats de la Wehrmacht, qui se paient d’exécutions d’otages ?

Passy, le chef du Bureau Central de Renseignements et d’Action (BCRA), se rend en France en compagnie de Pierre Brossolette, brillant journaliste socialiste, qui a rejoint de Gaulle et agit au sein du BCRA.

« Nous avons reçu avant notre départ de Londres, confie Passy, la consigne d’essayer de freiner dans la mesure du possible l’action immédiate », si coûteuse en hommes.

Tous les groupements de résistance sont persuadés de la justesse de cette position.

Mais les Francs-Tireurs et Partisans, liés au Parti communiste, déclarent qu’ils poursuivront leurs actions, leurs attaques contre « le matériel et le personnel ennemi ».

« Ils prétendent, note Passy, tuer plus de 500 Allemands par mois et s’emparer à chaque fois de leurs armes… Ils ont de nombreuses pertes mais chacune de leurs attaques leur amène des adhérents au décuple. Ils considèrent aussi que c’est seulement en entraînant leurs troupes continuellement qu’ils arriveront à les aguerrir. »


Passy et Brossolette voient bien quelles sont les intentions communistes : frapper l’Allemand et s’imposer comme la force principale de la Résistance, et donc contrôler, entraver de Gaulle qui vise à l’unité dans la France Combattante de tous les ennemis de l’occupant.

Mais en dépit de la création des Mouvements Unis de la Résistance (MUR), les communistes maintiennent leur autonomie tout en rejoignant les MUR. Ils sont « dedans et dehors ».

Et les Anglais, directement, font passer des armes aux « organisations communistes de la ceinture rouge de Paris ». « Des Allemands sont abattus tous les jours dans les rues de Paris, écrit au début de 1943 un membre des réseaux anglais qui opèrent en France, et 90 % de ces attentats sont effectués à l’aide d’armes fournies par nous aux communistes. »

Est-ce pour les Anglais une « manière d’empêcher de Gaulle d’unir toute la Résistance – communistes compris – sous sa direction ?

Le soupçon existe.

En ces premières semaines de l’année 1943, on l’a vu en Afrique du Nord, Churchill et Roosevelt envisagent d’écarter de Gaulle en le privant de moyens.

« De Gaulle est un fanatique et je crois qu’il a pratiquement tout du dictateur », répète Roosevelt, et Churchill approuve.

Les deux hommes d’État – et d’abord Roosevelt – soutiennent le général Giraud.

Ils rêvent d’une transition négociée, sous leur direction et leur patronage, entre Vichy et ceux qui ont refusé la collaboration.

Exit de Gaulle, et entente entre Pétain et Giraud !


La France serait mise sous tutelle anglo-américaine. De Gaulle ne l’accepte pas.

Mais il ne dispose que d’un atout maître : cette unification – de toute la Résistance – autour de lui.

C’est l’enjeu décisif de 1943.

De Gaulle sait qu’il peut compter, pour réaliser cette unité, sur Jean Moulin, que l’on connaît dans la clandestinité sous les noms de Max, de Rex, de caporal Mercier.

Le 9 février 1943, il lui fait parvenir un message.

« Mon cher ami,

« […] L’ensemble de mes informations me confirment, s’il en était besoin, dans l’opinion que votre immense tâche est en excellente voie… Je suis sûr qu’une autorité accrue vous permettra de développer encore plus votre action.

« Vous avez toute ma confiance. Nous approchons du but, voici l’heure des plus durs efforts.

« Croyez, mon cher ami, à mes sentiments les plus profondément dévoués.

« Charles de Gaulle. »


Le 21 février, de Gaulle rappelle que Rex est son seul représentant permanent pour l’ensemble du territoire métropolitain.

Rex a autorité sur Passy et Brossolette et sur les chefs des mouvements de résistance (Frenay, d’Astier de La Vigerie, Jean-Pierre Levy…).

Le général Delestraint qui commande l’Armée Secrète est placé lui aussi sous son autorité.


De Gaulle précise le but à atteindre :

« Il doit être créé dans les plus courts délais possible un Conseil de la Résistance unique pour l’ensemble du territoire métropolitain et présidé par Rex, représentant du général de Gaulle. »

Moulin, alias Rex, Max, caporal Mercier, va se vouer à cette tâche : constituer le CNR, Conseil National de la Résistance.


La guerre que mène Moulin est celle d’un soldat de l’« armée des ombres » ; craignant d’être identifié, suivi, arrêté.

Il passe d’une « planque » à l’autre, sachant qu’il lui faut se convaincre qu’il résistera à la torture s’il est pris.

Ce peut être à n’importe quel moment : un contrôle inopiné alors qu’on attend un train, le soupçon d’un policier, d’un Feldgendarme plus méfiant que d’autres.

Le risque existe du « retournement » d’un responsable qui connaît toutes les boîtes aux lettres, les adresses, et qui craint tellement la souffrance qu’il livre tout aux agents de la Gestapo avant même qu’on l’ait giflé.

Et rien ne laisse présager que cet homme efficace, ce patriote, ce résistant courageux, qui fait partie de l’état-major du mouvement Combat, se briserait, livrerait tout ce qu’il sait, permettant à la Gestapo de dresser un organigramme presque complet des mouvements de la Résistance, et de l’Armée Secrète, dans ce qui était la zone sud – « libre » – de la France jusqu’au 11 novembre 1942.


Ce traître, un certain Murton, a ainsi parlé de ce « grand chef », représentant de De Gaulle dont l’un des pseudonymes est Max.

Ce prénom, les Allemands l’écrivent au centre de l’organigramme.

De lui partent tous les fils qui relient les réseaux et les hommes qui les composent.

Si Max est arrêté, si on réussit à le faire parler, toute la Résistance sud s’effondre.

Il faut arrêter Max. Mais qui est Max ?


C’est un homme maître de lui, d’une rigueur implacable dans le respect des règles de la vie clandestine.

Il se rend souvent à Londres.

La nuit, un Lysander de la Royal Air Force se pose en quelques dizaines de mètres sur un terrain de fortune dans le Jura ou le Massif central. Les résistants l’ont balisé. Le pilote n’arrête pas les moteurs. Des hommes – un, deux, trois – qui arrivent de Londres sautent à terre. L’un d’eux reconnaît Moulin, qui s’apprête à monter dans le Lysander. Il veut le retenir et tente de le convaincre de ne pas partir cette nuit pour Londres.

L’un des résistants saisit Moulin aux épaules et le précipite dans l’avion en lui disant :

« En avant. J’ai reçu l’ordre de vous faire partir, vous partirez. J’ai cette mission à accomplir. »

Moulin laisse faire. Il sait qu’une « armée des ombres » ne survit que si chacun respecte, applique les consignes, les ordres reçus.


Et puis ces voyages à Londres sont indispensables.

Max-Rex a de longues conversations en tête à tête avec de Gaulle.

Il lui fait part des oppositions qu’il rencontre.

Les fondateurs des mouvements de Résistance veulent garder leur autonomie. Ils s’élèvent contre le fait que Max-Rex compose le CNR en prenant directement contact avec les personnalités qu’il juge représentatives. Même attitude, même réserve à l’égard de l’Armée Secrète. Pourquoi Max a-t-il choisi le général Delestraint ?

Henri Frenay, le fondateur de Combat, est le plus hostile.

« Je ne m’associerai pas à cette mauvaise action, a-t-il dit à Moulin. Jamais je ne siégerai dans votre Conseil National de la Résistance. »


Les chefs de mouvement sont aussi opposés à l’idée que des représentants des partis politiques siégeront en tant que tels au CNR.

Ils envisagent – comme aussi Pierre Brossolette – dans la France libérée, la disparition de ces partisans qui ont sombré avec la IIIe République en 1940.


De Gaulle a été lui aussi hostile aux partis, mais Jean Moulin est persuadé que dans le CNR ils ont leur place.

Sans eux, enracinés dans l’histoire française, de Gaulle ne pourrait rassembler. Une longue lettre de Léon Blum va dans le même sens.

Léon Blum écrit :

« Un État démocratique ne peut pas vivre ou ne peut pas être conçu raisonnablement sans l’existence de partis politiques…

« Rendez-vous compte bien clairement, je vous en conjure, que les organisations de Résistance qui sont sorties du sol français à votre voix ne pourront à aucun degré se substituer à eux. […]

« Je ne verrais pour ma part que des dangers à ce que les organisations de Résistance, une fois accomplie la tâche en vue de laquelle elles ont été créées, se survécussent sous leur forme actuelle. »

Et Blum évoque ce qu’elles pourraient devenir.

« Syndicats d’intérêts égoïstes et surannés comme les associations d’anciens combattants de l’autre guerre, ou bien milices paramilitaires, redoutables à toutes les républiques…

« Vous, dont le nom est désormais identifié avec la restauration de la démocratie en France, vous devez sentir mieux que personne l’évidence de ces vérités… »

De Gaulle se rallie à cette thèse. C’est le grand tournant en février 1943.

Il y aura des représentants des partis politiques au CNR.


Mais les tensions deviennent encore plus vives entre Max et Henri Frenay. Les confrontations sont dures : les deux hommes s’accusent mutuellement d’être des ambitieux.

De plus, Frenay a pris contact en Suisse avec Allen Dulles.

Ce chef des services de renseignements américains (OSS) est disposé à fournir des fonds au mouvement Combat.

Or la force de Max, c’est qu’il est le dépositaire et le répartiteur des sommes importantes que la France Libre verse à la Résistance. C’est sa force, son moyen de pression.

Frenay s’émancipe donc au moment où, pour résister aux pressions anglo-américaines, de Gaulle a besoin d’une Résistance rassemblée autour de lui.

Les représentants des partis politiques français sont d’autant plus nécessaires au sein du CNR.


De Gaulle a eu raison d’écrire à Max-Rex :

« Vous avez toute ma confiance. Nous approchons du but, voici l’heure des plus durs efforts. »


Max, à son retour de Londres, retrouvant son secrétaire Daniel Cordier, mesure à quel point de Gaulle a vu juste.

Max apprend que Pierre Brossolette – alias Brumaire – mène une « campagne de dénigrement systématique contre lui ».

Il accuse Max-Rex d’être un ambitieux sans scrupules, cherchant à imposer une politique personnelle pour laquelle il n’a reçu de De Gaulle aucun mandat.

Brossolette incite les chefs des mouvements à s’opposer à ses initiatives.

Et Brossolette-Brumaire – Max le sait – est un gaulliste de la première heure, un patriote prêt à sacrifier sa vie.

Mais Brumaire – avec Passy – veut prendre de vitesse Moulin, créer un comité de coordination pour la zone nord, rendant impossible la création du CNR.

« Je m’y attendais, dit Moulin. Ils me le paieront ! »


Février 1943.

L’ennemi tue des Français chaque jour.

L’issue de la guerre est encore incertaine et lointaine, mais on se déchire déjà pour le pouvoir futur ! Brossolette explique son projet de création d’un grand parti autour du général de Gaulle, intégrant les débris des anciens partis, à l’exception du Parti communiste et des nationalistes d’extrême droite.

Moulin sait que cette perspective écarterait du CNR ces personnalités qu’il a sollicitées.

Comment Brossolette et Passy ne mesurent-ils pas les coups qu’ils portent à de Gaulle, qu’ils veulent pourtant servir ?

« Ils me le paieront », répète Moulin.


Il arrive de Londres.

Il est dans sa chambre à Lyon, en compagnie de Daniel Cordier, qui se souvient[2] :

« Jean Moulin pose sa valise sur le lit. Quand il l’ouvre, un papier de soie apparaît, protégeant une sorte de tissu bleu. Il le saisit et se tourne vers moi : “J’ai pensé que vous en auriez besoin pour vous protéger du froid toujours vif à Lyon.”

« Je déplie le papier : c’est une écharpe en cachemire tricolore, bleu marine d’un côté, bleu ciel de l’autre, mes couleurs préférées. De ma vie je n’ai reçu un cadeau aussi somptueux, ni aussi émouvant. Plus que l’objet, c’est le bonheur de découvrir que, durant son séjour encombré, il a pensé à moi et pris le temps de choisir un cadeau pour marquer son attention à ma santé.

« J’ai envie de l’embrasser pour le remercier de tout : son présent, son retour, l’homme qu’il est. Mais Rex n’est pas quelqu’un que l’on embrasse. En dépit de son sourire et de sa gentillesse, son regard creuse un abîme entre nous.

« Il ne laisse d’ailleurs aucun temps aux effusions et enchaîne : “Voici les instructions de Londres. Rapportez-les décodées demain matin.” La récréation est terminée. »


Dans les jours qui suivent, en ce mois de février 1943, Max réussit, jour après jour, à convaincre les représentants de la Résistance de la nécessité de créer, comme le veut de Gaulle, un Conseil National de la Résistance : le CNR.

Le patriotisme l’emporte face à Roosevelt et à Churchill, la position de De Gaulle en sort renforcée.


En Algérie, le général Giraud s’apprête à publier huit ordonnances qui rétablissent la législation républicaine et abrogent toutes les mesures prises sous l’« inspiration de l’ennemi ». L’Algérie va cesser d’être encore, près de trois mois après le débarquement américain, un « Vichy sans Pétain ». Et de Gaulle peut annoncer sa prochaine visite à Alger, pour y rencontrer le général Giraud, « grand soldat et noble figure ».


L’horizon s’éclaircit.

Jean Moulin et les états-majors des mouvements de Résistance s’apprêtent à quitter Lyon pour Paris, puisque c’est dans la capitale que doit siéger le CNR.

Mais Moulin va d’abord gagner Londres pour rendre compte au Général de l’accomplissement prochain de sa mission.

Il est surpris que, à son arrivée à Carlton Gardens, Passy lui annonce qu’il doit le conduire, dans la voiture personnelle du Général, jusqu’à la maison de celui-ci à Hampstead.

Dans le living-room qui donne sur un parc aux arbres décharnés, Moulin retrouve quelques hommes, le général Delestraint, le colonel Billotte et André Philip, commissaire à l’intérieur.

De Gaulle entre, serre la main de Jean Moulin.

« Veuillez vous mettre au garde-à-vous », dit de Gaulle. Puis, haussant le ton, il ajoute d’une voix solennelle :

« Caporal Mercier, nous vous reconnaissons comme notre Compagnon pour la Libération de la France dans l’Honneur et par la Victoire. »

Il épingle la croix de la Libération sur la poitrine de Jean Moulin.

Загрузка...