38.

Ni de Gaulle ni Eisenhower ne savent encore que Hitler, en ce mois de décembre 1943, a confié au Feldmarschall Erwin Rommel le soin d’organiser la défense du territoire français contre une invasion.


Et Rommel a consacré tout ce mois de décembre à inspecter les côtes, à prévoir des champs de mines sur les plages, des pieux surmontés d’une charge explosive et reliés entre eux par des fils de fer barbelés qui, heurtés, déclenchent des explosions.

Il a examiné les éléments du Mur de l’Atlantique, cet ensemble de fortifications.

Il a établi la position des emplacements d’artillerie, ceux des divisions d’infanterie et des divisions de panzers. Il est persuadé que c’est « le front de l’Ouest qui compte avant tout ».

On peut arrêter les Russes par une défense « rigide », dit-il.

« Mais si nous arrivons à rejeter Anglais et Américains à la mer, il s’écoulera du temps avant qu’ils ne reviennent. »


Il commence son périple d’inspection au Danemark. Il écrit à son épouse.


8 décembre 1943

« Très chère Lu,

« Nous sommes en route aujourd’hui vers le point le plus septentrional des défenses côtières. Dans quelques jours, la tournée sera terminée ; c’est alors que commencera le travail de paperasserie. À l’Est et au Sud, nos troupes livrent de violents combats. Inutile de vous dire quels sont mes sentiments, moi qui vois de loin la situation. J’ai appris qu’à l’avenir l’ordre de mobilisation s’étendra aux jeunes gens de quatorze ans ; ils seront versés dans le service du travail ou affectés à la défense, compte tenu de leur taille et de leur développement physique. »


11 décembre 1943

« Nous revenons maintenant de la capitale (Copenhague). Encore quelques jours de travail de bureau et je reprends mes occupations.

« Au Danemark, on trouve encore à acheter tout ce que l’on veut, mais, bien entendu, les Danois ne vendent qu’à leurs compatriotes. J’ai fait quelques achats en prévision de Noël, jusqu’à épuisement de mon allocation de devises. »


Le 14 décembre 1943, il arrive en France.

15 décembre 1943

« Suis bien arrivé hier. On m’a donné pour résidence [près de Fontainebleau] un ravissant château qui appartint jadis à Mme de Pompadour. Malheureusement, je ne resterai pas longtemps ici. Je dois déjà repartir demain en tournée, comme vient de l’annoncer la radio. On croirait vraiment qu’ils sont impatients d’informer les Anglais et les Américains de ma présence ici.

« Déjeuner aujourd’hui [avec Rundstedt].

« Il semble satisfait et je pense que tout va bien. Cependant, je tiens à me rendre compte par moi-même de la situation et à contrôler la réalité des faits. Ce vieux château est ravissant. Les Français d’il y a deux siècles voyaient grand lorsqu’ils bâtissaient pour leur classe dirigeante. En comparaison, nous sommes vraiment des provinciaux. »


25 décembre 1943

« Quelle chance que le téléphone ait si bien fonctionné hier au soir et que je sache maintenant que tout va bien pour vous deux. La grande nouvelle a été celle de l’incorporation de Manfred prévue pour le 6 janvier. Je ne doute pas que notre fils s’en réjouisse, mais pour moi, et davantage encore pour vous, c’est dur de voir notre enfant quitter le foyer familial. Il vous faudra certainement longtemps avant de pouvoir vous y habituer.

« Je vous souhaite à tous deux un joyeux Noël. Profitez bien du temps que vous avez encore à rester ensemble… Hier, j’ai passé la soirée avec les officiers de mon état-major, puis avec mes soldats ; mais il est difficile d’être bien gai en ce moment. »

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