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Apocalypse et Espérance


VII

« Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif et jamais plus le soleil ne les frappera, ni aucune brûlure. »

Apocalypse de Jean, VII, 16.

Je reste immobile, la nuque offerte.

Mais il me semble que l’énorme vague noire s’est figée. Elle était prête à déferler, mais tout dans l’univers s’est arrêté. Le glaive est brandi, mais ne s’abat pas.

La mort attend, mais je ne suis pas prêt à l’accueillir.

Je n’ai pas le courage du sacrifice, je ne peux retourner la lame contre moi.

J’espère encore que Dieu acceptera ma lâcheté, qu’Il usera de Sa compassion pour que la mort me saisisse par surprise, que je meure vivant, d’une pierre tombée alors que je longe la falaise.

Ou bien que, dans mon sommeil, ma tête explose, mon cœur se fende, mon sang me noie, en sorte que je glisse de l’inconscience à la mort.

J’attends.

C’est un moment de répit, un ultime sursis pour moi, pour tous les hommes, pour l’univers.

La Bête n’est pas lâchée.

Le septième sceau n’est pas brisé.

Je ne suis pas livré, précipité dans les flammes. L’homme peut se sauver s’il entend les paroles que Jean a retranscrites dans l’Apocalypse :

« Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et dînerai avec lui, et lui avec moi…

« Ne nuisez pas à la terre ni à la mer ni aux arbres tant que nous n’aurons pas scellé au front les esclaves de notre Dieu. »

J’ouvre la porte. La lune est couleur de sang.

Je ne sais qui j’attends alors que, je le pressens, le répit qui m’est accordé, qui a été concédé aux hommes, est sur le point de s’achever.

Il faudrait que les hommes se réconcilient et se partagent entre la terre et l’eau.

Il faudrait que plus personne, du haut de son intérêt, de sa foi, de sa haine, ne désigne le peuple qu’il faut exterminer.

Il faudrait que les plus pauvres des enfants soient accueillis comme s’ils étaient des rois mages.

Il faudrait que Caïn ne tue pas Abel.

Il faudrait que la chair devienne esprit.

Je reste sur le seuil.

Je sais qui j’attends, qui j’espère.

Mais Claudia n’est pas venue.

J’ai abandonné Marie, ma fille, et elle est morte.

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