47


Apocalypse et Espérance


IX

« En ces jours-là les hommes chercheront la mort et ne la trouveront pas, ils désireront mourir et la mort les fuira. »

Apocalypse de Jean, IX, 6.

Je cache mon visage sous mes paumes, écrase mes paupières. Je ne veux pas voir la mort s’approcher alors que j’entends son souffle rauque.

Elle est à l’œuvre, dit Jean dans l’Apocalypse :

« Elle a ouvert le puits de l’abîme et une fumée est montée du puits comme une fumée de grande fournaise… De cette fumée sont sorties des sauterelles qui ont le pouvoir qu’ont les scorpions de la terre… Elles ont des queues pareilles aux scorpions, avec des dards, et dans leurs queues est le pouvoir de tourmenter les hommes cinq mois durant… »

Je hurle et prie pour que la mort me saisisse au plus vite.

J’ai peur d’être l’un de ces prisonniers enchaînés, au corps couvert d’insectes qui les griffent, les mordent, s’infiltrent sous leurs paupières, tentent de s’introduire dans leur bouche. Et ces hommes crient de douleur et de terreur mêlées.

Dante n’a pas imaginé cela, mais je discerne ces prisonniers. Leurs gardiens les ont filmés, les images en sont projetées sur tous les écrans du monde. L’on s’en repaît et s’en indigne, car ce que l’homme a fait, il peut le refaire. Dans les cachots, d’autres détenus sont torturés, livrés aux molosses, noyés sous des trombes d’eau. On les arrache à la mort, non pour les rendre à la vie, mais pour les confier à d’autres tortionnaires.

Je voudrais tant que la mort s’empare de moi.

Mais Jean l’a écrit :

« En ces jours-là les hommes chercheront la mort et ne la trouveront pas, ils désireront mourir et la mort les fuira. »

Il faut que je l’appelle, que je la retienne.

Si elle se dérobe, je dois trouver la force d’être mon propre bourreau.

Je dois accomplir les gestes que ma fille Marie a eu le courage de faire.

Telle est ma seule espérance, puisque les hommes sont voués à attendre dans le tourment et l’effroi.

Ils ne reconnaissent pas leurs fautes.

Jean le sait :

« Ils ne se sont pas convertis de leurs meurtres, de leurs drogues, de leurs prostitutions ni de leurs escroqueries. »

Moi, Paul Déméter, je m’accuse et me repens.

Voici mes poignets, voici ma gorge.

Mort, tends-moi ta faux, ta lame aiguisée !

Et que mon sang coule !

Загрузка...