XIX LES FIANCÉS

Panigarola referma sa robe, rabattit son capuchon et s’agenouilla… Catherine le contempla un instant avec un sourire aigu. Puis elle se dirigea vers la porte par laquelle était entré le moine.


Il était à ce moment près de minuit.


Elle entendit le roulement d’un carrosse et ouvrit elle-même. Le carrosse s’arrêta. Trois femmes en descendirent. L’une d’elles était Alice de Lux, pâle, vêtue de blanc. Elle eut comme une hésitation, puis entra. Les deux autres femmes remontèrent alors dans le carrosse, qui s’éloigna aussitôt.


L’espionne, en pénétrant dans l’église, demeura un instant palpitante, interrogeant les ténèbres que les quatre flambeaux du maître-autel, là-bas, tout au loin, trouaient de leurs lumières blafardes.


Mais une main saisit sa main; une voix murmura à son oreille:


– Mon enfant, vous voilà donc!…


Alice reconnut alors la reine. La sourde inquiétude qui l’avait saisie se dissipa.


– Vous le cherchez, n’est-ce pas? reprit Catherine. Patience… il va venir…


– Comme vous êtes bonne, madame!… Comment prouver ma gratitude à Votre Majesté?


– As-tu vu la voiture qui doit vous emmener?…


– Je n’ai pas remarqué, madame… Mais je ne vois pas… le prêtre… Quoi! personne dans cette église?…


– Patience, te dis-je!… Oh! qu’as-tu donc à frissonner?


– Madame… ces murmures… là-bas, au fond de l’église…


– Le vent qui fait grincer les portes…


– Voici minuit qui sonne, madame.


– Oui… Et voici ton fiancé, dit la reine.


En effet, comme le premier coup de minuit résonnait, le signal fut frappé à la porte, du dehors.


Alice palpitante allongea le bras pour ouvrir.


La reine retint ce bras, d’un geste rude.


– C’est moi qui ouvre! gronda-t-elle.


Alice demeura toute saisie. Ce vertige d’intuitive horreur, qui parfois s’emparait d’elle en présence de la reine, elle l’éprouva brusquement. Et de fait, c’était étrange que la reine fût postée à cette entrée de l’église, qu’elle n’eût pas commis le soin d’ouvrir à quelque domestique; qu’elle-même, de ses mains royales, s’occupât à cette besogne de pousser et de repousser des verroux [18].


Elle apparut à la malheureuse affolée comme une horrible araignée embusquée au centre de la toile qu’elle avait tendue.


«Ce n’est pas Marillac!» songea-t-elle, éperdue.


Elle se trompait: c’était bien Marillac!


La reine ayant ouvert, inspecta les abords de l’église pour s’assure que le comte était venu seul.


– Oui! il était bien seul!…


– Quoi! demanda la reine, vous n’avez pas amené avec vous deux ou trois amis?


Marillac, reconnaissant la reine, fut frappé d’étonnement. Il s’inclina avec une profonde émotion. Ah! cette reine qui l’attendait à la porte qui lui ouvrait elle-même! Quelle autre qu’une mère lui eût donné une telle preuve d’excessive bienveillance!


– Madame, dit-il, Votre Majesté oublie qu’elle m’a ordonné de venir seul… Cependant, je dois l’avouer, j’avais résolu de me faire accompagner de celui qui est pour moi plus qu’un ami… mais le chevalier ne sera libre que demain matin…


– Oui, oui, interrompit vivement Catherine.


Elle ferma la porte et un soupir de joie terrible s’exhala de sa poitrine.


En même temps, elle démasquait Alice de Lux.


Les deux fiancés s’entrevirent dans l’ombre, se reconnurent plutôt qu’ils ne se virent; à l’instant, leurs mains s’enlacèrent et ils oublièrent l’univers…


D’instinct, ils marchèrent vers le maître-autel, attirés par les quatre étoiles qui brillaient faiblement…


La reine marchait derrière eux, les couvant de son regard funèbre.


Les fiancés s’arrêtèrent au pied de l’autel.


Alors, ils parurent s’éveiller de leur rêve d’amour et de bonheur.


Alice murmura:


– Je ne vois pas le prêtre qui doit nous unir…


Catherine s’avança vers Panigarola prosterné, le toucha à l’épaule et dit:


– Voici celui qui va vous unir…


Le moine se releva lentement, découvrit son visage, et se tourna vers les fiancés…

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