XXXVIII LA MARCHE AU GIBET

– Pardon, monseigneur, dit une voix près du duc sanglant.


Guise se pencha, féroce, le poignard levé.


– Ah! c’est toi! fit-il en reconnaissant Bême. Que veux-tu?


– Vous voulez pendre l’Antéchrist?


– Oui! Que veux-tu? Dépêche!


– Je veux la tête, pardieu! Elle m’appartient, vous le savez! Elle vaut mille écus d’or!


Guise éclata d’un rire terrible.


– C’est juste! Prends-la!… Nous pendrons l’Antéchrist par les pieds voilà tout!…


Bême se baissa. En quelques coups de poignard, il acheva de séparer la tête du tronc. Le corps fut saisi par les pieds. Deux hommes le traînaient, marchant en ayant, chacun d’eux tenant une jambe, le torse sanglant traînant dans la boue.


Et tous suivirent, Guise en tête!…


Une infernale procession s’organisa.


La marche au gibet, la marche macabre du corps traîné dans la boue gluante de sang, commença à travers les rues de Paris, parmi d’autres cadavres, dans le tumulte des acclamations féroces, dans le tonnerre des détonations d’arquebuses, sous le hurlement des cloches inlassables…


Vingt mille Parisiens suivaient l’infâme procession que conduisait Guise.


– Tuez! Tuez! Tuez!…


– Soûlez-vous du sang de la bête! rugissait Guise.


– Vive le pilier de l’Église! répondait la voix énorme de la foule.


Chemin faisant, on tuait, on riait, on chantait… Le cadavre de Coligny sautait sur les cailloux, tantôt sur le ventre, tantôt sur le dos… Ce fut ainsi qu’on atteignit les fourches de Montfaucon. Le cadavre, bientôt, se balança par les pieds au bout d’une corde. Et alors s’éleva dans les airs une clameur immense qu’on entendit de tout Paris et qui frissonna longuement, lugubre comme le grand coup d’aile de l’ouragan déchaîné.

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