2.
Il a quitté Munich le vendredi 17 janvier 1806 alors que la nuit tombe. Dans la voiture, il lit les dépêches à la lueur vacillante des lampes à huile. Lorsque aux relais on change les chevaux, il ne descend pas de voiture. Il grignote une cuisse de poulet froid, il boit du chambertin dans un gobelet d'argent, puis il somnole.
Il songe qu'il a passé une grande partie de sa vie sur les routes, à cheval ou dans l'une de ces berlines dont le balancement ne le gêne pas. Il aime au contraire cette sensation de mouvement, ces longues étapes, parfois d'une quarantaine d'heures, qui lui font éprouver physiquement la domination qu'il exerce sur les pays et les hommes.
Il faut qu'on le voie partout là où il règne.
Lorsque, le samedi 18 janvier, à 16 heures, il arrive à Stuttgart, c'est le roi de Wurtemberg qui l'accueille et lui fait les honneurs du palais royal.
Partout dans les salons, les galeries, des hommes et des femmes courbés, des regards curieux et soumis. Cela suffit. Napoléon ordonne : demain dimanche, il assistera à une représentation théâtrale ; lundi à 8 heures, il chassera dans les forêts proches de Stuttgart, et il souhaite que le roi l'accompagne.
Puis il se retire dans le bureau qu'on lui a préparé. Les courriers de Paris sont arrivés.
Paris, c'est le centre. Tout se décide là-bas. Les victoires qu'il remporte, c'est aussi pour que là-bas on sache qu'il est invincible. Car l'esprit public, à Paris, est volage. Il n'est jamais définitivement conquis.
Napoléon ouvre d'abord les dépêches du ministre de la Police générale.
« Sire, écrit Fouché, Austerlitz a ébranlé la vieille aristocratie. Le faubourg Saint-Germain ne conspire plus. » Les nobles d'Ancien Régime attendent avec impatience le retour de l'Empereur pour se ruer aux Tuileries en solliciteurs. Ils veulent des titres, des places, des honneurs, des bénéfices.
Napoléon replie la lettre de Fouché.
Voilà les hommes tels qu'ils sont. Qui résiste à l'attrait qu'exerce le pouvoir victorieux ?
Le lundi matin, dans les forêts qui bordent le Neckar, il chevauche loin devant le roi de Wurtemberg et les autres cavaliers, chasseurs de la Garde ou nobles conviés à la chasse. La brume glacée et la nuit l'enveloppent, le cheval parfois se cabre. Mais Napoléon tient ferme les rênes et serre les flancs avec ses étriers. Il maîtrise sa monture comme il dompte l'Histoire.
À midi, il part pour Karlsruhe, puis il traverse Ettlingen, Rastatt, Lichtenau, et enfin il atteint le Rhin.
Napoléon fait arrêter la berline. Au-delà du fleuve, il aperçoit les lumières de Strasbourg.
Il regarde le fleuve, traînée plus claire dans la nuit. De sa source à son embouchure, le Rhin doit être la frontière de l'Empire, et sur sa rive droite il faut que des États viennent constituer une grande confédération alliée, protégeant l'Empire. À leur tête, il placera des souverains, des princes, dont il sera le protecteur, qui fourniront subsides et troupes, et ainsi se dessineront une nouvelle carte d'Allemagne, un nouveau visage de l'Europe, qui confirmeront ce qu'avait commencé la Révolution et retrouveront les traces de l'empire de Charlemagne.
Il faudra que tous, à Vienne, à Berlin, à Saint-Pétersbourg, à Londres, à Rome, l'admettent.
« Je suis Charlemagne, l'épée de l'Église, leur Empereur. »
Ce sont les mots qu'il a écrits au pape. Et si Pie VII n'y acquiesce pas : « Je le réduirai à la même condition qu'il était avant Charlemagne. »
Les autres souverains devront se soumettre.
Napoléon remonte dans sa voiture.
À 18 heures, le mercredi 2 janvier 1806, il pénètre dans Strasbourg illuminée. Les soldats qui rendent les honneurs et la foule crient : « Vive l'Empereur ! »
Il descend de voiture. Il entre dans le palais des Rohan où il a séjourné les derniers jours du mois de septembre 1805. Il s'arrête un instant dans la grande galerie où les miroirs renvoient son image.
Il se souvient. Il avait quitté Strasbourg le mardi 1er octobre 1805, après avoir regardé défiler la garde impériale qui, sous l'averse, traversait le Rhin au pont de Kehl, marchant vers l'Allemagne.
À peine un peu plus de trois mois ont passé. Il a brisé la troisième coalition, celle des deux plus puissants États d'Europe. Il s'en convainc une nouvelle fois, il n'est plus seulement l'Empereur des Français. Il est désormais l'Empereur des rois.
Il monte quelques marches, se tourne vers ses aides de camp et les généraux qui se pressent dans la galerie. Vendredi, dit-il, il passera les troupes en revue. Il quittera Strasbourg samedi afin d'être à Paris le dimanche 26 janvier. Il a hâte de retrouver son bureau des Tuileries, les papiers classés par ministères et enfermés dans des boîtes dont il porte sur lui la clé.
- Je suis né et construit pour le travail, dit-il à Méneval, qui, dans la chambre du palais, lui présente quelques dépêches arrivées de Paris.
D'un signe, Napoléon invite son secrétaire à les lire, et, cependant que Méneval les décachette, il s'installe devant la cheminée.
Il écoute un rapport du ministre des Finances, Barbé-Marbois, qui fait état de difficultés financières. Napoléon s'emporte, sort de sa poche une feuille étroite sur laquelle il inscrit les chiffres de ce qu'il appelle « la fortune de la France », la trésorerie publique et privée.
- Qu'est-ce que cela ? s'exclame-t-il.
Il faut pouvoir payer quinze jours de solde à la garde impériale. Il faut que la Grande Armée, en Allemagne, reçoive elle aussi l'argent nécessaire. Voilà ce qui compte d'abord. Qu'ont donc fait ces Négociants réunis, les Ouvrard, les Desprez, les Vanlerberghe qui devaient approvisionner l'armée, qui ont encaissé les fonds nécessaires et n'ont pas fait face à leurs obligations ?
- Qu'est-ce que ce Barbé-Marbois ? La friponnerie a des bornes, la bêtise n'en a point.
Napoléon s'impatiente, presse Méneval. Dès lundi, à Paris, dit-il, il présidera une séance du Conseil d'État et réglera cette question des finances.
- Il faut, martèle-t-il, que messieurs Desprez, Vanlerberghe et Ouvrard m'abandonnent tout ce qu'ils possèdent, ou je mettrai ces messieurs à Vincennes.
Il renvoie Méneval, qui, avant de sortir, lit la lettre que Le Coz, archevêque de Besançon, adresse à l'Empereur : « Vous êtes jusqu'ici, écrit le prélat, le plus parfait des héros, sorti des mains de Dieu. »
Napoléon retient Méneval.
- A-t-on bien exécuté mes ordres ? demande-t-il.
Il avait, à Schönbrunn, demandé que les drapeaux pris à l'ennemi soient envoyés à Paris, afin d'être présentés au peuple, puis suspendus à la voûte de Notre-Dame.
Méneval compulse les dépêches. Le peuple, commence-t-il, a salué les drapeaux avec des manifestations de joie délirante, indiquent les informateurs de police.
L'archevêque de Paris a déclaré que ces drapeaux attestaient « la protection du ciel sur la France, les succès prodigieux de notre invincible Empereur et l'hommage qu'il fait à Dieu de ses victoires ».
Roustam et Constant sont entrés dans la chambre pendant cette lecture. Ils annoncent que le bain de l'Empereur est prêt Ils l'aident à se dévêtir. Napoléon les houspille, leur pince l'oreille.
Il est heureux. Paris l'attend.
À 22 heures, ce dimanche 26 janvier 1806, la berline de l'Empereur s'arrête dans la cour des Tuileries. La Garde présente les armes, le grand maréchal du palais, Duroc, s'avance. Tout en montant les marches de l'escalier, Napoléon lance les ordres. Il veut voir l'archichancelier Cambacérès, réunir le Conseil d'État, recevoir le ministre des Finances et s'entretenir avec le conseiller d'État Mollien.
Puis, dans son cabinet de travail, lorsqu'il se retrouve seul avec Constant, il lance un nom, Éléonore Denuelle de La Plaigne. Il regarde la pendule. À minuit, dit-il. Et maintenant, qu'on lui fasse couler son bain.
Il se souvient du corps de cette femme de dix-neuf ans, grande, aux cheveux noirs tombant jusqu'aux reins et couvrant ses épaules, sa peau brune. Elle est élancée, vive et soumise. Il sait bien que lorsque Caroline Murat la lui a présentée, c'était dans le dessein qu'il la distingue. Il connaît trop bien la jalousie de sa sœur pour Joséphine, son habileté à blesser celle qu'elle appelle « la vieille », son ambition démesurée et l'espoir de voir son frère divorcer, pour croire que la rencontre avec Eléonore sous la houlette de Caroline n'a été qu'un hasard.
Mais qu'importent les intentions de Caroline Murat ! Éléonore a la fraîcheur de la jeunesse. Et c'est elle qu'il désire en ce soir de son retour à Paris, comme pour célébrer, en serrant contre lui des formes juvéniles, sa victoire et sa propre vigueur.
Après tout, il n'a pas encore trente-sept ans.
Il entend le pas d'Eléonore Denuelle dans le « corridor noir ». Elle est ponctuelle, comme à son habitude.
Il entre dans le salon. Elle fait la révérence.
- Sire..., murmure-t-elle.
Il lui prend le bras, la pince, l'entraîne.
En amour, il est comme à la guerre. Il n'aime pas les longs sièges, mais l'assaut victorieux.
Éléonore se livre.
Napoléon se redresse, rit, lui caresse la joue, puis retourne dans son cabinet de travail.
Sur la table, placée devant la fenêtre, il n'y a qu'une seule dépêche, qu'on a dû apporter cependant qu'il était avec Éléonore dans la chambre voisine. C'est une lettre de Fouché. Selon un voyageur arrivé à l'instant de Londres, rapporte le ministre de la Police générale, William Pitt, le grand adversaire, l'ennemi de toute tentative de paix, serait mort le 23 janvier dans sa villa de Putney, couvert de dettes, accablé par la victoire d'Austerlitz, ordonnant dans un dernier geste de faire retirer la carte d'Europe accrochée au mur de sa chambre, murmurant : « Roulez cette carte, on n'en aura plus besoin d'ici à dix ans. Ma patrie ! Dans quel état je laisse ma patrie ! »
Fox le remplacerait à la tête du ministère.
Napoléon marche de long en large dans son cabinet. C'est comme si le destin lui adressait un signe, écartait les obstacles sur sa route, offrait enfin la possibilité de conclure la paix.
Napoléon passe dans la petite pièce qui lui sert de cabinet des Cartes. Sur la table est étalée une grande carte d'Europe. Il pose sur elle ses deux mains ouvertes. Il veut la paix avec l'Angleterre, mais il faut la lui imposer en contrôlant le Continent, en fermant les ports à ses marchandises, en exigeant de tous les États qu'ils interdisent les produits anglais.
Il se déplace autour de la table. Au sud, l'Italie forme l'aile droite de l'Empire. Joseph est roi de Naples. Il fera d'Élisa une grande-duchesse, à laquelle seront attribués les territoires de Massa e Carrara et, plus tard, peut-être, la Toscane. À Pauline Bonaparte, déjà princesse Borghèse, il donnera le duché de Guastalla, cette place forte sur les rives du Pô. Et puis il se réservera des duchés, une vingtaine, qu'il attribuera comme des fiefs à ses grands serviteurs - Talleyrand, prince de Bénévent ; Fouché, duc d'Otrante ; Bernadotte, parce qu'il est le mari de Désirée Clary et qu'on peut pour cela oublier sa réserve qui confine parfois à la trahison, deviendra prince de Pontecorvo.
Napoléon se redresse. Avec son doigt, il remonte de l'Italie vers le nord.
Berthier sera prince de Neuchâtel, et Murat grand-duc de Berg et de Clèves. Le roi de Bavière est déjà un allié par le mariage de sa fille Augusta avec Eugène. Il suffira de créer une Confédération du Rhin, regroupant les autres princes allemands. Et, plus au nord, la Hollande, cette aile gauche de l'Empire, sera donnée à Louis, ce frère incommode et jaloux qui trouvera là, peut-être, l'occasion de se montrer reconnaissant. Et ainsi sa femme, Hortense de Beauharnais, sera reine de Hollande.
Napoléon quitte le cabinet des Cartes. Peut-être faudra-t-il des semaines, des mois même pour que ce qu'il vient de concevoir devienne réalité. Mais il en est sûr, cela se fera parce que cela doit être, cela correspond à l'intérêt des peuples. Cette organisation est un modèle de raison, elle achèvera ce que la Convention a commencé. La Révolution a ouvert la voie. Il la prolonge et rend possible son projet : il suffit d'associer le Code civil à la monarchie, de conserver les formes dynastiques, alors qu'on bouleverse la société, pour que naisse une nouvelle Europe.
C'est cela qu'il fait, qu'il veut : il fonde. Il est le premier d'une nouvelle race. La quatrième depuis Charlemagne.
Dans les jours qui suivent, il retrouve avec une sorte d'allégresse le rythme de ses journées. Travail dès 7 heures, puis chasse, parfois au bois de Boulogne ou bien dans la forêt de Marly et autour du château de Saint-Cloud et de la Malmaison. Il préside les séances du Conseil d'État, multiplie les réceptions, les audiences diplomatiques, découvre un nouvel ambassadeur d'Autriche, un homme de trente-cinq ans, petit-fils par alliance du chancelier Kaunitz : Metternich.
L'homme lui paraît intelligent, fin, ouvert, peut-être partisan d'une alliance avec la France, dans la tradition de celle du chancelier Kaunitz, précisément.
À l'une des audiences, Napoléon le prend par le bras, le questionne. Metternich, qui a fait une partie de ses études à Strasbourg, s'exprime parfaitement en français. Il a vécu les événements révolutionnaires dans la capitale alsacienne, explique-t-il, et en est encore effrayé.
- Je veux unir le présent et le passé, dit Napoléon, les préjugés gothiques et les institutions de notre siècle.
Metternich comprend-il ? Pour cela, continue Napoléon, il faut la paix. Elle est possible. Il la souhaite. Il a tant de choses à réaliser.
Il visite les travaux qu'il a fait entreprendre au Louvre. Il confirme sa décision de faire construire une colonne place Vendôme sur le modèle de celle de Trajan à Rome, et un arc de triomphe sur la place du Carrousel, ces deux monuments à la gloire de la Grande Armée, puis un second arc de triomphe, qu'il ordonne d'élever au sommet de l'avenue des Champs-Élysées, dont il posera la première pierre le 15 août, le jour de la célébration, dans tout l'Empire, de la Saint-Napoléon.
Lorsqu'il décide ainsi de bâtir, de faire ouvrir des fontaines dans les différents quartiers de Paris, de lancer un pont sur la Seine, d'aménager les quais le long du fleuve, d'ordonner la publication du Catéchisme impérial ou de convoquer les représentants de la nation juive pour qu'ils adaptent les coutumes de leur religion aux nécessités de la vie moderne - et, par exemple, d'en finir avec la polygamie -, il éprouve une sorte de joie intellectuelle et physique.
Il se sent alerte, le plus vif de tous ceux qu'il commande. Même s'il a pris durant ces quelques mois un peu d'embonpoint, si, il le voit bien, ses joues se sont remplies, son front élargi parce que ses cheveux se font rares, déjà, si bien qu'il a perdu son profil acéré, son visage anguleux, pour des traits plus ronds, il se sent plein d'une énergie renouvelée par le succès, ses projets, ses décisions, et les acclamations aussi.
Lorsque, le mercredi 29 janvier 1806, deux jours à peine après son retour à Paris, il s'est rendu pour la première fois au Théâtre-Français, où l'on joue Manlius, une pièce d'un auteur à la mode, Lafosse, la salle entière s'est levée alors que Talma déclamait déjà en scène. L'acteur s'est incliné pendant que la salle applaudissait et criait : « Vive l'Empereur ! » Et chaque fois que Napoléon paraît à l'Opéra, ou lors d'une revue des troupes, ce sont les mêmes exclamations.
D'ailleurs, rapportent les espions de police, chacun loue l'Empereur, célèbre ses mérites. La confiance est revenue. La Banque de France a repris ses paiements à guichet ouvert, et la crise financière de décembre 1805 est oubliée.
On sait que Napoléon a ramené à Paris de sa campagne d'Allemagne 50 millions en or, en argent ou en lettres de change sur les principales places financières d'Europe.
Et il a suffi de quelques jours pour que Napoléon mette de l'ordre dans l'organisation des finances.
Il a reçu Barbé-Marbois, le ministre du Trésor.
L'homme est penaud, offre sa tête, dit-il. Napoléon secoue les épaules. Que faire d'une tête comme la vôtre ? répond-il.
- J'estime votre caractère, poursuit-il, mais vous avez été dupe de gens contre lesquels je vous avais averti d'être en garde. Vous leur avez livré toutes les valeurs en portefeuille, dont vous auriez dû mieux surveiller l'emploi. Je me vois à regret forcé de vous retirer l'administration du Trésor...
Après une séance du Conseil d'État, Napoléon retient le conseiller Mollien. Il le fixe, le jauge.
- Vous prêterez serment aujourd'hui, comme ministre du Trésor, lui dit-il.
Mollien, qui, sous l'Ancien Régime, avait été l'un des responsables de la Ferme générale, l'administration fiscale, semble hésiter.
- Est-ce que vous n'auriez pas envie d'être ministre ? lui lance l'Empereur, sur un ton où se mêlent le mécontentement et la surprise.
Mollien prêtera serment le jour même.
Gouverner, c'est cela : analyser, décider, choisir les hommes et leur imposer sa volonté, bousculer leurs réticences, les diriger afin qu'ils deviennent les instruments efficaces, dociles, donc, de la politique que l'on a conçue.
Mais cela suppose un travail sans relâche, une vigilance de tous les instants, une volonté constamment tendue.
« Il m'a fallu beaucoup de peine, explique Napoléon à son frère Joseph, pour arranger mes affaires et pour faire rendre gorge à une douzaine de fripons à la tête desquels est Ouvrard, qui ont dupé Barbé-Marbois, à peu près comme le cardinal de Rohan l'a été dans l'affaire du collier, avec cette différence qu'ici il ne s'agissait pas moins que de quatre-vingt-dix millions. J'étais bien résolu à les faire fusiller sans procès. Grâce à Dieu, je suis remboursé. Cela n'a pas laissé que de me donner beaucoup d'humeur. »
Car souvent il s'emporte, jette les dépêches à terre et parfois, quand les livres lui déplaisent, il les lance dans le feu.
Il accepte de moins en moins facilement qu'on lui résiste ou bien qu'on n'exécute pas immédiatement, et comme il l'entend, les ordres qu'il donne.
Il dit à Berthier, qui s'inquiète de l'attitude des Prussiens et veut intervenir : « Tenez-vous-en strictement aux ordres que je vous donne, exécutez ponctuellement vos instructions, que tout le monde se tienne sur ses gardes et reste à son poste, moi seul je sais ce que je dois faire. »
Moi seul.
Cette certitude qu'il est l'unique à voir et à penser juste l'habite totalement.
N'a-t-il pas eu raison à chaque instant décisif de sa vie ? Et c'est cette conviction qui lui rend insupportables les oppositions, les réserves même. Il faut que l'on plie devant lui.
Il a pris la plume pour corriger, préciser le texte du Catéchisme impérial.
« Honorer et servir l'Empereur est honorer et servir Dieu Lui-même », a-t-il fait imprimer. Et désobéir à l'Empereur est un péché mortel. On lui doit « amour, obéissance, fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l'Empire et de son trône ».
À la lecture de ce texte, certains conseillers d'État s'étonnent. Fouché, ce vieux jacobin, a dans les yeux une lueur ironique.
Napoléon ferme d'un coup sec le Catéchisme. Il n'est pas homme à cacher sa pensée. Il se lève, et avant de sortir de la salle du Conseil il dit de sa voix de commandement :
- Je ne vois pas dans la religion le mystère de l'incarnation mais le mystère de l'ordre social, elle rattache au ciel une idée d'égalité qui empêche que le riche ne soit massacré par le pauvre.
Il cherche du regard une opposition, mais tous les yeux se baissent.
- La religion, ajoute-t-il, est encore une sorte d'inoculation ou de vaccin qui, en satisfaisant notre amour du merveilleux, nous garantit des charlatans et des sorciers : les prêtres valent mieux que les Cagliostro, les Kant et tous les rêveurs d'Allemagne.
Il fait quelques pas, semble parler pour lui-même, comme dans une méditation à haute voix.
- Il n'y a eu jusqu'à présent dans le monde que deux pouvoirs, le militaire et l'ecclésiastique... mais l'ordre civil sera fortifié par la création d'un corps enseignant ; il le sera plus encore par celle d'un grand corps de magistrats... Le Code civil a déjà opéré beaucoup de bien. Chacun désormais sait d'après quels principes se diriger ; il arrange en conséquence sa propriété et ses affaires.
Mais le juge suprême, c'est moi.
C'est toute la société qu'il doit organiser. Il lui semble parfois qu'il est la raison du monde, le seul à avoir la capacité de mettre de l'ordre dans la vie des peuples et des États.
Il pense sans cesse à cela, quand, entre les séances du Conseil d'État, les audiences, les heures passées à dicter dans son cabinet de travail, il chasse, dans l'air vif du printemps 1806.
Un jour de la fin mars, en revenant d'une longue course dans le bois de Versailles, il se précipite dans son cabinet de travail, convoque Méneval et, d'un seul jet, il énonce le statut de la famille impériale, qui forme la clé de voûte de ce Grand Empire qu'il a commencé de constituer. Louis est roi de Hollande, Joseph roi de Naples, ses sœurs grandes-duchesses en Italie, et Murat grand-duc de Berg et de Clèves, et les Berthier, Bernadotte, Talleyrand, Fouché sont à la tête de fiefs.
Lui est le sommet de la pyramide.
« L'Empereur est le père commun de sa famille », dicte-t-il. La volonté de Napoléon est la seule loi pour tous ses parents. Aucun contrat de mariage et aucune adoption ne peut se faire sans son consentement. Au-dessous de lui, il place les rois, les princes héréditaires, puis viennent les princes vassaux et les titulaires d'un fief.
Voilà un ordre hiérarchique qui satisfait sa raison et lui accorde tous les pouvoirs. L'Empereur peut même ordonner aux membres de sa famille d'éloigner d'eux les personnes suspectes.
Il est bien le maître absolu.
Le 1er avril 1806, il écrit au maréchal Berthier, qui depuis des années voue une passion tenace à la marquise Visconti, à laquelle, en campagne, sous la tente, il dresse un véritable autel sur lequel il expose ses portraits.
« Je vous envoie Le Moniteur, vous verrez ce que j'ai fait pour vous [Berthier a été fait prince de Neuchâtel]. Je n'y mets qu'une condition, c'est que vous vous mariiez, et c'est une condition que je mets à mon amitié. Votre passion a duré trop longtemps ; elle est devenue ridicule... Je veux donc que vous vous mariiez, sans cela je ne vous verrai plus. Vous avez cinquante ans, mais vous êtes d'une race où l'on vit quatre-vingts ans, et ces trente années sont celles où les douceurs du mariage vous sont le plus nécessaires. »
Comment résister à l'Empereur ? Berthier s'incline et rompt avec la marquise Visconti pour épouser Marie-Élisabeth de Bavière-Birkenfeld, de trente ans plus jeune que lui.
Napoléon est satisfait. N'est-il pas le chef de sa « famille » ?
À Eugène, vice-roi d'Italie, il écrit : « Mon fils, vous travaillez trop. Votre vie est trop monotone. Vous avez une jeune femme qui est grosse. Je pense que vous devez vous arranger pour passer la soirée avec elle et vous faire une petite société. Que n'allez-vous au théâtre une fois par semaine dans une grande loge ? Il faut avoir plus de gaieté dans votre maison... Je mène la vie que vous menez mais j'ai une vieille femme qui n'a pas besoin de s'amuser, et cependant il est vrai que je prends plus de divertissement et de dissipation que vous n'en prenez. Une jeune femme a besoin d'être amusée, surtout dans la situation où elle se trouve. »
Et il ajoute pour Augusta, l'épouse d'Eugène : « Ménagez-vous bien dans votre état actuel, et tâchez de ne pas nous donner une fille. Je vous dirai la recette pour cela, mais vous n'y croirez pas : c'est de boire tous les jours un peu de vin pur. »
Il se souvient avec plaisir d'Augusta de Bavière. Elle lui écrit souvent. « Votre femme a été plus aimable que vous », dit-il à Eugène. Et parfois, quand Napoléon voit s'avancer, dans le salon de Joséphine, Stéphanie de Beauharnais, la nièce de l'Impératrice, il retrouve le plaisir qu'il a eu à côtoyer Augusta.
Plus il vieillit, et plus il aime les jeunes femmes, et Stéphanie n'a que dix-sept ans en 1806.
C'est une adolescente gaie, espiègle, aux traits réguliers que couronnent des cheveux blonds.
Napoléon aime la contempler, plaisanter avec elle, et il devine, dans les regards que lancent Joséphine ou Caroline Murat, l'inquiétude et la jalousie.
Un soir, alors qu'il entre dans le salon de l'Impératrice, il découvre Stéphanie en larmes. Caroline a exigé, apprend-il, que Stéphanie reste debout, conformément à l'étiquette impériale qui interdit que l'on s'asseye devant les « princesses sœurs de Sa Majesté ».
Napoléon prend Stéphanie par la taille, la fait asseoir sur ses genoux et passe la soirée à chuchoter à l'oreille de l'adolescente sous les regards courroucés de Caroline Murat.
Le lendemain, parce qu'il est celui qui peut tout, il décide d'adopter la jeune fille qui, désormais, dicte-t-il au comte de Ségur, grand maître des cérémonies, « jouira de toutes les prérogatives de son rang dans tous les cercles, fêtes et à table. Elle se placera à Nos côtés et dans le cas où Nous ne Nous y trouverons pas, elle sera placée à la droite de l'Impératrice ».
Ainsi l'on montre que l'on décide de tout.
Quelques jours plus tard, Napoléon choisira le mari de Stéphanie, Charles, le prince héritier de Bade, qui a été fiancé à Augusta puis écarté au bénéfice d'Eugène de Beauharnais.
Voilà ce que je veux.
Stéphanie aussi doit plier. Paris illumine pour son mariage. Les cérémonies sont fastueuses. Napoléon dote sa fille adoptive d'une rente de 1 500 000 francs et d'un trousseau de 500 000 francs. Mais, quand il apprend que Stéphanie refuse sa porte à son mari, il lui intime l'ordre de quitter Paris pour Karlsruhe.
« Soyez agréable à l'Électeur de Bade, il est votre père, dit-il. Aimez votre mari pour tout l'attachement qu'il vous porte. »
C'est moi qui dicte le comportement des membres de ma famille et j'entends qu'on m'obéisse.
Mais il faut chaque jour - et presque chaque heure - ordonner, conseiller, morigéner, rappeler à ceux qu'on a fait roi ou prince qu'ils ne sont que des vassaux, des exécutants de la pensée impériale, des rouages du Grand Empire.
C'est Murat, le munificent prince Joachim maintenant grand-duc de Berg, qui réclame des garanties pour ses enfants. Oublie-t-il celui grâce à qui il est prince ? Et qui tient seul entre ses mains l'avenir de l'Empire et des États fédératifs qui lui sont associés ?
« Quant à la garantie de vos enfants, lui lance Napoléon, c'est un raisonnement pitoyable et qui m'a fait hausser les épaules : j'en ai rougi pour vous. Vous êtes français, j'espère, vos enfants le seront ; tout autre sentiment serait si déshonorant que je vous prie de ne m'en jamais parler. »
Napoléon s'interrompt. L'aveuglement de ces hommes, qu'il a couverts de titres, d'honneurs et d'argent, l'étonne et le révolte. Il a des accès de mépris pour eux et de la commisération. Il pressent que la plupart d'entre eux se détacheraient de lui s'il était vaincu ou même seulement affaibli. C'est pour cela aussi qu'il faut les tenir dans une poigne de fer, les harceler, les surveiller, les contraindre.
Il ajoute à l'intention de Murat :
« Il serait fort extraordinaire qu'après les bienfaits dont le peuple français vous a comblé vous pensiez à donner à vos enfants le moyen de lui nuire ! Encore une fois, ne me parlez plus de cela, c'est trop ridicule. »
Mais ils sont tous, autour de Napoléon, semblables à Murat et à son épouse Caroline Bonaparte - tous avides, se préoccupant de leur sort plutôt que du sort de l'Empire.
La mère de l'Empereur elle-même réclame, alors qu'elle est couverte d'or, une rente apanagère sur le Trésor public, ce qui signifie que Letizia Bonaparte envisage la mort de son fils Napoléon et prend ses précautions pour s'assurer des revenus après son décès éventuel !
Napoléon n'a qu'un haussement d'épaules lorsqu'il apprend cette démarche, puis, avec une grimace d'amertume, il donne son accord pour que sa mère soit satisfaite !
Elle aussi, comme les autres, est incapable de voir au-delà de son intérêt immédiat et personnel.
Ainsi Louis, devenu roi de Hollande, accable-t-il l'Empereur de demandes d'assistance.
N'est-il pas roi, pourtant ? N'a-t-il pas un État ?
« Je n'ai point d'argent, lui répond Napoléon. Que le moyen qu'on vous propose d'avoir recours à la France est commode ! Mais ce n'est pas le temps des jérémiades, c'est de l'énergie qu'il faut montrer... »
Mais ont-ils de l'énergie, ces frères que j'ai faits rois, ces hommes que j'ai faits princes, ces généraux auxquels j'ai donné ma confiance ?
Il faut donc que Napoléon les guide, par des dépêches quotidiennes.
Les courriers partent plusieurs fois par jour de la Malmaison, de Saint-Cloud, des Tuileries, pour Naples, Parme, Düsseldorf, Amsterdam.
Il dit au général Junot : « Vous ne sauriez être clément qu'en étant sévère, sans quoi ce malheureux pays et le Piémont sont perdus et il faudra des flots de sang pour assurer la tranquillité de l'Italie... »
Junot exécute les ordres, détruit les villages rebelles.
« Je vois avec plaisir, commente Napoléon, que le village de Mezzano qui a pris le premier les armes sera brûlé... Il y aura beaucoup d'humanité et de clémence dans cet acte de rigueur, parce qu'il préviendra d'autres révoltes. »
Mais la tentation de ces hommes est toujours de se faire aimer plutôt que de gouverner avec la force nécessaire.
Napoléon s'indigne quand il lit les rapports que Joseph lui envoie de Naples. Il n'a que peu de confiance en ce frère aîné qui n'a jamais affronté les combats.
Il lui répète : « Quand on a de grands États, on ne les maintient que par des actes de sévérité », alors que Joseph s'imagine que les Napolitains le portent dans leur cœur !
Il se croit roi de toute éternité. Il a déjà effacé de son esprit qu'il n'est souverain de Naples que par la volonté et les armes de l'Empereur ! Pour qui se prend-il ?
« Vous comparez l'attachement des Français à ma personne à celui des Napolitains pour vous, lui écrit Napoléon. Cela paraîtrait une épigramme. Quel amour voulez-vous qu'ait pour vous un peuple pour qui vous n'avez rien fait, chez lequel vous êtes par droit de conquête avec quarante mille à cinquante mille étrangers ? »
Mais Joseph veut-il voir cette réalité en face ?
Napoléon ricane, amer.
Ils ne comprennent rien !
« Mettez bien ceci dans vos calculs, dit-il à Joseph, que quinze jours plus tôt ou plus tard vous aurez une insurrection... Quelle que chose que vous fassiez, vous ne vous soutiendrez jamais dans une ville comme Naples par l'opinion... Mettez de l'ordre, désarmez, désarmez. »
Il faut lui répéter : « Faites condamner à mort les chefs des masses... Tout espion doit être fusillé ; tout chef d'émeute doit être fusillé ; tout lazzarone qui donne des coups de stylet à un soldat doit être fusillé. »
Mais Joseph comprendra-t-il que gouverner est un art plein d'exigence et de rigueur ?
Napoléon entre dans les détails : la cuisine d'un souverain doit être surveillée, sinon gare au poison. Aucune précaution ne doit être négligée dans la vie quotidienne d'un roi. « Personne ne doit entrer chez vous la nuit, que votre aide de camp qui doit coucher dans la pièce qui précède votre chambre à coucher ; votre porte doit être fermée en dedans et vous ne devez ouvrir à votre aide de camp que lorsque vous avez bien reconnu sa voix, et lui-même ne doit frapper à votre porte qu'après avoir eu soin de fermer la porte de la chambre où il se trouve... »
Il faut tout enseigner à Joseph. La prudence d'un roi et l'art de la guerre. Et pour quel résultat ?
« Votre gouvernement n'est pas assez vigoureux, vous craignez d'indisposer les gens », doit encore écrire Napoléon le 5 juillet 1806. Et quelques jours plus tard, quand il apprend que les Anglais ont débarqué, battu le général Reynier, son indignation éclate, plus cinglante : « Ce serait vous affliger inutilement que de vous dire tout ce que je pense, écrit-il. Si vous vous faites roi fainéant au lieu de m'être utile, vous me nuirez car vous m'ôterez de mes moyens... » Et, lorsque Joseph sollicite une audience à Saint-Cloud, la réponse jaillit comme un soufflet : « Un roi doit se défendre et mourir dans ses États. Un roi émigré et vagabond est un sot personnage. »
Ce que voudraient Joseph et Louis, et tous, princes, maréchaux, c'est la paix, de façon à pouvoir jouir de leur pouvoir et de leurs biens.
Napoléon le sait. Il a le même désir, dit-il.
Un jour de février 1806, il accorde une audience à Talleyrand. Le ministre des Relations extérieures est rayonnant. Il vient de recevoir une dépêche en provenance de Londres. Fox, qui a succédé à William Pitt, lui annonce qu'il a eu connaissance d'une tentative d'assassinat contre le « Chef des Français » et qu'il a fait arrêter son auteur. Un signe, n'est-ce pas, des intentions pacifiques de Fox ? Peut-être va-t-on retrouver le climat qui conduisit, en 1802, à la paix d'Amiens, ce grand moment d'espoir.
- Remerciez Fox de ma part, dit Napoléon. La guerre entre nos deux nations est une querelle inutile pour l'humanité...
Il le pense, mais il faudrait, pour parvenir à la paix, des concessions réciproques. Or, chacun se méfie.
En mai, lorsque Napoléon apprend que les Anglais ont décidé le blocus de tous les ports de l'Elbe à Brest, il s'indigne. Comment répondre à cette mesure, sinon en montrant que le Continent est unifié, ce qui suppose que l'on obéit et que l'on accepte la domination de l'Empereur, que l'on approuve cette réorganisation des États qui, du royaume de Naples à celui de Hollande, fait de Napoléon l'Empereur des rois ? Il est le souverain qui dicte sa loi, exige que tous les ports soient fermés aux Anglais.
Mais déjà le pape, en ce qui concerne ses ports, s'y refuse.
« Il verra, tonne Napoléon, si j'ai la force et le courage de soutenir ma couronne impériale. Les relations du pape avec moi doivent être celles de ses prédécesseurs avec les empereurs d'Occident. »
L'engrenage se met en route une nouvelle fois. Les négociateurs anglais, lord Yarmouth et lord Lauderdale, sont à Paris mais ils refusent de céder la Sicile, de renoncer au blocus. Et Fox meurt le 13 septembre 1806. Est-ce la fin du parti de la paix ? Napoléon s'interroge.
Le continent européen est son arme. Mais chaque pas qu'il fait pour le réunir sous son autorité déclenche des inquiétudes, suscite des ripostes.
Aux mois d'août et septembre 1806, alors qu'il séjourne au château de Saint-Cloud, puis à Rambouillet, Napoléon est plus impatient qu'à l'habitude de recevoir les dépêches de Berlin et de Saint-Pétersbourg.
Il sait que la Prusse est inquiète depuis qu'il a constitué la Confédération du Rhin sous son autorité. Quant à la Russie, elle a refusé de signer le traité de paix. Une quatrième coalition s'esquisse, regroupant la Prusse, la Russie et, naturellement, l'Angleterre. Mais Napoléon veut être prudent.
« Vous ne savez pas ce que je fais, dit-il à Murat. Restez donc tranquille. Avec une puissance telle que la Prusse, on ne saurait aller trop doucement. »
Point de guerre, la paix, voilà son vœu. Les soldats de la Grande Armée sont encore cantonnés en Allemagne et rêvent de rentrer en France.
« Je veux être bien avec la Prusse », répète Napoléon à Talleyrand. Que le ministre donne des consignes en conséquence à Laforest, l'ambassadeur de France à Berlin. Mais celui-ci envoie des dépêches alarmantes.
Napoléon les lit à mi-voix. Berlin arme. Les troupes prussiennes font mouvement vers la Hesse et la Saxe pour y devancer Napoléon et enrôler les armées de ces États dans les rangs prussiens.
Est-il possible que Frédéric-Guillaume et son épouse, la belle reine Louise, prennent ainsi le risque de la guerre ? Là où les armées russes et autrichiennes n'ont pas réussi, les Prussiens espèrent-ils vaincre ?
Le 10 septembre 1806, Napoléon dit à Berthier :
- Les mouvements de Prusse continuent à être fort extraordinaires. Ils veulent recevoir une leçon. Je fais partir demain mes chevaux et dans peu de jours ma Garde.