Non-chapitre
Nikolaï Stepanov, 1930
Sur une feuille de papier gris, mou, défraîchi, un texte tapé à la machine.
Le mariage de mes grands-parents ne fut enregistré qu’au début des années 1940.
« Ne pas languider » – ne pas traîner.
Le citoyen de la ville de Tver N.G. Stepanov
au Bureau d’état civil de Rjev
REQUÊTE
Je prie par la présente le Bureau d’état civil de Rjev d’enregistrer à mon nom, en reconnaissance de paternité, l’enfant mis au monde par DORA ZALMANOVNA AXELROD. J’ai en ma possession une attestation d’identité, qui vous sera présentée conformément à votre demande.
Les informations dont je dispose m’indiquent que vos services n’enregistreraient pas l’enfant parce que je ne suis pas enregistré maritalement, du moins officiellement (si l’on s’en réfère à la blancheur des pages de mon attestation d’identité), avec D.Z. Axelrod. En réalité, il n’en est pas ainsi.
Au pays des Soviets, il n’est pas d’enfants illégitimes, et il ne peut y en avoir.
C’est pourquoi j’estime que le non-enregistrement de mon mariage ne peut entraîner celui de mon enfant à mon nom.
Étant actuellement dans l’incapacité de me rendre en personne dans la ville de Rjev, je prie le Bureau d’état civil d’accéder à ma requête, à savoir d’enregistrer à mon nom la fillette mise au monde par ma femme, dans l’attestation d’identité adressée par mes soins, et de ne pas languider pour la reconnaissance officielle de l’enfant.
Le soussigné :
N. Stepanov
[Tampon du comité du Parti communiste du district de Tver]
Je certifie la signature du camarade STEPANOV, employé du comité du Parti communiste de la ville de Tver.
Le responsable du comité du Parti communiste
de la ville de Tver
[Ajout manuscrit :]
Si d’aventure l’enfant est déjà enregistré à un autre nom que le mien, j’insiste, en conformité avec les lois en vigueur, pour qu’on le transfère à mon nom. Je n’ai pas la moindre intention de me plier à ce qui vous convient. N. Stepanov.