Chapitre III


Un certain nombre de photographies











1.

Une grande salle d’hôpital au sol en damier. Le soleil vient cogner dans les hautes vitres des fenêtres cintrées et la partie droite est illuminée à en paraître blanche. Au demeurant, il y a du blanc à foison. Les lits sont posés les pieds devant, leur dos forgé tendu d’une toile. On voit de grands oreillers, on voit la tête des malades, des moustachus regardent par ici, vers l’objectif, l’un d’eux s’est soulevé sur ses coudes, tandis que l’infirmière arrange quelque chose près de son épaule. Elle est le seul être féminin dans l’immense salle. Dans le coin gauche a lieu l’événement des photos : une table, un autre moustachu en tenue d’hôpital, appuyé sur des béquilles, exhibe un sourire méridional plein de dents. Sur la table, papiers, registres, feuilles de température : là sont assis les deux principaux protagonistes, au centre de la composition, ceux pour lesquels on est venu photographier et qui rayonnent du contentement insouciant des visiteurs. Voyez celui-ci, en costume de ville : bottes étincelantes, petit col, il est renversé contre le dossier d’une chaise viennoise. Le second est en gris : sous ses moustaches également, la blancheur de l’amidon. Plus loin, des infirmiers attendent, mains jointes sur la poitrine ou sur le ventre ; pieds des lits et côtes des colonnes sont en parallèle, quelqu’un risque un œil derrière l’une d’elles, à croire que tous ont présence obligatoire. Dans un angle, un palmier de garde adresse des signes. Les fenêtres sont des flaques de lumière, les flous sont les plus intéressants, là où la blancheur a dissous le cadre et commence à ronger la silhouette de l’infirmière et l’occupation qui est la sienne.


2.

Impossible, si l’on n’est pas au courant, de deviner que l’on voit un cadavre – juste un tas de chiffons sur une table basse en marbre, autour de laquelle sont assis des étudiants attentifs. C’est une leçon pratique d’anatomie. Plus près, une autre table supportant aussi une chose indistincte : un sac ? un paquet de quelque chose ? Non, pas moyen de le discerner.

Six femmes se pressent autour, blouses blanches passées par-dessus leurs robes sombres de tous les jours. En bordure, un homme – le seul de l’équipe – s’est détourné, se demandant s’il devait esquisser un sourire ou se renfrogner. Les autres, cependant, sont à l’œuvre. L’homme a un pince-nez comique et, dans son dos, on distingue un tableau noir envahi de craie. Par là-bas, si on y regarde à deux fois, que ne voit-on pas : schéma végétatif vasculaire, reste d’un cours, profil d’un militaire coiffé d’une haute casquette, profil d’une beauté fumant une cigarette, le menton volontaire, et, complètement de face, lunaire, le rond souriant d’un visage auquel sont accolées des oreilles impressionnantes. Ça, c’est sur le côté. Autour de la table, une version féminine de la Leçon d’anatomie du docteur Tulp. Une étudiante brune, un stéthoscope autour du cou, lit un livre devant un auditoire figé. Les visages évoquent ceux de sentinelles montant la garde, un seul est flouté par un sourire, et si l’on a l’impression que tous sont occupés à la même tâche, il n’en est rien. L’une s’étire et regarde en elle-même, une autre sursaute, comme si on la hélait du coin le plus éloigné de la pièce, celle aux lunettes n’a pas eu le temps d’enfiler sa blouse et le pesant corsage brodé à boutons cherche à se faire passer pour un uniforme de médecin. Celle au petit chignon bas, qui tient le livre, est mon arrière-grand-mère Sarah. Tous les regards, tels les rameaux d’un balai, partent dans tous les sens, nul ne veut contempler les tissus et les articulations du mort.


3.

Une vieille petite photo, qui semble plus vieille encore parce qu’elle a perdu ses couleurs. En bas, écrit en rose : « CHERSON » et « B. WINEERT ».

Tout indique le milieu des années 1870. La fiancée est solidement posée, tel un verre sur une nappe, la robe de mariée en lourd tissu s’étale en triangle, la cape descend sur le ventre, les boutons sont alignés, le large visage est encadré de dentelles. À côté de cette autorité tranquille, appuyé contre elle comme à un portillon, le fiancé paraît irréel, et cela ne tient pas à la logique simple et grossière d’un mariage inégal et des contes d’Odessa, c’est comme cela, à croire que nous assistons à l’union d’un triangle et d’un filigrane. Os et visage fins, évoquant une bougie ou la fin d’un morceau de savon, le fiancé est dégingandé et on a l’impression qu’il va fondre dans son surtout de fête aux revers bien marqués, de sorte que la fiancée le retient par un coude. Le surtout est trop droit, le haut-de-forme, dont il n’est pas familier, évoque un lapin dans la main d’un prestidigitateur. L’éphémère beauté de mon arrière-grand-père paraît si fragile qu’on a peine à se le représenter, vingt ou trente ans plus tard, en père de famille et propriétaire de quoi que ce soit. Enfant, je croyais que la photographie barbe-broussailleuse de l’autre arrière-grand-père était celle du premier devenu vieux et j’étais horrifiée de ce changement. Mais il n’y a que deux photographies de Leonti Liberman et, sur les deux, on a le sentiment qu’il va se diluer dans le décor, avant même que ne lui pousse une moustache.


4.

Des enfants jouent au croquet dans le petit pré d’une datcha de la région de Moscou. Les adultes sont assis sur un banc ou debout, adossés au tronc d’un grand pin. La vieille maison en rondins, avec ses mansardes et ses clochetons, sort de l’image. Les fenêtres sont largement ouvertes. Le jeu est interrompu, tous se tournent vers le photographe : fillettes portant chaussettes hautes et robes blanches, évoquant plus des chemises, gamins aux pieds nus de la datcha voisine, les maillets de croquet sont figés, les boules reposent à terre. Seule une enfant, à droite, prise par le jeu, est penchée vers le sol, ses épaules nues sont courbées, arquées par l’effort, jambe droite écartée, profil incliné, pied qui s’avance sur une même ligne invisible, cheveux courts, coupés au bol, qui laissent entrevoir une tendre et longue nuque. De la fillette, pareille à un garçonnet grec, émane une anxieuse concentration, l’enfermement-renfermement emblématique du bas-relief. Tous les autres forment des groupes, des couples ; elle seule est au premier plan, non loin des autres, et pourtant, dirait-on, c’est l’extrémité de la photographie, l’aile la plus éloignée de la grande maison.


5.

Longue jupe noire jusqu’au plancher, chemisier clair : une inconnue sur fond de balustrade, une maison de brique entortillée de lierre, des volets peints, ouverts. Des enfants d’environ deux et cinq ans se profilent derrière la femme, au niveau des épaules, comme deux ailes. Elle les tient par la main – ses coudes se rejoignent sur sa poitrine. Sur les côtés, deux hommes, plus près de nous. Le plus grand a croisé les jambes et fourré les mains dans ses poches, chemise flottante retenue par une ceinture, cheveux bouclés en bataille. C’est Sachka, alias Sancho Pança, ami et fervent admirateur de l’arrière-grand-mère Sarah. Le second, plus âgé, porte pince-nez et tunique de toile grossière, il a l’air abattu. Et je comprends soudain que je l’ai déjà vu, je le connais, voyons, c’est Iakov Sverdlov ! Une dizaine d’années plus tard, il deviendra président du Comité exécutif central panrusse et signera les résolutions de la terreur rouge et de la « transformation de la république des soviets en camp militaire généralisé5 ».


6.

La première chose qui attire l’œil : le slogan d’une banderole sur le fond d’un bois de bouleaux touffu.

« Il est pour la bonne santé

de l’anatomie ouvrière

un moyen sûr :

la culture physique ! »

La photo est à ce point dallée de corps de femmes que le regard se porte involontairement vers le haut, où l’on ne voit que des troncs d’arbres et les lettres blanches du calicot. Ce qui se produit là évoque le schéma d’un composé chimique complexe. Les rangées supérieures sont debout, les suivantes accroupies de plus en plus bas, voire couchées, étalées, pareilles à des ondines dans un océan de bras nus, de shorts et de maillots uniformes. Au total, quelque quatre-vingt-dix personnes, mais les visages se ressemblent étonnamment ou peut-être sont-ils simplement comprimés par l’usure et le refus de toute expression. Aussi est-il intéressant de les examiner un à un ; il semble alors, en passant d’un visage à l’autre, que l’on voie les phases successives d’une même mimique. La photo a visiblement été prise à la maison de repos Raïki, où l’arrière-grand-mère Sarah était médecin en 1926 ou quelque chose d’approchant ; sa fille Liolia, âgée de dix ans, est dans la rangée du bas, la tête prise dans un foulard, un absurde châle à franges sur les épaules. Pour ne pas la confondre et retrouver la sienne, comme dans les contes où le prince doit retrouver sa princesse parmi une dizaine d’autres, on l’a marquée d’une croix à l’encre bleue. Mais on eût pu la reconnaître au détachement avec lequel elle regarde ailleurs.


7.

Une lourde carte à bordure dorée, le dessin d’un paysage brumeux, sur lequel se détache, paraissant d’autant plus puissant, un banc de fonte pattu, aux accoudoirs alambiqués. Y est assis David Friedman, le père de mon arrière-grand-père, médecin à Nijni-Novgorod. Il retient de la main droite, par le collier, un setter irlandais, digne race de chiens de chasse homologuée vingt ans plus tôt, en 1886. Il est presque impossible de détailler les vêtements de l’arrière-arrière-grand-père, tant ils résistent à être vus : robuste manteau à col d’astrakan, sorte de pantalon, sortes de chaussures d’aucune sorte, pince-nez au bout d’une longue chaîne, qui attire l’attention sur les yeux. Des yeux dans lesquels on croit lire de l’angoisse, mais peut-être les yeux n’ont-ils rien à y voir, peut-être cela tient-il à la façon dont les jambes sont collées l’une à l’autre, à croire que l’homme s’apprête à partir et qu’il va, là, tout de suite, se lever. Dans notre famille comme dans de nombreuses autres, impossible de songer au départ sans obligatoirement « s’asseoir avant le voyage », sans observer une minute et demie de silence, pendant laquelle ledit voyage réussit à prendre toute son importance. Le chien est nerveux et s’agite sur place. Tous deux mourront en 1907, le même jour, disait maman.


8.

Une photo où il ne se passe rien. Juste un visage, mais cela suffit amplement. Barbe démesurée en éventail, qui se dédouble au niveau du torse, au-dessus de boutons, ailes du nez largement écartées, sourcils rapprochés au-dessus, tête couverte d’un duvet gris et qui, néanmoins, paraît nue. Aucun fond : derrière le visage, le vide. La photo est celle d’Abram Ossipovitch Guinzbourg, mon autre arrière-arrière-grand-père, père de quatorze enfants, marchand de la première guilde, qui a démarré son affaire dans la ville de Potchinki et que les archives locales ne prennent pas en considération. Il évoque tout entier la Foudre divine (il n’eût pas toléré d’autre formulation). La première chose qui retient l’attention sur les vieilles photographies, ce sont les yeux : un regard vague, parce que privé de point d’appui (l’appui de ceux qui pourraient te reconnaître), un regard fixe, droit devant.

Ici, le regard est dirigé vers la gauche, il ne cherche pas, mais tient quelqu’un ou quelque chose demeuré hors du cadre, le tient si bien que, malgré soi, on tente de se placer là où le regard est porté et où l’on ne voit plus rien depuis belle lurette. Le champ visuel, où l’attention allait et venait librement, est soudain changé en étroit triangle, et tout ce qui s’y passe est régi par le seul poids-grappin d’un regard extérieur.


9.

Une grande – 20x30 centimètres – copie d’une vieille photographie. Au dos, on lit : « 1905. De gauche à droite : 1. Guinzbourg 2. Baranov 3. Halper 4. Sverdlova. L’original se trouve au musée-réserve de Gorki, no 11281. Chargée de recherche Gladinina (?). » Au-dessus du numéro, un tampon bleu et rond.

C’est l’hiver. Neige piétinée, blancheur fastidieuse dégouttelant des sombres pelisses duveteuses et des toques. La saleté qui macule parfois les vieilles photographies par piquetis et par bandes, balayant l’image. L’arrière-grand-mère Sarah, qui occupe la première place, semble plus vieille que ses dix-sept ans. Sa petite toque, de ces bibis que l’on fixait à l’aide d’épingles, a glissé sur sa nuque, une mèche de cheveux s’est échappée et pend ; le visage aux joues rondes est battu par le vent, on voit qu’elle a froid : une de ses mains est logée profondément dans une manche de son manteau, l’autre est fermée, poing serré. L’œil droit, blessé sur une barricade, est tendu d’un bandeau noir, comme ceux des pirates des Caraïbes. On est à Nijni-Novgorod, pendant le soulèvement des quartiers de Sormovo et Kanavino, qui a éclaté le 12 décembre 1905 et sera, après trois jours de combats de rue, écrasé par l’artillerie.

Dans la mémoire familiale, cette photo s’intitulait « Grand-mère sur les barricades », même si l’on n’y voit pas de barricade – derrière les protagonistes se dresse un mur de brique blanc et, sur le côté, dans la mélasse de neige, un genre de petite palissade. Lorsqu’on y regarde de plus près, on remarque combien ceux qui sont postés là sont jeunes : un beau moustachu en tunique grise du Kouban ; Halper, que je n’ai pas connu, et ses grandes oreilles ; une amie de grand-mère au visage enfantin, agrémenté de hautes pommettes. Soixante ans plus tard, ne demeureront, dans la mémoire des archives officielles, que les femmes : Sarah Guinzbourg et Sarah Sverdlova, « la petite Sarah », sœur de son célèbre frère, sur un banc près de la Maison des vieux bolcheviks, deux dames chenues emmitouflées dans d’épais manteaux, se chauffant au soleil hivernal, serrant contre leur ventre des manchons à l’ancienne mode.


10.

Matin à la datcha : quelqu’un est assis dans un fauteuil en rotin, on ne voit que les jambes et le bas d’une robe rayée. La terrasse, la table recouverte d’une toile cirée, dans une débauche de porcelaine : tasses, sucriers, beurrier grêlé, grand vase de fleurs et de feuillages et, plus loin, casserole dont on ne distingue pas le contenu. Une jeune fille en robe d’été prend un petit-déjeuner sélectif et précautionneux : coudes hors de la nappe, couteau dans la main droite, fourchette dans la gauche, les pieds, chaussés d’escarpins à la mode (menue bride enserrant la cheville, bout arrondi), reposent sur le barreau de la chaise. Une autre lui fait face, qui, penchée sur un verre de thé, en remue le sucre. Des genoux bronzés émergent d’un pan de robe colorée, les bras nus renvoient la lumière, les cheveux sont pris dans une résille. Vérifiant, l’œil perçant, que Liolia mange correctement, une vieille femme porte tablier et foulard blanc couvrant la tête : c’est nounou Mikhaïlovna, qui s’est aboutée à la famille et y est restée pour toujours. On doit être en 1930 ; sur un banc, une pile de journaux, avec, sur le dessus, un nouveau numéro d’Ogoniok*1. En couverture, une vague silhouette de femme – que fait-elle ? Impossible de le voir.


11.

Une photo couleur de gravier ; on se dit qu’au toucher elle doit être rugueuse. Tout y est gris : visage, robe, gros bas de laine, mur de brique, porte en bois, végétation épineuse du jardinet. Une femme plus toute jeune est assise sur une chaise viennoise, les mains à demi croisées sur la poitrine, comme si elle avait esquissé un geste, puis oublié ce qu’elle voulait faire, laissant une de ses mains dissimuler son ventre. Le sourire n’a pas non plus eu le temps de gagner tout le visage – celui-ci est simplement calme, à croire que les aiguilles du temps se sont figées, que midi règne, heure paisible d’assentiment dépassionné. Le dénominateur de cette image est manifestement une extrême pauvreté dont tout, ici, parle la langue : les lourdes mains sans bagues, la toile de l’unique robe à disposition sont cousines de la piétaille végétale sur le sol, elles ont les mêmes racines. Nulle tentative de s’apprêter un peu avant de poser pour l’éternité, d’offrir à son quotidien un jour de repos mérité ; la réalité nue, parce qu’il n’y a pas le choix. C’est mon arrière-grand-mère, Sophia Axelrod, grande lectrice de Cholem Aleichem, quelque part aux environs de Rjev. Et l’année peut être n’importe laquelle : 1916, 1926, 1936, il n’y avait guère de chances que cela change avec le temps.


12.

Une fillette âgée de cinq ans tient entre ses bras une énorme poupée prêtée pour la photo. Une poupée somptueuse : lourde tresse, joues vermeilles, volant brodé de la robe, haut kokochnik*2, fauteuil en rotin. Elle suscite un émoi sacré, impossible de la regarder et, à la place, les yeux ardent de ravissement, braqués sur l’objectif : la voilà ! nous voilà ! Le gros et le maigre (la petite est maigrelette, la poupée impressionnante et hautaine), le noir et le blanc (la petite est brune, elle a des boucles en bataille, la tresse de la poupée lui descend jusqu’à la ceinture, pas un cheveu ne dépasse), l’aimant et l’aimé. Les bras enfantins portent leur trophée avec un soin religieux : une main tient délicatement mais solidement la taille, l’autre effleure à peine les doigts de porcelaine. La photo est en noir et blanc et j’ignore de quelle couleur est la robe brodée de cerises ou le nœud pattu au sommet du crâne de maman.


13.

Au bord d’une rivière, au milieu ou à la fin des années 1930, deux jeunes femmes posent devant l’appareil, sans cesser de rire. L’une a déjà libéré ses cheveux, elle se penche, pour un peu elle ferait tomber dans l’herbe son châle blanc tricoté ; l’autre retient son petit chapeau menacé par les attaques d’un vent invisible. Elles portent des robes courtes et légères, déjà leurs sacs sont par terre, les pièces de linge dont elles se sont débarrassées gisent en boule à leurs pieds.


14.

Il pleut, des gens errent, perdus, dans la prairie détrempée. Ils sont nombreux, une vingtaine, hommes à canotier, femmes en longue jupe dont le volant balaie l’herbe mouillée ; au-dessus des têtes, les coupoles incertaines de petits parasols. Loin à l’horizon, un mur protégeant Dieu sait quoi ; sur la droite, le reflet d’une eau grise. Ils se tiennent, les uns proches, d’autres plus éloignés, par deux, par trois, solitaires, et plus on les fixe, plus il apparaît évident que le paysage d’outre-tombe doit ressembler à cela, rivage originel où chacun est abandonné à soi-même.

Au dos de la photographie, joliment calligraphié, avec boucles et fioritures, on peut lire en français : « Montpellier, 22 VII 1909. Souvenir de notre expédition zoologique à Palavas. Tristesse… Le temps s’était gâté. Dr H[adji] Guentchev – suit une adresse –, Mademoiselle S. Guinzbourg, Potchinki. » Il y a, du côté de Palavas-les-Flots, des flamants roses, ce qui explique l’aspect « zoologique » de ce voyage ancien. Il y a cent ans, la ville était déserte, l’église Saint-Pierre flambant neuve, il n’y avait pas les hôtels d’aujourd’hui.

Parmi ceux qui se promènent sous le ciel bas, une femme se tient très droite. Elle est à l’écart, ne regarde pas l’objectif, son dos étroit dans sa jaquette claire d’été est l’axe de la photo, le pilier central de son manège immobile. Elle a rejeté en arrière sa tête qu’enserre un chapeau rigide, dans ses mains un bouquet touffu. On ne voit pas son visage, mais il me plaît de penser qu’il s’agit de mon arrière-grand-mère Sarah.


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