Calvin s’approcha de Flanagan en réprimant un bâillement.
« Rentrez chez vous, dit-elle. Il est tard. »
Il fit non de la tête, bâilla encore. « Ils ont bientôt fini. »
Les techniciens terminaient de fouiller la voiture de Lennon, dans la lumière éclatante de l’atelier. Divers objets et détritus étaient répandus sur le sol — mouchoirs en papier, emballages, plastiques et cartons, ainsi que quelques CD et le manuel technique de la voiture. Les vêtements rassemblés dans l’appartement avaient été envoyés au labo de Carrickfergus.
L’inspecteur Farringdon examina l’emplacement de la roue de secours après avoir ôté le tapis de coffre.
« Voilà, conclut-il. Vous voulez qu’on démonte la carrosserie ?
— Non, répondit Flanagan. On s’arrête là pour ce soir. Merci à tous. »
Les techniciens déposèrent leurs outils et se préparèrent à partir. « Vous allez officialiser ? » demanda Calvin.
Flanagan s’était tourmentée toute la journée. La presse avait été informée qu’elle ferait une brève déclaration devant le commissariat à dix heures le lendemain matin. Donnerait-elle le nom de Lennon comme suspect ? Devait-elle communiquer son identité ? Un policier poursuivi par les siens… Les médias et les politiques fondraient sur la nouvelle comme des vautours. Désigner un suspect était toujours risqué. Il fallait qu’elle soit sûre.
« Je déciderai demain. Du côté des hôtels, ça donne quoi ?
— Il a dormi au Days Hotel dans Hope Street hier soir. Il n’a pas encore rendu sa chambre, mais je doute qu’il y retourne. J’ai envoyé une voiture pour ramasser ce qu’il a pu laisser derrière lui.
— Bien. Allez, filez, pour l’amour du ciel.
— Et vous ?
— Je vais repasser au bureau. Je voudrais relire mes notes avant demain. »
Un mensonge. Si Flanagan rentrait chez elle maintenant, Alistair serait encore debout. Ils boiraient un ou deux verres de vin, peut-être un gin-tonic, ils discuteraient. Elle ne pourrait éviter de lui parler du Dr Prunty et de ses mains glacées, de l’opération prévue dans moins de quinze jours.
Était-ce de la lâcheté ? Elle qui avait vu et fait tant de choses dans sa vie, été témoin de tant d’horreurs, révélait-elle enfin sa vraie nature ?
Flanagan n’imaginait rien de plus terrifiant que d’annoncer son cancer à son mari. Une fois le mot prononcé à voix haute, il deviendrait réalité. Leur vie commune serait fracturée en deux pour toujours : avant, et après.
Si Serena Flanagan était lâche, elle pouvait bien le rester un jour de plus.