L’heure qui suivit fut pour maître Claude un tel rayonnement de bonheur que son passé en fut comme effacé d’un trait. Cette heure valait une existence de joie. Il y eut en lui une transformation de son être. Une éblouissante lumière inonda cette âme obscure, et sa figure si sombre prit cette expression de franchise, de bonté, de bonne humeur riante qu’on voit aux gens dont on peut dire avec certitude:
– Celui-ci est un brave homme et c’est un homme heureux.
– Partons, fit-il tout à coup. Voilà que j’oublie tout, moi! Ce n’est pas qu’il y ait du danger… car sûrement on nous croit morts… Ah! ah! crois-tu que c’est une bonne farce! ajouta-t-il en riant aux éclats. Mort? Plus vivant que je ne l’ai jamais été… Donc, nous pourrions d’autant mieux rester ici, que même si on ne nous croit pas morts, on ne supposera jamais que nous avons cherché un refuge ici-même… On nous cherchera partout, excepté dans cette maison… Mais elle me fait peur à présent cette maison! J’y ai tant souffert!
– Pauvre père!… Vous ne souffrirez plus.
– Certes! finie, la torture! continua maître Claude. Ah! ma Violetta, mon cœur saute dans ma poitrine… Qui m’eût jamais dit que je connaîtrais un tel bonheur… moi!… Mais assez bavardé… Partons!…
Violetta secoua doucement la tête.
– Comment? Tu ne veux pas partir?…
– Père, vous l’avez dit vous-même: il n’y a ici aucun danger; nous y sommes mieux cachés que partout ailleurs, puisqu’on nous croit morts…
– C’est vrai… mais pourquoi?…
– Je ne veux pas quitter Paris encore, fit Violetta en baissant les yeux. Restons ici tout au moins quelques jours.
– Tant que tu voudras. Elle est charmante, cette maison. Je te disais qu’elle me faisait peur… Ne fais pas attention, je dis des folies, c’est la joie, vois-tu!… Donc, nous restons, c’est entendu!… Dame Gilberte! renvoyez cette litière et ce cheval. Quand je vous dis que l’enfant veut rester!…
La vieille servante qui, émerveillée, tournait autour de Claude et Violetta, s’empressa d’obéir.
– Ce n’est pas tout, père, dit alors Violetta avec un sourire, nous restons; mais ce matin il faut que je sorte.
– Sortir! toi! fit Claude stupéfait.
– Pour aller à l’Auberge de l’Espérance… dit la jeune fille tout d’une voix.
– Ah bah!… Voyons… tout à l’heure, quand je te tenais dans mes bras, tu m’as raconté une foule de choses que j’entendais à peine… la pauvre Simonne morte… et puis… et puis! Ah! par la mort-dieu, j’y suis! Le jeune homme qui a apporté des fleurs?… C’est ça, hein?… Voyons, dis-moi cela, un peu!… Son nom, d’abord… Tu rougis? Pourquoi?… Je l’aime ce jeune homme qui t’aime.
– Je n’ai pas dit ça, murmura la jeune fille en pâlissant.
– Mais moi, je devine! Digne jeune homme! Allons, comment s’appelle-t-il?
– Je ne sais pas! fit Violetta dans un souffle.
Claude éclata d’un bon rire qui fit trembler les vitraux. Il était exubérant. Il allait et venait, prenait la main de la jeune fille pour la baiser, s’asseyait, se relevait.
– Dépeins-le moi, au moins!…
Violetta, toute heureuse elle-même de cette joie débordante, entreprit une description que maître Claude lui arracha par lambeaux. Quand ce fut fini, Claude se leva.
– Je vais le chercher, dit-il. Dans une heure je te l’amène. Il faut que je voie ce jeune gentilhomme, que je lui parle, que je lise dans ses yeux s’il est capable d’aimer assez pour… Mais suffit, je m’entends. Toi, tu ne bouges pas… Dame Gilberte, en mon absence, portes et fenêtres closes! Si l’on frappe, ne répondez pas! la maison est déserte!
Claude serra Violetta dans ses bras, et sortit en courant, la laissant tout étourdie, n’ayant pas eu le temps de faire une objection. Et par la pensée, elle le suivait jusqu’à l’Auberge de l’Espérance, elle le voyait abordant le duc d’Angoulême, et le cœur battant, se demandait:
«Viendra-t-il?… Oui! il viendra!… Mais moi, que lui dirai-je?…»
À ce moment, les vitraux d’une fenêtre du rez-de-chaussée volèrent en éclats; plusieurs hommes sautèrent dans la maison, et Violetta, épouvantée, entendit crier ces mots:
– Si l’homme résiste, tuez-le!… Mais pas une égratignure à la petite!…
Maître Claude, ayant jeté un manteau sur ses épaules pour cacher son visage, s’était élancé vers la rue de la Tisseranderie et n’avait pas tardé à atteindre l’Auberge de l’Espérance. C’était le matin même où Charles d’Angoulême devait aller lui-même parler à Belgodère.
Claude ne se rencontra pas avec Charles d’Angoulême. L’aubergiste, truand de bas étage lui-même et tenu à la plus extrême prudence, ne lui donna que de maigres renseignements. Maître Claude attendit plus d’une heure. Puis il se dit que le jeune gentilhomme ne viendrait sans doute pas, et il frémit de la douleur qu’allait éprouver Violetta. Puis il se dit que la chose n’avait peut-être pas une importance réelle, que Violetta ne pouvait être attachée sérieusement à cet inconnu dont elle ignorait même le nom… enfin, il partit, se promettant de revenir.
Dix minutes plus tard, Charles rentrait dans l’auberge, après avoir inutilement exploré les environs…
Maître Claude, en somme, n’éprouva qu’une contrariété passagère. La joie immense qui submergeait son cœur ne laissait en lui place pour aucune autre émotion. Il allait revoir Violetta et il saurait bien la consoler. On le retrouverait, ce gentilhomme! Il se faisait fort de bouleverser Paris. Mais, que diable, après tant d’années de douleur, il pouvait bien un seul jour connaître le bonheur! Il souriait largement. Il donna un écu à une mendiante qu’il rencontra. Il allongeait le pas en fredonnant… Il eût voulu ne voir que du bonheur autour de lui…
Tout à coup, comme il venait de franchir le pont et qu’il rentrait dans Notre-Dame, il s’arrêta court. Un homme venait au-devant de lui… Et c’était une figure de malheur, une tête ravagée, vieillie, un corps courbé malgré la force et l’évidente noblesse des attitudes, comme si le poids des douleurs eût été trop lourd.
Une immense pitié envahit l’âme du bourreau qui murmura en pâlissant:
– Le père de Violetta!
C’était en effet le prince Farnèse!… Or, d’où venait-il?… Il sortait du logis de Claude…
Appelé dans la nuit par Fausta, il en avait reçu une mission. Et cette mission, il avait cherché à la remplir en même temps que la maison de Claude était envahie… Farnèse n’avait pas trouvé le bourreau. Peut-être sa mission devenait-elle dès lors inutile. Car il avait quitté le logis maudit en jetant une dernière malédiction contre l’homme qui lui avait pris sa fille…
– Il pense à son enfant! se dit Claude en l’apercevant. Pauvre homme! Comme il a l’air triste!… Voyons!… En ce jour de si radieux bonheur, pour moi, est-ce que je ne puis pas faire une bonne action?… Est-ce que je ne puis pas tout au moins lui dire… qu’elle est vivante., et qu’il espère!…
Soudain, la pensée lui vint que Farnèse était l’émissaire de la Fausta!… que si cet homme le voyait, Violetta était perdue peut-être!… Il voulut s’effacer, s’enfoncer dans une ruelle… trop tard! Farnèse l’avait vu! Farnèse l’avait reconnu! Farnèse venait à lui!…
Mais tout de suite, Claude se rassura… Non! Cet homme ne le menacerait pas! Cet homme ne portait en lui que le deuil et le désespoir… Farnèse s’était arrêté devant lui. Claude se taisait, humble devant cette tristesse qui écrasait son bonheur.
– J’ai reçu hier l’ordre de vous entendre en confession générale, fit Farnèse.
Claude tressaillit. Une bouffée de honte monta à son cerveau.
– Ainsi, songea-t-il tout au fond de sa conscience, c’est lui qui devait me donner l’absolution!… Pour le malheur que je lui apporte, il m’offre la réconciliation suprême avec le ciel!… Je lui ai volé sa fille, et lui me rend à Dieu!…
Il s’inclina très bas.
– Monseigneur, balbutia-t-il, je ne veux pas vous tromper… Depuis hier… cette nuit même… il s’est passé un événement qui fait que… peut-être… je n’ai plus droit à votre bénédiction!…
– Je dois vous entendre, dit Farnèse d’une voix étrange; peu importe ce qui a pu se passer. Puisque je vous trouve, venez!…
– Ô justice profonde du Seigneur qui nous voit et nous écoute! murmura Claude. Serai-je moins généreux, moi?… Ne ferai-je pas descendre un rayon de joie dans ce cœur?… Je recevrai ta bénédiction, cardinal! Et en échange, je transformerai ton deuil en allégresse: tu sauras que ta fille est vivante!…
Un inexprimable attendrissement noyait sa pensée…
Farnèse s’était mis en marche, comme s’il eût eu la certitude que Claude le suivrait, et, en effet Claude marchait à trois pas derrière lui, docile comme un enfant, songeant que, vraiment, la fin de ses malheurs et de ses terreurs était venue.
Par des ruelles détournées, Farnèse atteignait Notre-Dame. Maître Claude y entra à sa suite. Farnèse le conduisit jusqu’à un confessional et dit:
– Attendez-moi là… préparez votre conscience au grand acte…
Claude tomba à genoux et murmura:
– Mon Dieu, Seigneur! N’est-ce pas que je ne puis pas me séparer de mon enfant! N’est-ce pas que je puis la garder!… N’est-ce pas que c’est assez que je dise à votre ministre qu’il ne doit plus pleurer, et que, plus tard, il reverra l’enfant!… Seigneur, laissez-la moi pour quelques années… quelques mois seulement!…
Farnèse avait disparu dans la sacristie, il y était entré cavalier; il en sortit cardinal… Lorsque Claude le revit soudain traversant la vaste nef silencieuse et obscure, il tressaillit. Farnèse en cavalier était un admirable gentilhomme. Farnèse en cardinal était, dans toute sa majesté imposante, ce que pouvait alors représenter ce mot: un prince de l’Église… Il portait, avec une dignité gracieuse et hautaine à la fois, la robe rouge aux plis harmonieux; son attitude, sa démarche, son port de tête imposaient le respect et l’étonnement. Il semblait que ce cadre énorme, sévère et grandiose des voûtes de Notre-Dame eût été fait pour lui. Il était l’acteur prestigieux qui se meut dans un prodigieux décor.
Claude le reconnut à peine. Il trembla. Le sens de la religiosité s’élargit en lui, le domina, et il éprouva à l’approche du cardinal un trouble profond fait de crainte et de vénération.
Farnèse, en passant devant le maître-autel, fléchit le genou, peut-être autant par une faiblesse physique que par devoir religieux. Une sorte de gémissement sourd s’échappa de ses lèvres, et il baissa les yeux, n’osant regarder ces marches en travers desquelles était tombée Léonore…
«Ah! cette horrible matinée du jour de Pâques de l’année 1573!…»
Il la revécut, en cette seconde, avec l’effroyable intensité d’un cauchemar… Il se revit devant cet autel, faisant les gestes imposés par la tradition, mais songeant uniquement à elle… Son cœur brûlait d’amour, et son âme, avec une terreur insurmontable, envisageait la catastrophe.
Léonore allait être mère!… Léonore comptait que dans ce jour même il parlerait au vieux baron de Montaigues!… Et tandis que la noble assemblée silencieuse suivait ses mouvements, lui se demandait comment il allait fuir…
Fuir! Gagner Rome! Abandonner sa mission de légat! S’ensevelir à jamais dans quelque couvent!… Et comme cette pensée l’apaisait, il se retournait pour présenter l’ostensoir d’or à la foule recueillie. Et il voyait Léonore!…
Livide de ces souvenirs, avec un rauque soupir, il se dirigea vers Claude agenouillé, là-bas, dans le grand confessionnal à la vaste architecture… Et alors, ce fut un autre sentiment qui se déchaîna en lui! Ce fut une autre scène qui se présenta à son imagination!… Il revit le gibet de la place de Grève!… Il revit le bourreau s’emparant de son enfant!…
Une enfant… une fille! C’est-à-dire la possibilité de vivre, d’aimer encore, de réparer peut-être… Non! rien de tout cela n’avait été… Il se revit courant chez Claude, le suppliant, sanglotant à ses pieds… Il entendit le bourreau lui répéter:
– Votre fille n’a vécu que trois jours…
Et l’affreuse parole de mort, Claude l’avait répétée la veille. Cet homme avait laissé mourir sa fille… l’avait tuée peut-être?… Qui savait!… Et ce sentiment qui grondait dans l’âme de Farnèse au moment où majestueux dans les plis de sa robe rouge, il marchait vers Claude prosterné, c’était la haine…
Oh! faire souffrir cet homme comme il avait souffert, lui… Lui rendre douleur pour douleur, désespoir pour désespoir. Le tenir pantelant, sanglotant, suppliant à ses pieds, comme lui-même avait supplié et sangloté…
Il s’assit près de Claude, non pas à la place ordinaire du confesseur, de l’autre côté du grillage, mais près de lui, le touchant presque… Claude ne remarqua pas ce détail. Son visage rayonna lorsqu’il vit le cardinal Et même une sorte de malice joyeuse pétilla dans ses yeux.
«Si triste et sombre maintenant, comme il va être heureux tout à l’heure!» songea-t-il.
– Je vous écoute, dit Farnèse, glacial.
Un frisson secoua les larges épaules de Claude. Mais il l’attribua à l’impression que dégageait l’immense église déserte et silencieuse où, si formidable, il se sentait si petit… Alors, il commença le hideux récit…! sa confession de bourreau qui a horreur de tant de meurtres froidement accomplis.
Ce fut effroyable; Farnèse vit couler du sang, entendit des os craquer, écouta des gémissements d’épouvante… et toute cette fantastique évocation, c’était la confession du bourreau qui, les cheveux hérissés, les yeux hagards, grondant et suant, racontait, racontait toujours, et parfois levait un regard de détresse sur le cardinal…
Et celui-ci demeurait glacial. Pas un mot, pas un geste; Farnèse attendait que ce fût fini… Claude, enfin, s’arrêta, haletant.
– Ce sont bien là tous vos meurtres? demanda Farnèse au bout d’un long silence.
– Tous, monseigneur, répondit Claude humblement. Je n’ai rien oublié…
Farnèse avait fermé les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, il darda un tel regard, et si aigu, si pareil à un coup de poignard, que Claude frissonna longuement, se ramassa sur lui-même comme à l’approche d’un malheur.
– Tu as oublié le plus hideux de tes meurtres, dit alors Farnèse. Tu as pendu des infortunés, ce n’est rien, cela! Tu as fait voler la tête de quelques gentilshommes; ce n’est rien, cela! Tu as roué, tu as fouetté, tu as fait crier de la chair; ce n’est rien cela! Monstre, descends en toi-même, et cherche le véritable crime de ton existence abjecte!…
Claude, avec un frémissement d’épouvante et d’horreur, se releva… Au même instant, le cardinal fut debout et lui saisit la main.
– Ton crime, gronda-t-il d’une voix où il n’y avait plus d’intonation humaine, ton crime, Claude, n’est pas dans ces meurtres. Car tu n’étais qu’un instrument! Tu n’étais pas plus coupable que ta hache ou ta corde! Ton crime, c’est d’avoir tué un cœur d’homme, le mien!…
Claude voulut balbutier quelques mots. Mais déjà le cardinal poursuivait:
– Tu m’as volé ma fille! Tu l’as laissée mourir! Tu l’as tuée, dis-je?… Réponds!… Non! Tais-toi!… Misérable démon, moi, t’absoudre!… Écoute, écoute, puisque tu as une fille, puisque, toi aussi, tu as un cœur de père!…
Claude devint pâle comme un mort. Il sentit passer sur sa nuque le souffle terrible de l’Inévitable… Les yeux dilatés, la bouche ouverte, il considérait Farnèse sans pouvoir énoncer un mot… Le cardinal eut un rire effrayant et, de sa main, secoua violemment le bras de Claude.
– Ah! tu as une fille, toi aussi! Ah! tu aimes, toi aussi!… Ta fille, monstre, c’est moi qui l’ai conduite dans la chambre des exécutions!… Oui, oui, je vois le ricanement de tes yeux! Tu veux dire que tu l’as sauvée? que tu as plongé dans la trappe!… que tu…
Un hurlement l’interrompit:
– Vous saviez ce qui s’est passé cette nuit!… rugit Claude.
– Oui, je le savais!… Et c’est pour cela… c’est pour te dire… écoute!… ta fille… en ce moment… tu m’entends? démon!… Ta fille… elle est reprise! Elle est aux mains de Fausta!… On la tue!… Et c’est moi qui ai fait cela!…
Farnèse, d’un geste rude, repoussa Claude et se croisa les bras, attendant, espérant peut-être que le formidable poing de Claude allait l’assommer. Mais Claude sous l’épouvantable parole, avait fléchi, ses deux mains à son visage, et demeurait sans un geste, sans une parole… On ne voyait rien de sa physionomie, on n’entendait rien de lui, sinon une sorte de râle très rauque.
Ce silence funèbre dura une seconde…
Lorsque Claude laissa retomber ses bras, il était méconnaissable… il était hideux… il était sublime… il était la personnification de la stupeur dans la douleur… D’abord, il ne regarda pas le cardinal… son regard tragique et sanglant alla jusqu’à l’autel, jusqu’à la Croix, jusqu’à Christ, jusqu’à Dieu… Et ce regard contenait une malédiction, une révolte de tout son être stupéfié par tant d’injustice… Et alors, seulement, il le ramena sur Farnèse… Et il dit… ou du moins, il grogna quelques mots… Farnèse seul pouvait comprendre, en un tel moment, une telle voix… Il dit ceci:
– Tu as fait cela, prêtre?… Tu l’as fait?…
– Oui, bourreau! J’ai fait cela!…
– Tu as livré cette enfant?… Dis? C’est bien toi qui l’as livrée?
– Oui! Je l’ai livrée!…
– Et tu dis qu’on la tue?…On la tue, n’est-ce pas?… Elle est morte!…
– Morte!
Un gémissement, une plainte d’une étrange douceur monta jusqu’aux voûtes de la cathédrale. Puis ce gémissement s’enfla, se transforma, grandit, devint un grondement furieux, et Claude tonna:
– Cette enfant, prêtre!… Cette enfant que tu as fait assassiner!… sais-tu qui elle est?
– Cette enfant! balbutia Farnèse qui, à son tour, sentit son cœur défaillir, et ses cheveux se hérisser… Eh bien?… cette enfant…
– Eh bien… hurla Claude, d’une voix déchirante, d’une voix mugissante, terrible et lamentable… Eh bien… cette enfant!… c’était ta fille!…
Et il s’en alla, titubant, emplissant la vaste nef de ses sanglots, sans regards derrière lui, sans voir ce que devenait le cardinal. Le cardinal s’était affaissé avec un râle bref, comme un bœuf à l’abattoir, assommé net, plus sûrement assommé que par le coup de massue du poing du bourreau! Un jeune moine qui priait non loin de là s’approcha alors de lui, et ayant constaté qu’il vivait se mit à le soigner activement.
Ce moine s’appelait Jacques Clément.