XIX LE MEUNIER

Pardaillan avait suivi Maineville et Maurevert dès l’instant où il les avait aperçus. Au-delà de la porte Saint-Honoré, il avait laissé Angoulême et ses deux nouveaux laquais qui l’attendirent en se dissimulant derrière une masure. De loin, il avait assisté à la discussion du muletier avec Maineville et Maurevert. Puis il avait vu ce dernier s’enfuir à toutes jambes, il avait entendu le coup de pistolet, et, rampant parmi les hautes avoines, il avait pu se glisser jusqu’à la haie près de laquelle avait eu lieu l’entretien que nous venons de rapporter. Alors le chevalier se dirigea vers la masure où il avait laissé Charles.


– Voulez-vous, lui dit-il, jouer un mauvais tour à monseigneur Guise?


Charles interrogea Pardaillan du regard.


– Retournez à votre hôtel, reprit celui-ci, prenez-y des armes et des munitions. Montez à cheval avec ces deux dignes serviteurs qui brûlent du désir d’en découdre en votre honneur.


Picouic remua le bout de son nez pointu, et la mine de Croasse s’allongea.


– L’un d’eux, continua le chevalier, me ramènera mon destrier. Je vous attendrai dans le moulin que vous apercevez d’ici.


– Mais de quoi s’agit-il?… demanda Charles.


– Je vous l’ai dit: de jouer un mauvais tour à Guise, et de lui porter un de ces coups dont il ne se relèvera pas.


Le petit duc n’en demanda pas davantage; il avait en Pardaillan une confiance illimitée; bien qu’il fût, lui, duc d’Angoulême, apparenté aux princes, neveu du roi de France, il obéissait tout naturellement au routier sans fortune et sans titres. Il partit aussitôt et Pardaillan reprit le chemin de la butte Saint-Roch.


Bientôt il s’engagea dans l’étroit sentier qui, une heure plus tôt, avait été suivi par les trente mulets. À son grand étonnement, le sentier était libre. Il put parvenir sur le plateau sans avoir été arrêté par aucune des sentinelles qu’il s’était attendu à rencontrer.


«Est-ce que les mulets portaient vraiment de l’orge? songea-t-il. Est-ce que toute cette histoire de sommes d’argent au fond des sacs ne serait qu’une chimère?… Hum! Maurevert n’est pas homme à se tromper en pareille matière!»


Les bords du moulin ne semblaient rien annoncer d’extraordinaire. Les grands bras ailés tournaient paisiblement sous la poussée d’une forte brise d’ouest qui soulevait des arômes de thym et de menthe parmi les herbes folles. Pardaillan entendait le bruit régulier et monotone de la roue broyant le blé. Des garçons tout blancs de farine passaient avec des sacs sur leurs épaules. Un cheval en liberté paissait l’herbe près de deux grands bœufs agenouillés qui s’émouchaient lentement de la queue. Mais de mulets, pas un; de muletiers, pas l’apparence. Il entra dans le logis du meunier, dont la porte était grande ouverte.


– Décidément, Maurevert a rêvé, grommela-t-il en frappant du pommeau de sa rapière sur une table.


À cet appel, une servante rougeaude apparut et, d’un air étonné, s’enquit de ce que désirait ce visiteur armé de pied en cap, et tel que le moulin n’en avait jamais dû voir.


– Ma mignonne, dit à la grosse fille Pardaillan qui connaissait tout le pouvoir d’une adroite flatterie, ma mignonne, je voudrais parler à votre maître pour une affaire de farine, une véritable affaire d’or…


– Ah! ah! fit un homme qui entrait à ce moment, une affaire d’or, dites-vous, mon gentilhomme?


Et le maître meunier, qui venait de pénétrer dans la salle, fixa sur Pardaillan un regard vif et perçant.


– Voyons l’affaire, reprit-il.


– Je veux simplement vous acheter quelques sacs de blé, mais en vous les payant dix fois le prix habituel.


– Dix fois le prix!…


– Oui, dit froidement le chevalier. Et notez qu’il m’en faut trente sacs. Vous le voyez, c’est une fortune…


– Trente sacs? dit le meunier qui jeta sur l’étrange acheteur un regard plus perçant et plus soupçonneux que le premier.


– Oui. Et je ne mets au marché qu’une condition: c’est de choisir moi-même mes sacs.


– C’est trop juste, dit le meunier qui alors, sans avoir l’air de le faire exprès, referma la porte d’entrée.


– Vous pouvez même pousser le verrou, mon brave, fit Pardaillan narquois. Surtout quand vous saurez que les sacs que je veux vous acheter sont justement les trente qui vous ont été apportés tout à l’heure par trente mulets.


À ces mots, le meunier jeta un cri d’appel, et, de la pièce voisine, les muletiers, poignards et pistolets aux poings, firent irruption. Pardaillan tira sa rapière et le combat allait s’engager, lorsqu’une voix forte retentit:


– Bas les armes!…


Les muletiers s’arrêtèrent comme pétrifiés. Pardaillan, de son côté, baissa la pointe de sa rapière. Et alors il vit entrer un grand vieillard à l’attitude hautaine, aux yeux inquisiteurs, qui fit un geste de commandement. Les muletiers et le meunier disparurent. Pardaillan rengaina son épée. Le vieillard le considéra avec attention pendant quelques secondes, puis il dit:


– Monsieur, je suis le maître de ce moulin. Si vous avez une affaire à proposer, c’est donc avec moi que vous devez traiter.


– Ainsi, dit Pardaillan, le vrai meunier de la butte Saint-Roch, c’est vous?


– C’est moi.


– Je le crois volontiers, monsieur, dit Pardaillan qui s’inclina avec cette courtoisie mêlée de respect qui chez lui avait tant de prix; car ce soi-disant meunier lui apparaissait comme un homme de haute et noble envergure.


– Monsieur, dit-il alors, je crois inutile d’employer avec vous les détours. Je commence donc par vous déclarer que j’ai surpris votre secret: les mulets qui sont montés ici étaient chargés d’or.


– C’est exact, monsieur: il y en a pour trois millions…


Pardaillan fit un geste d’indifférence: l’énoncé de cette somme énorme ne semblait pas l’avoir touché, et dès lors, l’étrange maître du moulin le considéra avec plus d’attention encore.


– C’est donc vous, reprit celui-ci, qui, tout à l’heure, vous êtes donné pour l’officier des droits de mouture, et avez ouvert un de nos sacs?…


– Non monsieur. Car jamais je ne me donne la peine de mentir. Mais j’ai surpris une conversation de cet homme, et j’ai su ainsi la vérité.


Le maître du moulin, ou celui qui se donnait pour tel, examina Pardaillan qui, de son côté, rendait examen pour examen. Il n’y avait pas sympathie. Mais chacun d’eux reconnaissait une force en son interlocuteur.


– Pourquoi, demanda tout à coup le chevalier, avez-vous empêché ces dignes muletiers de foncer sur moi?


– Parce que votre figure m’a intéressé. J’eusse été fâché qu’il vous arrivât malheur. Et dès l’instant où je vous ai vu monter le sentier et entrer ici, j’ai désiré vous connaître. Voulez-vous me dire votre nom?


– On m’appelle le chevalier de Pardaillan. Et vous?


– Moi, je m’appelle M. Peretti, dit le vieillard après une courte hésitation. Et maintenant, dites-moi dans quelle intention êtes-vous monté au moulin?


– Savez-vous, demanda Pardaillan, qui étaient ces deux hommes qui ont eu querelle avec un de vos muletiers?


– Je crois avoir, de loin, reconnu l’un d’eux… celui qui était vêtu en garçon meunier: c’est le sire de Maineville, qui appartient à la maison de Guise.


En parlant ainsi, M. Peretti fouillait les yeux de Pardaillan. Le chevalier ne s’étonna pas que ce meunier exerçât une telle surveillance et qu’il connût les gens de Guise.


– Et vous, monsieur de Pardaillan, reprit M. Peretti, n’êtes-vous pas au duc?


– Je vais vous dire, fit paisiblement le chevalier, dans quelle intention je suis monté au moulin. C’est cela que vous me demandiez, je crois; c’est cela qui vous intéresse. Vous saurez donc, monsieur Peretti, que je suivais justement M. de Maineville et son compagnon.


– Qui était ce compagnon? fit vivement M. Peretti.


– Vous avez deviné Maineville. Je vous ai dit mon nom à moi parce que vous me l’avez demandé. Quant à celui que vous ne connaissez pas et que je connais, moi, son nom vous est inutile, je le garde pour moi.


– Ah! ah!… vous devez avoir une bien vive amitié pour cet homme!… Mais continuez, je vous prie; vous m’intéressez de plus en plus.


– J’ai donc pu entendre la conversation de Maineville qui est à M. de Guise, comme vous l’avez dit. Or, ce que veut faire ce Maineville me déplaît fort, et je suis venu ici pour l’empêcher.


– Que veut-il donc faire?…


– Il veut aller dire à son seigneur et maître que les millions promis par le pape Sixte sont arrivés…


Briccone! murmura M. Peretti qui, cette fois, pâlit.


– Plaît-il? fit Pardaillan.


– Rien… Poursuivez votre récit qui a pour moi un immense intérêt.


– Je m’en doute… Il paraîtrait donc que Sa Sainteté, après avoir promis, se dédit. Pourquoi? Je n’en sais rien, et peu m’en chaut. Seulement, Maineville veut revenir ici en force, s’emparer des précieux sacs de Sa Sainteté, porter à M. de Guise tout ce blé poussé à l’ombre du Vatican et que le duc convertirait en un gâteau royal. Et cela m’ennuie.


– Parce que vous voulez votre part du gâteau? fit M. Peretti en dardant son clair regard.


Pardaillan haussa les épaules.


– Si j’eusse voulu ma part, dit-il, je l’eusse prise. Non, je vous le répète; il me déplaît que M. de Guise mange de ce pain-là. Et je suis venu dire au meunier de céans: Brave homme, ce soir on t’enlèvera ton trésor… à moins que je m’en mêle. J’ai donc fait signe à deux ou trois hardis compères qui, avec moi, seront là pour recevoir dignement les envoyés de M. le duc de Guise.


– Et pour ce service, dit M. Peretti, pour cette défense que vous m’offrez, que demandez-vous?


– Rien, répondit Pardaillan.


M. Peretti tressaillit.


– Maître d’un pareil secret, et venant offrir vos services, pouvant exiger beaucoup, vous ne demandez rien… C’est bien beau, monsieur… Trop beau, peut-être!


Si bas que le vieillard eût prononcé ces derniers mots, Pardaillan les entendit et il dit:


– Évidemment, monsieur, vous pouvez soupçonnez une trahison sous ce désintéressement qui vous paraît beau, à vous, et qui me paraît à moi très simple puisque je n’ai nul besoin d’argent. Sans doute, vous pouvez vous demander si je ne suis pas un ennemi envoyé d’avance dans la place. Aussi n’ai-je à vous offrir que ma parole pour preuve de ma sincérité.


– Et si je ne vous croyais pas?


– En ce cas, dit froidement le chevalier, je serais forcé de vous tuer, vous et vos muletiers, afin que je puisse ensuite empêcher le trésor pontifical de tomber dans les mains de Guise.


– Quoi! Vous me tueriez?


– Non sans quelque chagrin, je dois l’avouer; car votre air me plaît.


– Eh bien, par les Saints et la Vierge, votre air à vous aussi me plaît fort. Jeune homme, j’ai confiance en vous. Je veux donc commencer par vous montrer où sont cachés les sacs. Venez…


Et M. Peretti grommela en lui-même:


– Cette fois, il faudra bien qu’il se découvre!…


Mais Pardaillan demeura assis et reprit tranquillement:


– Je n’ai nul besoin de savoir où est votre trésor, maître Peretti. Et même, si j’ai un bon conseil à vous donner, ce serait de faire recharger à l’instant vos sacs sur vos trente mulets, et de les faire filer.


M. Peretti était sans doute un homme très soupçonneux car il réfléchit que ce Pardaillan pouvait bien lui avoir été expédié pour attirer ses hommes dans une embuscade. D’autre part, cette physionomie étincelante d’audace et de loyauté lui inspirait confiance. Il résolut donc de ne pas remettre en route le trésor et d’accepter les services de Pardaillan.


– Vous êtes un brave chevalier, dit-il; excusez mes défiances, elles vous sembleront naturelles quand vous saurez que je suis responsable de tout cet argent. Je parlerai de vous à notre Saint-Père, vous pouvez en être assuré, et il trouvera, lui, une récompense digne de vous.


– Ma récompense est toute trouvée, dit Pardaillan, narquois. Ne vous en inquiétez donc pas, je vous en prie.


M. Peretti, encore une fois, demeura perplexe.


«Quel diable d’homme est-ce là?» songea-t-il avec étonnement.


Et, pour pénétrer le mystère, il pria le chevalier à dîner avec lui, ce que Pardaillan s’empressa d’accepter, vu que la matinale promenade lui avait fort aiguisé l’appétit.


Pendant ce repas, il remarqua plusieurs choses: d’abord que le dîner lui-même était de beaucoup trop délicat pour un simple meunier; ensuite que M. Peretti était entouré d’un respect étrange. Il en conclut qu’il avait affaire à quelque haut et puissant seigneur au service de Sixte Quint. Quant à M. Peretti, il ne put rien remarquer chez son hôte, sinon qu’il possédait le plus robuste appétit, et qu’il avait la plus agréable causerie.


Le dîner finissait lorsque le duc d’Angoulême arriva, escorté de Picouic et Croasse. Les deux laquais portaient chacun deux mousquets, des pistolets, enfin tout un attirail de guerre qui fit sourire M. Peretti.


– Diable! fit-il, je vois que vous êtes homme de précaution. Nous avons là de quoi soutenir un siège…


– Aussi bien, est-ce d’un siège qu’il s’agit.


– Quoi! vous croyez vraiment que le duc de Guise…


– Je crois que ce soir il y aura une petite armée au pied de la butte Saint-Roch, voilà tout, fit Pardaillan, qui haussa les épaules.


Dès lors M. Peretti commença à se demander s’il ne ferait pas mieux de se retirer. Il ne doutait plus de Pardaillan. Mais jusque-là, il s’était volontiers bercé de cet espoir que le chevalier avait fort exagéré la situation. À la vue des armes de guerre, il commença à prendre au sérieux l’aventure.


«Ouais! se dit-il, je serais mieux à mon aise dans l’hôtel de la vieille reine… Ma présence ici est-elle indispensable?… Non, certes… Une balle s’égare… un coup de dague est vite donné… Et qu’arriverait-il, Seigneur, si demain le monde apprenait la mort de Sixte Quint!…»


Mais M. Peretti était brave sans doute. Et puis une irrésistible curiosité lui était venue de voir à l’œuvre cet homme extraordinaire qui venait défendre un trésor et qui ne voulait rien recevoir en échange. M. Peretti demeura donc.


La journée se passa sans incident. Vers la tombée du jour, Picouic et Croasse furent envoyés en sentinelles perdues, au pied de la butte, pour signaler l’approche de toute bande armée ou non. Picouic était guilleret. Mais Croasse était plus lugubre que jamais.


– Ah çà! demanda le premier, qu’as-tu à soupirer?


– J’ai, morbleu, que l’injustice du sort me révolte à la fin, dit Croasse.


– C’est toi qui es injuste. Comment! tu échappes au Belgodère qui te rouait de coups, tu te trouves engagé dans une maison où l’on mange quatre fois par jour, sous un jeune maître qui te parle avec une exquise politesse, bien loin de te battre… et tu te plains?


– Eh! qu’importe tout cela, si je suis tué!


– Et pourquoi serais-tu tué, imbécile?


– Mais parce que nous allons avoir bataille… Picouic, veux-tu que je te dise une idée qui me passe par la tête?


– Voyons l’idée…


– Eh bien, ce M. de Pardaillan est un terrible homme qui ne rêve que plaies et bosses.


– Ceci me paraît assez juste. Après?


– Après? Eh bien, nous devrions nous en aller.


Picouic tira sa dague:


– Écoute, mon ami, dit-il. Si tu essayes de nous déshonorer en prenant lâchement la fuite avant même le combat, tu n’en mourras que plus vite, car je suis décidé à t’occire de mes propres mains.


Croasse fut immédiatement convaincu par le raisonnement limpide et frappant de Picouic; il promit d’être brave comme un Ajax, mais tout en descendant vers la chapelle Saint-Roch où Pardaillan les envoyait en sentinelles, il soupirait fort et maugréait:


– À quoi nous servira d’être bien nourris, si nos corps doivent être percés à coups de lances, de flèche ou de balles de pistolet jusqu’à devenir des écumoires?


– Cela nous servira toujours à mourir dignement dans la peau reluisante de deux hommes gros et gras.


Croasse estima ou fit semblant d’estimer que c’était là une consolation tout à fait digne de considération, et cessa ses plaintes. Les deux géants maigres s’installèrent donc aux abords de la chapelle Saint-Roch et se mirent à surveiller le terrain dans la direction de la porte Saint-Honoré. La nuit était venue et Croasse commençait à espérer que tout se passerait en douceur, lorsqu’une troupe sortit de Paris et se dirigea droit sur la chapelle. Elle se composait d’une quarantaine d’hommes d’armes et était suivie d’une lourde charrette que traînaient trois forts chevaux. Les hommes d’armes étaient pour intimider les gens du moulin, la charrette pour transporter à l’hôtel de Guise les trente précieux sacs.


L’expédition était conduite par Maineville. Près de Maineville marchaient Maurevert, Bussi-Leclerc et Crucé. Le reste se composait de soldats, cette sorte de razzia devant demeurer secrète. Mais mêlé à ces soldats, un gentilhomme masqué marchait silencieusement; c’était le duc de Guise lui-même, qui avait voulu assister à l’opération, de crainte peut-être que l’un des sacs ne s’égarât en route.


Maineville, Bussi-Leclerc et Crucé étaient des intimes de Guise, des agents dévoués corps et âme, propres à toute besogne, et ils étaient là à l’exclusion de tous autres gentilshommes du duc.


On connaît Maineville et Maurevert.


Crucé était un bourgeois, ligueur enragé, parent de ce Crucé qui s’était distingué de si horrible façon pendant les massacres de la Saint-Barthélemy. Il avait rendu à Guise des services d’une nature spéciale en lui désignant ceux qui, au Parlement, pouvaient lui faire une opposition sérieuse. De plus, il jouait proprement à la dague.


Jean Leclerc, maître d’armes, créé par Guise gouverneur de la Bastille, était une sorte de bravo qui se vantait de n’avoir pas eu un seul duel qui n’eût été suivi de mort d’homme. À son nom de Leclerc, il avait ajouté celui de Bussi, en mémoire du fameux Bussi d’Amboise si misérablement assassiné par les mignons d’Henri III.


En somme, ces quatre hommes composaient le conseil secret d’Henri de Guise.


Guise, en marchant vers le moulin pour s’emparer des millions que Sixte Quint avait fait venir pour lui et qu’il lui refusait maintenant, frémissait d’espoir. Avec cette énorme somme, il pourrait fausser la parole donnée à Catherine de Médicis de ne rien tenter de violent contre Henri III. Il pourrait acheter les conseillers du Parlement qui lui tenaient tête. Il pourrait payer les arriérés de solde des deux ou trois régiments qui n’obéissaient plus qu’en grommelant. Il pourrait lever une armée, tenir la campagne, chasser Henri de Béarn jusque dans ses montagnes, capturer Henri III, le déposer et se faire couronner: enfin, c’était la reprise du plan large, vaste, énergique, échafaudé par la Fausta!…


Le duc de Guise, en montant au moulin, marchait donc réellement à la conquête de ce trône, objet de ses convoitises depuis vingt ans. Une sourde fureur l’animait contre ce pape Sixte dont il avait reçu l’envoyé venant lui annoncer que Sa Sainteté, épuisée par des pertes d’argent, était dans l’impossibilité de le secourir… Moins de deux heures après cet envoyé, qui avait prétendu venir de Rome en ligne directe, Guise avait reçu la lettre de la princesse Fausta lui disant que l’argent était là!… Maineville, envoyé pour s’assurer du fait, revenait bientôt le confirmer!… Et Guise, dévoré de rage et d’impatience, se perdait en suppositions sur les causes de cette brusque défection du pape… Car enfin, si l’argent était là, c’est pour lui qu’il était venu!…


– Eh bien, avait-il conclu, il n’y a qu’à prendre ce qu’on me refuse!… Et malheur à Sixte si un jour il me tombe sous la main!


L’expédition avait aussitôt été résolue; le plan était d’une belle simplicité: marcher au moulin avec une troupe peu nombreuse pour ne pas donner l’éveil, tuer tout ce qu’on trouverait dans le moulin, charger les sacs sur une charrette et emporter le butin à l’hôtel de Guise.


Picouic et Croasse aperçurent la petite troupe qui s’avançait en bon ordre.


– Rentrons au moulin, maintenant, dit Picouic.


– Mais, objecta Croasse en jetant un regard terrifié sur les assaillants qui approchaient, ne vaudrait-il pas mieux laisser passer ces gens? Nous continuerions à les surveiller par-derrière…


– Et si on se bat, ce qui va sans doute arriver, que ferions-nous, Croasse?


– Eh bien, nous surveillerions la bataille, de loin. Monsieur le chevalier nous a envoyés pour surveiller.


– Croasse, tu me fais honte. Allons, courons prévenir que l’ennemi arrive…


Picouic s’élança, Croasse l’imita. Mais au bout de quelques pas, il buta – ou fit semblant – et tomba sur les genoux. Picouic continua seul son chemin en courant. Alors Croasse se releva et se remit à descendre à toutes jambes vers la chapelle Saint-Roch. Mais à ce moment la troupe signalée était sur le point d’atteindre elle-même cette chapelle. Croasse entendit les pas pesants des hommes d’armes cuirassés et casqués de fer. Il frémit et se vit perdu.


Mais au moment où la troupe de Guise commençait à tourner la chapelle pour s’engager dans le sentier où était assis Croasse, un dernier instinct de défense le galvanisa; il se releva, bondit et se hissant sur une borne, put atteindre, grâce à ses longs bras, la fenêtre qui éclairait le chœur de la chapelle. D’un coup de coude, il défonça les vitraux et, bientôt, il se laissa glisser à l’intérieur. La troupe conduite par Maineville passa.


Tout autre que Croasse eût jugé que le danger était passé en même temps. Mais si Croasse ne brillait pas en général par l’imagination, à cette minute cette imagination surexcitée par la peur enfanta des incidents: il entendit des chuchotements autour de la chapelle, bien qu’il n’y eût personne. De toute évidence, on l’avait vu, et la troupe entière, changeant de destination et de tactique, se préparait à donner l’assaut à la chapelle.


Croasse chercha, éperdu, un trou de souris où se fourrer, et parcourut la chapelle dans l’obscurité, se heurtant aux bancs, aux sièges, qui dès lors devinrent des ennemis; la chapelle avait été envahie, toute une armée aux trousses du seul Croasse… Il sentit son épouvante se décupler, et cette épouvante dépassant les limites, il devint brave, empoigna une chaise et se défendit. Alors ce fut une bataille extravagante du gigantesque Croasse contre des ennemis absents. La chaise au bout de ses longs bras faisait de terribles moulinets.


– Encore un par terre! hurlait-il. Lâches! Cent contre un!… Vlan! un autre qui tombe! À moi! Au secours!… Grâce, messieurs! au meurtre, au truand!…


Croasse, dans cette lutte fantastique contre rien, reculait. Soudain, il tomba tout de son long; au même instant, une décharge d’arquebuses éclata au loin. Le bruit de l’arquebusade lointaine continua à surexciter sa terreur; il se cramponna à un anneau de fer que ses mains rencontrèrent, et il s’arc-bouta à cet anneau comme un noyé s’accroche au fétu de bois. Or, à force de s’arc-bouter et dans les mouvements spasmodiques de sa frayeur, Croasse constata tout à coup que la dalle à laquelle était scellé l’anneau se soulevait.


Alors, avec la force de la panique, il acheva de soulever cette dalle; un trou béait; toujours convaincu qu’il avait des légions à ses trousses, affolé par le bruit de l’arquebusade, Croasse s’engouffra dans ce trou; jamais lièvre ne se terra avec autant de précipitation; ses pieds touchèrent les marches d’un escalier de pierre et, sans même songer à replacer la dalle pour protéger sa fuite, il descendit en hurlant ses appels et ses cris de miséricorde.


Une sorte de long boyau s’ouvrait devant lui. Il se précipita. L’obscurité était profonde, absolue. Où aboutissait ce souterrain? Savait-il seulement qu’il se trouvait dans un souterrain?… Croasse courut à perdre haleine et le bruit de ses pas répercutés lui prouva que les ennemis acharnés continuaient à le poursuivre. Soudain son front heurta contre quelque obstacle. Croasse eut la sensation d’avoir reçu sur le crâne un coup de masse d’armes. Il tomba et, s’abandonnant à son triste sort, s’évanouit…


Pendant cette mémorable bataille de Croasse dans la chapelle, Picouic avait continué sa course, et ce ne fut qu’en arrivant au moulin qu’il s’aperçut de la disparition de son compagnon.


– Le lâche a fui! Ah! Croasse, tu nous déshonores!…


Et comme Picouic ne voulait pas être déshonoré, il raconta à Pardaillan que Croasse s’était embusqué au pied du sentier pour tenter une diversion.


– Je fusse bien resté près de lui pour le soutenir, ajouta-t-il, mais il fallait vous prévenir de l’arrivée de l’ennemi.


Pardaillan fut convaincu que Picouic avait eu peur et que Croasse était pétri de bravoure. Le chevalier prit aussitôt ses dispositions et rassembla tout son monde dans la grande salle: c’est-à-dire le meunier, trois garçons meuniers, dix muletiers, ce qui, en comprenant le duc d’Angoulême et Picouic et lui-même, portait à dix-sept le nombre des défenseurs du moulin. Quant aux deux ou trois femmes du moulin, elles s’étaient renfermées dans une salle donnant sur les champs.


M. Peretti suivait de l’œil toutes les évolutions du chevalier. Une dernière hésitation se lisait sur le visage du vieillard. La nouvelle de l’approche de cette bande armée signalée par Picouic l’avait fait pâlir. Mais cette pâleur n’était nullement provoquée par la frayeur.


Pardaillan venait de faire sortir sa troupe. On entendait les pas des hommes de Guise qui montaient le sentier. Bientôt, on distingua leurs ombres confuses.


«Ce jeune homme est-il un traître? réfléchissait M. Peretti. Ce Pardaillan est-il un envoyé de Guise?… Je vais le savoir dans un instant… Ma destinée et celle du royaume de France sont dans les mains de cet inconnu… Si c’est un traître, mes millions sont à Guise… Guise est roi… et moi… prisonnier, peut-être!… Quelle aventure! En quels temps vivons-nous, Seigneur!… Par le sang du Christ, nous verrons bien!… Le vieux gardeur de pourceaux a plus d’un tour dans son sac!…»


Pensif, il alla s’accouder contre les vitraux de la fenêtre, et assombri par ses soupçons, examina dans la nuit les dispositions prises par le chevalier de Pardaillan. Toutes les lumières avaient été éteintes…


– Dans un instant, je saurai! murmura M. Peretti. Voyons… si ce Pardaillan me trahit, si Guise entre ici, que lui dirai-je… Je lui dirai…


Une violente détonation éclata soudain, l’éclair de la décharge illumina la nuit, et dans le sentier, on entendit le hurlement des blessés, la retraite précipitée des survivants…


– Ils en tiennent! dit paisiblement le chevalier. Rechargez vos armes sans hâte… Ils vont en avoir pour une demi-heure à se concerter et à revenir de leur surprise.


M. Peretti entendit ces mots, et son visage s’éclaira d’un rapide sourire, comme la nuit s’était éclairée de la décharge des arquebuses et des pistolets.


– Ce n’est pas un traître, fit M. Peretti. Décidément M. de Guise n’aura pas mon argent. Le Béarnais sera roi!… Que n’est-il ici, au lieu d’être à La Rochelle?…


Il ouvrit vivement la porte et appela le chevalier d’une voix caressante.


– Ne craignez rien, dit Pardaillan en s’approchant.


– Je n’ai pas peur, monsieur. Mais vous venez de dire que sans doute, il n’y aurait pas de nouvelle attaque avant une demi-heure?


– Avant une heure, peut-être! Eh bien?…


– Eh bien, mon cher monsieur, le moment est venu de suivre l’excellent conseil que vous m’avez donné dans la journée… c’est-à-dire de faire filer mes trente mulets. Seulement… je crains… je redoute…


– Oui, vous craignez que M. de Guise, en trouvant le moulin vide, ne lance une bonne compagnie de cavaliers dont les chevaux auront vite fait de rattraper vos mulets…


– C’est cela même, mon noble ami… Vous me permettez, n’est-ce pas, de vous appeler ainsi? Car vous venez de me rendre un service, voyez-vous… c’est que j’étais responsable, moi! Et devant qui? Devant notre Saint-Père lui-même!… Mais Sa Sainteté saura tout ce qu’elle doit au chevalier de Pardaillan!… Mais me voilà bien embarrassé! si on me poursuit… il faudrait… ah! mon digne et vaillant défenseur… il faudrait…


– Il faudrait, dit Pardaillan, que la troupe du duc soit arrêtée devant le moulin jusqu’au jour pour vous permettre de prendre de l’avance…


– Je n’ai jamais vu personne d’aussi intelligent que vous, dit M. Peretti avec l’accent de la plus vive admiration.


– C’est que je suis un vieux routier habitué à toutes les malices, dit Pardaillan avec un sourire. Eh bien, partez donc. Je me charge d’arrêter l’ennemi jusqu’à demain matin.


– Quoi! vous consentez! s’écria M. Peretti, cette fois avec une émotion sincère.


– Je vous ai dit que je voulais jouer un bon tour à M. de Guise.


– Quoi! à vous seul, vous arrêterez cette bande bien armée!… Car je vous préviens que le meunier de céans et ses aides devront m’accompagner…


– Je m’en doute, car tous ces messieurs ressemblent à des meuniers comme je ressemble au pape.


M. Peretti tressaillit.


– Vous lui ressemblez peut-être plus que vous ne pensez… sinon par le visage, car notre Saint-Père est bien vieux, hélas… du moins par la force de caractère. Jeune homme, vous ne voulez pas de récompense, et je vois à votre air qu’il est inutile d’insister. Mais prenez cet anneau… et peut-être qu’en certaines occasions, il pourra vous être plus utile qu’une fortune…


À ces mots, M. Peretti glissa vivement une bague dans la main de Pardaillan, et sans y attacher d’autre importance, le chevalier la passa à un de ses doigts… Dix minutes plus tard, tandis que Picouic, Charles d’Angoulême et Pardaillan continuaient à tirer dans la nuit, au hasard, pour donner à l’ennemi l’impression que le moulin était bien défendu, les trente mulets rechargés de leurs précieux sacs sortaient par-derrière et se mettaient en route. M. Peretti suivait à cheval, escorté par le meunier et ses garçons transformés en gens de guerre. Quant aux servantes elles avaient pris à pied la route de Montmartre.


La caravane ayant atteint rapidement La Ville-l ’Évêque, celui qui paraissait être le chef des muletiers s’approcha chapeau bas de M. Peretti et lui demanda:


– C’est bien la route d’Italie que nous reprenons?


– Non, monsieur le comte, répondit M. Peretti: vous prendrez la route de La Rochelle…


Pardaillan, Charles d’Angoulême et Picouic étaient demeurés seuls dans le logis du meunier; le moulin lui-même se dressait sur l’aile gauche de ce logis, et ils communiquaient par un escalier de bois qui, partant du rez-de-chaussée du logis, aboutissait à l’étage du moulin où se manœuvrait la meule, et où on pouvait mettre en mouvement les grands bras livrés à l’action du vent. De cet étage du moulin, par une simple trappe à laquelle aboutissait une échelle, on descendait à l’étage inférieur où se recueillait la farine. Tout cet ensemble était juché sur un cône de poutres solides et pouvait pivoter de façon qu’on pût profiter du vent, quelle que fût sa direction. Ce cône de poutres était recouvert d’un bâti de planches, en sorte que cela formait un réduit où on pouvait pénétrer au besoin.


Pardaillan parcourut rapidement le logis et le moulin et se rendit compte de ces diverses dispositions.


– Voici notre quartier général, dit-il en désignant le logis, et voici notre ligne de retraite, ajouta-t-il en montrant l’escalier qui conduisait au moulin.


– Nous allons donc nous battre? demanda Picouic.


– Aurais-tu peur? dit Charles.


– Non, monseigneur, mais comme les gens de céans sont partis, je supposais.


– Alerte! cria Pardaillan.


La troupe de Guise, en effet, apparaissait à ce moment sur le petit plateau de la butte. Pardaillan ouvrit la fenêtre et cria:


– Holà messieurs! qui êtes-vous? que désirez-vous?


– Qui êtes-vous vous-même? fit dans la nuit une voix impérieuse.


– Ma foi, monseigneur duc, répondit Pardaillan, en reconnaissant la voix de Guise, je suis le meunier du joli moulin de la butte… Qu’y a-t-il pour votre service?


– Meunier ou non, dit le duc, vous avez tout à l’heure tiré sur mes gens qui montaient le sentier sans autre intention que de patrouiller. Qui que vous soyez, je vous tiens pour responsable de cette violence, si vous êtes le chef des rebelles enfermés ici. En conséquence, je vous préviens que vous serez pendu haut et court, à moins que vous ne sortiez à l’instant. Auquel cas, il vous sera fait grâce de la vie et il vous sera permis d’emmener vos hommes.


– Un instant, monseigneur, me sera-t-il permis d’emporter aussi les trente sacs pleins d’or que vous venez piller?


– Sortez, hurla le duc furieux, livrez-nous la place, ou nous allons vous donner l’assaut.


– Ah! monseigneur, si vous menacez, nous allons être forcés de faire une sortie et de vous exterminer tous…


Guise qui allait jeter un ordre s’arrêta soudain avec un geste de rage.


– Ils sont peut-être cent là-dedans! dit-il à Maineville.


Pardaillan entendit et cria:


– Nous sommes trois, monseigneur!… Trois, et c’est bien assez, savoir: M. le duc d’Angoulême, qui attend avec impatience la rencontre que vous lui avez promise; le sieur Picouic, baladin de son métier, actuellement laquais de M. d’Angoulême, et enfin, votre serviteur chevalier de Pardaillan.


– Il ment! dit une voix. Ils sont nombreux.


– Ma foi, venez-y voir, cria Pardaillan. Voyons, décidez-vous, venez… ou bien retirez-vous, car voici que nous allons mettre le moulin en branle et vous gênez le vent. Retirez-vous, ou par la mort-dieu, nous allons tirer.


Il y eut une vive débandade dans la troupe, chacun étant convaincu que le logis était défendu par une centaine d’arquebusiers. La présence du chevalier était une preuve de plus qu’une véritable armée était cachée là. Pardaillan éclata de rire et lança:


– Au revoir, monseigneur!


Et il referma tranquillement la fenêtre.


– Oui, au revoir! gronda Guise pâle de fureur.


Et il donna aussitôt ses ordres. Avec les forces dont il disposait, il forma un large cercle de surveillance autour de la butte, chaque homme avait pour mission de surveiller, et non de se battre, il devait surtout prévenir au cas où on tenterait de faire sortir du moulin tout bagage qui ressemblerait à des sacs de blé. Puis il expédia un sergent à Paris.


Deux heures plus tard, ce sergent revenait, annonçant que les ordres du duc allaient s’exécuter, c’est-à-dire qu’une troupe de mille arquebusiers allait arriver.


Pendant ces deux heures, Pardaillan et ses deux compagnons s’étaient fortement barricadés. Cependant Maineville soupçonnait que le chevalier pouvait bien avoir dit la vérité; il soupçonna surtout que les assiégés, quels qu’ils fussent, allaient cacher l’argent dans quelque réduit où il serait difficile ensuite de le trouver. Il résolut donc de pousser une pointe avec Bussi-Leclerc. Quant à Maurevert, il demeura près du duc de Guise, frémissant de joie; il tenait enfin l’ennemi tant redouté et disait au duc:


– Monseigneur, vous m’avez promis deux cent mille livres sur le butin que vous allez faire?


– C’est promis, Maurevert, tu les auras, foi de Guise!


– Eh bien, monseigneur, je veux vous proposer un échange: gardez les deux cent mille livres et donnez-moi l’homme qui vient de vous parler avec tant d’insolence.


– Je te comprends, Maurevert, dit Guise d’une voix assombrie, tu hais cet homme. Mais moi aussi, je le hais. Et nous avons un vieux compte à régler. Cela date de l’hôtel Coligny…


– Moi, c’est plus vieux encore, monseigneur.


– Bon! Eh bien, tu garderas tes deux cent mille livres, et moi je garde l’homme. Seulement, si tu veux te contenter de cent mille livres, ce qui est encore un joli denier, tu auras permission d’assister à l’entretien que j’aurai avec le Pardaillan dès que nous l’aurons pris dans son terrier.


– Peste, monseigneur! Vous voulez me faire payer cent mille livres le droit d’assister à ce spectacle!… Ce sera donc bien beau!


– Je te le jure! gronda Guise.


– C’est égal, c’est un peu cher, dit Maurevert avec une joie furieuse.


– C’est cher mais sache que ledit entretien aura lieu dans la chambre des questions du grand Châtelet…


– Ah! ah!… Eh bien, cela vaut en effet cent mille livres! J’accepte, monseigneur!


– Je te donnerai le cadavre par-dessus le marché, dit Guise avec un grincement qui voulait être un éclat de rire.


– Alors, monseigneur, dit Maurevert livide de joie, je paye deux cent mille livres!…

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