XVII LA VISION DE JACQUES CLÉMENT (suite)

Le couvent des Jacobins était situé rue Saint-Jacques et s’adossait presque aux murs d’enceinte; à ses pieds se creusaient les fossés Saint-Michel qui ont laissé leur nom au boulevard actuel; non loin du couvent s’ouvrait la porte Notre-Dame-des-Champs, au-delà de laquelle s’étendaient des jardins bien cultivés parmi lesquels commençaient à s’élever quelques maisons de plaisance. L’endroit était paisible et presque triste. On n’y voyait, comme rares passants, que des moines glissant silencieusement sur l’herbe poussée à l’ombre des maisons.


Le prieur des Jacobins s’appelait Bourgoing. C’était un homme grand et de forte corpulence, au visage réjoui, fort enclin à se mêler de politique, mais au demeurant, pas méchant. Il aimait ses aises. Il avait assez d’énergie pour soutenir avec âpreté les intérêts de son monastère qui se confondaient avec ses propres intérêts. C’était d’ailleurs un fanatique partisan de Guise et de la Ligue; il tenait Henri de Valois en profonde horreur, il avait fortement contribué à fonder la vaste congrégation du Chapelet, et c’est lui qui avait mis à la mode ce dicton populaire:


Qui n’a pas de chapelet au cou

Mérite d’y avoir un licou.


C’était par moments un homme de plaisanterie. Quelques mois avant la journée des Barricades, alors que Paris commençait à s’échauffer fort contre le favori d’Henri III – le duc d’Épernon, grand mangeur et gaspilleur d’argent s’il en fût -, le prieur Bourgoing s’était un jour rencontré avec ledit duc d’Épernon et, à mots couverts, lui avait reproché ses dépenses extravagantes. À quoi d’Épernon avait répondu qu’il avait le droit de dépenser beaucoup d’argent, ayant dépensé beaucoup de sang pour exterminer les hérétiques, ce qui était un impudent mensonge.


Bourgoing ne répondit rien, mais, peu de jours après, répandit dans Paris une forte brochure sur la première page de laquelle s’étalait en gros caractères:


«Grands faits d’armes de M. le duc d’Épernon contre les hérétiques.»


Ceux qui achetaient la brochure l’ouvraient et trouvaient toutes les pages intérieures blanches. Sur chaque page, il n’y avait qu’un mot. Et ce mot, c’était:


– Rien.


Le prieur rit beaucoup de son innocente facétie, et d’Épernon faillit en avoir la jaunisse.


Le soir où nous pénétrons dans le couvent des Jacobins, le prieur, commodément installé sur les coussins d’un vaste fauteuil, les mains croisées sur son respectable ventre, les yeux mi-clos, écoutait un de ses moines qui semblait sa vivante antithèse. Maigre, de figure ascétique, un visage pâle illuminé par deux grands yeux brûlés de fièvre, la bouche sévère, tel était ce moine qui venait d’achever un récit où il avait dû confesser quelque grave péché, car il baissait la tête, tandis que le prieur souriait.


– Hum! fit enfin messire Bourgoing, évidemment, mon fils, vous avez eu tort d’entrer dans cette caverne où vous risquiez de rencontrer Satan, toujours prêt à emporter une âme. Et vous dites, mon fils, que ces femmes se sont à demi déshabillées?… Et que leurs attitudes impudiques ont déchaîné en vous tous les démons de la luxure?


– Hélas! mon révérend, il n’est que trop vrai! dit le moine d’un ton de profond désespoir.


– Souviens-toi… que la chair est faible. Mais enfin, frère Clément, vous avez résisté?


– Oui, mon révérend.


– Et triomphé?… En somme, vous êtes sorti victorieux de cette épreuve? ajouta le prieur avec une curiosité peut-être un peu échauffée.


– C’est bien là ce qui me console quelque peu, mon révérend. J’ai pu fuir…


– Tel le pur et candide Joseph laissant son manteau entre les mains de l’indigne et perverse Putiphar. Savez-vous que c’est fort beau, frère Clément?… hum! je veux dire qu’au bout du compte, vous n’avez péché que par imprudence.


– Votre Révérence est mille fois trop bonne, dit Jacques Clément en s’inclinant avec respect.


– Vous vous abstiendrez donc pendant quatre jours de toute nourriture, hormis le pain et l’eau: vous direz trois fois dans la nuit, à des heures convenablement espacées, le psaume de la pénitence, et pour le surplus je réfléchirai, mais je pense que ce pieux exercice pourra suffire à mettre en fuite les tentations périlleuses. Allez en paix…


Le moine s’inclina et sortit, les bras croisés sur la poitrine, le capuchon rabattu sur les yeux. Par les longs couloirs déserts, il regagna sa cellule. À peine fut-il sorti de chez le prieur que celui-ci se leva, alla ouvrir une porte, et alors une femme enveloppée entièrement d’un manteau sombre entra… C’était la duchesse de Montpensier.


– Vous avez entendu? demanda Bourgoing.


– Oui, fit la duchesse avec un soupir; ce pauvre jeune homme a bien peur du péché… Et pourtant, ajouta-t-elle avec un sourire, le péché ne se présente pas à lui sous une forme si effrayante…


– Ah! madame, dit le prieur avec un autre soupir, que ne m’est-il donné d’avoir à éprouver ma résistance!… Mais, ajouta-t-il en reprenant soudain le ton qui convenait à son caractère et à la dignité dont il était revêtu, à quelles extrémités faut-il que nous en arrivions pour le salut de notre sainte Église!…


Cependant, Jacques Clément était arrivé à sa cellule dont, selon la règle, il laissa la porte ouverte. Il se mit à genoux sur le carreau et, levant les yeux vers un crucifix qui était l’unique ornement de la muraille, il commença ses oraisons. Mais bientôt, il baissa la tête avec une sorte de désespoir farouche et ferma les yeux.


– Le péché est en moi! murmura-t-il. Ce n’est pas la divine figure que je vois, c’est son image, à elle!… Seigneur, Seigneur, ayez pitié de votre humble serviteur…


Il se courba lentement jusqu’à ce que son front allât toucher le carreau. Et il demeura dans cette position, immobile, silencieux… Seulement, un râle continu s’échappait de sa gorge. Et ce râle était un sanglot…


Le moine demeura ainsi, en une longue méditation, jusqu’au moment où la cloche sonna pour l’office nocturne. Alors il se releva, sortit de sa cellule, et descendit vers la chapelle. Le long des couloirs, d’autres moines marchaient silencieusement.


La chapelle, faiblement éclairée par de rares flambeaux, se remplit peu à peu, les moines prenant chacun leur place suivant leur grade dans la hiérarchie.


Oremus! cria de nouveau le prieur. Mes frères, prions pour que le projet d’une puissante princesse favorable à notre Église soit couronné d’une pleine réussite.


Le même murmure se fit entendre à nouveau, suivi bientôt du même silence.


Oremus! cria pour la troisième fois le prieur. Mes frères, prions pour le salut de l’un de nos frères qui a eu à soutenir un rude assaut du Malin, et qui va faire sa confession.


Jacques Clément quitta sa stalle, s’avança jusqu’au milieu du chœur, se prosterna et dit:


– Mes frères, je m’accuse d’avoir pénétré dans un lieu de perdition, et d’avoir rassasié mes yeux de la vue d’objets impurs.


Un frémissement imperceptible agita les frocs. Il se fit un grand silence. Du fond des capuchons, les yeux luisants se braquèrent sur frère Clément. Jacques Clément tremblait. Une âpre et douloureuse volupté l’étreignait à la gorge. Mais l’impitoyable prieur avait commandé: il fallait obéir.


– Mes frères, dit-il, ces objets impurs, c’étaient d’abord des tableaux licencieux dont vous ne pouvez avoir aucune idée et dont la vue provoqua en votre malheureux frère un trouble profond…


Oremus! oremus ! tonitrua Bourgoing d’une voix que plus d’un moine jugea étrange.


– Mes frères, ce fut encore une table magnifiquement servie, où on me força de m’asseoir. Je dus manger de ces mets exquis, tels que poulardes rissolées dans leur jus, confitures fondantes sous le palais, et je m’accuse surtout du plaisir que je pris à un pâté de venaison dont chaque bouchée me mettait du feu à la langue…


Oremus! oremus! bégaya Bourgoing d’une voix pâteuse et pleine de salive.


Les moines qui venaient de dévorer leur portion de haricots cuits à l’eau et au sel reprirent leur oraison en se passant la langue sur les lèvres et se regardant l’un l’autre en hochant la tête.


– Quant aux vins, reprit Jacques Clément avec un sincère désespoir, il est certain qu’ils sortaient de quelque raisin démoniaque, tant ils paraissaient doux et parfumés, et tant ils répandaient une douce chaleur par tout le corps, en sorte que, et ceci est peut-être un semblant d’excuse, mes frères, en sorte, que dès le deuxième verre, j’étais vino perturbatus.


D’un mouvement machinal, le prieur Bourgoing claqua la langue. Mais se reprenant aussitôt:


Oremus! oremus! cria-t-il d’une voix étranglée par un accès de toux.


Et l’oraison des malheureux moines qui venaient, sur leur plat de haricots, de boire un verre de mauvaise piquette prit cette fois une allure désordonnée, comme si vraiment les vins de la confession leur eussent monté à la tête. Quant à Jacques Clément, il frappait sa poitrine à grands coups.


– Mes frères, dit-il, c’est le plus terrible qu’il me reste à confesser.


Les moines frissonnèrent, et plus d’un maudit de bon cœur la confession publique qui déchaînait en eux toutes les tentations défendues. Mais Bourgoing avait peut-être son idée…


– Ce que je vis enfin, reprit Jacques Clément, ce que je vis dans ce lieu de perdition, ce furent des femmes, mes frères… non des femmes telles que nous les voyons dans nos églises ou par les rues, décemment vêtues, mais des êtres sataniques, d’une beauté inconcevable, bien qu’elles fussent masquées, et si peu vêtues, mes frères, que ce n’est pas la peine de parler de leurs vêtements…


Ce fut un silence glacial qui s’établit parmi les moines… un silence d’où montaient des souffles rauques.


– Une surtout, continua le pénitent, une d’entre ces femmes détestables, m’enlaça de ses caresses… et là, mes frères, ah! si je ne commis pas l’horrible péché, si je ne roulai pas dans les abîmes de honte, c’est que profitant d’une dernière lueur de chasteté, je rassemblai tout mon courage et pus m’enfuir…


Oremus! oremus! oremus! balbutia le prieur en jetant des yeux hagards sur les figures congestionnées de ses moines dont plusieurs finirent par rabattre entièrement leurs capuchons sur leurs visages.


Cependant le prieur Bourgoing, ayant affermi sa voix, donnait maintenant ses ordres pour sauver l’âme en danger de perdition et chasser les démons acharnés sur le pauvre frère.


– Que chacun de vous, dit-il, récite par trois fois dans le courant de cette nuit sept Pater et sept Ave, et une fois le psaume de la pénitence. Pour ce surcroît de besogne, mes frères, vous serez dispensés des offices nocturnes; que chacun demeure donc enfermé dans sa cellule. Quant à frère Clément, nous lui avons déjà indiqué en partie les actes de contrition qu’il aura à remplir. Nous lui compléterons demain sa pénitence, et en attendant, nous l’autorisons par grâce spéciale à demeurer seul au chœur de la chapelle jusqu’à ce que minuit sonne afin que seul avec lui-même, il puisse repasser les détails de sa faute et implorer son pardon.


Amen! dirent les moines d’une seule voix.


Alors ils sortirent en rang, les mains croisées, la tête penchée. Puis le prieur sortit à son tour. Puis le sacristain éteignit les deux ou trois flambeaux qui brûlaient dans la chapelle. Dès lors, elle ne fut plus éclairée que par la veilleuse suspendue au plafond par une longue chaîne.


Jacques Clément, prosterné, essaya de prier comme il avait essayé dans sa cellule. Dans ce visage pâli par le jeûne qu’il s’imposait depuis qu’il avait pénétré dans la maison Fausta, les yeux brûlés de fièvre paraissaient seuls. Parfois un frisson le secouait.


Devant lui, ce n’était pas le tabernacle qu’il voyait et l’image de Dieu qu’il appelait avec la profonde ardeur d’une foi absolue, c’était l’image d’une femme qu’en vain il essayait d’écarter. Elle était jolie plutôt que belle, avec des lèvres rieuses et des yeux moqueurs, et une attitude décidée qui la faisait plus jolie encore… Et c’était l’image de Marie de Lorraine, duchesse de Montpensier.


– Seigneur, murmurait le jeune homme, ainsi, malgré la pénitence, malgré la confession publique devant mes frères assemblés, malgré le jeûne et la prière, l’amour me dévore, l’amour me transporte… Seigneur, ayez pitié de moi!…


Il frappa les dalles de son front… Mais toujours la souriante image se balançait mollement devant lui et tendait ses bras, et il sentait sur ses lèvres la brûlure des baisers que jamais il ne pourrait oublier.


Peu à peu, dans ce cerveau vidé par le jeûne, exaspéré par l’amour, commencèrent à se produire les phénomènes d’hallucination. Les ténèbres, par moments, s’emplirent de lueurs. Au fond de la chapelle, il y eut des bruits qui le faisaient violemment tressaillir…


Tout à coup, Jacques Clément, qui jusque-là avait ardemment prié, fixa son attention sur ce fait: il était seul, dans la nuit, au fond de la chapelle… Et minuit allait sonner! Dès lors une sourde terreur commença à monter en lui.


Jacques Clément était dans cette misérable situation d’esprit, où la pensée s’envole en lambeaux, où l’énergie se dissout, où les forces vives de l’homme se disloquent et s’effondrent.


Un bruit sec, lointain, venu de quelque part, il ne savait d’où, le fit sursauter. Ce bruit, c’était celui de l’horloge, précédant l’heure qui va sonner… Et dans le grand silence terrible qui enveloppait le moine, l’heure sonna avec une désespérante lenteur. Une sueur glaciale inonda son visage. Il compta les coups en frémissant, la gorge serrée par une inexprimable angoisse.


– Neuf!… Dix!… Onze!… Douze!…


Ses cheveux se hérissèrent sur sa tête… il fit un effort pour se lever et retomba à genoux, pétrifié, convulsé par une horreur sans nom… Car à ce douzième coup… à ce coup fatal du terrible minuit… la chapelle là-bas, au fond du chœur, à l’endroit même où se trouvait la porte des tombeaux souterrains, s’était éclairée d’une lueur étrange. D’une lueur que Jacques Clément comprit aussitôt ne pas être dans son imagination… une lueur réelle… extérieure à lui… Cela formait comme un nimbe très doux…


Un cri expira à ce moment dans sa gorge… La porte s’ouvrait!… Le prodige s’accomplissait… une apparition se montrait…


Mais au lieu du spectre qu’il attendait, ce que vit Jacques Clément, ce fut une éblouissante et radieuse figure… une femme jeune, adorablement belle, avec de grands cheveux blonds répandus sur ses épaules… et elle était vêtue de blanc… et elle tenait à la main une dague dont les reflets d’acier luisaient…


Jacques Clément, extasié, joignit les mains… Cette figure représentait celle de Marie de Montpensier!… celle qu’il adorait!…


Cependant l’apparition ne faisait aucun mouvement, ne s’avançait pas et regardait le moine en lui souriant d’un sourire infiniment doux, ou du moins qui semblait tel à Jacques Clément. Quelques secondes s’écoulèrent, pendant lesquelles cette horreur qui le paralysait se dissipa en partie.


– Qui es-tu? dit-il alors d’une voix haletante, à peine compréhensible. Es-tu l’image de celle que j’aime!… Es-tu d’essence divine, ou bien est-ce l’enfer qui me soumet à une nouvelle épreuve?…


L’apparition parla. D’une voix douce, bien timbrée, ou chaque mot sonnait clair, elle dit:


– Rassure-toi, Jacques Clément… Je ne suis pas un être d’enfer… et la preuve, la voici!…


À ces mots, l’apparition trempa sa main tout entière dans une vasque contenant de l’eau bénite.


– Qui es-tu alors?… interrogea ardemment le moine…


– Je ne suis pas non plus d’essence divine… Je suis un de ces êtres aériens qui servent de messager au ciel et font que le Seigneur peut communiquer ses ordres aux hommes qu’il a choisis pour exécuter ses volontés… je suis ce que, sur terre, vous appelez un ange…


– Mais pourquoi, balbutia le moine transporté, pourquoi as-tu pris ce visage?…


– Parce que c’est celui de l’être que tu aimes. Le Très-Haut a entendu tes prières. Il a pitié de toi… Et si j’ai pris la figure que tu me vois, c’est qu’il t’est permis d’aimer cette femme…


Jacques Clément poussa un cri rauque. Tout ce que la joie humaine peut exprimer de délices, d’étonnement, d’émerveillement, s’exhala dans ce cri:


– Il m’est permis de l’aimer! bégaya-t-il.


– Oui… à condition que tu exécutes les ordres que je viens te communiquer…


Jacques Clément tendit ses bras raidis vers l’apparition. Ses yeux s’exorbitèrent. Sa tête pencha en arrière et son corps se plia légèrement en arc. Toute terreur avait disparu de son esprit…


– Parle! dit-il d’une voix d’extase, parle encore, ô toi dont la vue m’enivre et dont la voix me charme…


L’ange eut un imperceptible sourire de malice et dit:


– Je suis le messager du Dieu tout-puissant et te viens avertir des ordres divins. Jacques, Jacques! écoute… Là-haut, la couronne du martyre se prépare pour toi… Et ici-bas, c’est la couronne d’amour qui t’est promise!…


– Que dois-je donc faire? s’écria le jeune moine transporté, transfiguré.


– Tu dois accomplir l’acte suprême, qui délivrera le peuple de France… le peuple de Dieu: tu as été choisi pour frapper Valois… Par toi le tyran doit être mis à mort…


À ces mots, et avant que Jacques Clément eût pu faire un geste, la forme blanche de l’apparition s’enfonça dans les ténèbres.


Le moine tomba la face contre les dalles. L’épouvante le reprit comme avant la vision. Il voulut fuir, et demeura cloué aux dalles, grelottant de tous ses membres, les cheveux hérissés, le front baigné d’une sueur glacée…


Une heure se passa avant qu’il pût reprendre ses esprits. À peu près calmé, il parvint à se relever péniblement… Alors, il se demanda s’il n’avait pas rêvé. Le silence profond de la chapelle, les choses habituelles à leur place, la porte des tombeaux bien fermée, tout lui prouvait qu’il avait été la proie d’une hallucination. Il en éprouva comme un regret…


– Le rêve eût été trop beau, murmura-t-il… le droit de l’aimer!…


Et comme il se mettait en marche, son pied heurta un objet qui rendit un son clair. Il se baissa, le ramassa, et un grondement de joie furieuse, de terreur aussi, expira sur ses lèvres bleues… Cet objet… c’était la dague que l’ange tenait à la main pendant l’apparition!… L’ange lui avait laissé une preuve matérielle de sa descente sur la terre!…


– Oh! rugit le moine en serrant la dague dans sa main convulsée, je n’ai pas rêvé! J’ai vu! J’ai entendu!… J’ai le droit de l’aimer!… Car voici l’arme avec laquelle je dois tuer le tyran!…


Égaré, titubant, se heurtant aux bancs, il sortit à tâtons de la chapelle, regagna en courant sa cellule, et tomba haletant sur sa couchette où il s’évanouit, la dague dans sa main crispée.

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