7.

Les « Morts pour la France » en ces premiers mois de l'année 1944 sont innombrables.


Chaque jour, des hommes et des femmes de tout âge, des enfants tombent sous les balles, ou périssent dans les flammes d'un bâtiment - ferme, hangar, église - où les tueurs - Allemands ou miliciens - les ont enfermés.

Il y a ceux dont l'occupant et ses assassins à sa solde affichent les visages et les noms.

On veut, on espère que ces corps identifiés vont hanter les Français.

Parfois, c'est toute la population d'un village qu'on massacre. Ou bien une centaine d'otages.

Les proches découvrent les corps pendus aux arbres, aux balcons, ou bien entassés dans des fossés, à la sortie de l'agglomération, ou abattus dans la cour d'une caserne, d'une école ou d'une prison.


Le 1er avril 1944, un train militaire allemand venant de Russie est détruit par les partisans, près de Lille.

Les SS investissent la ville d'Asq.

Ils hurlent, ils brisent, ils choisissent 86 habitants âgés de 15 à 76 ans et les fusillent, laissant les corps martyrs amoncelés.


Ils devraient, ces cadavres, effrayer, terroriser, contraindre à la soumission, à la passivité.

Au contraire, les maquisards, les partisans, les saboteurs, sont de plus en plus nombreux, de plus en plus audacieux.

Les prisonniers se révoltent dans les prisons où l'ennemi les entasse en attendant de les fusiller ou de les déporter. Une escadrille de Mosquitos de la RAF bombarde, au ras des toits, en exécution d'un plan minutieux, la prison d'Amiens dont les détenus s'évadent : c'est le 15 février 1944, la réussite de l'opération Jéricho.

C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères, dit le troisième couplet du Chant des partisans.


Quatre jours plus tard, 19 février 1944, les résistants enfermés dans la prison d'Eysses - à Villeneuve-sur-Lot - se rebellent.

Ils se heurtent aux miliciens de Darnand et aux gardes mobiles.

Ils ne peuvent s'évader. Ils négocient leur reddition dont les termes sont acceptés par les miliciens qui, une fois les détenus désarmés, les condamnent à mort, fusillant le chef militaire de la révolte attaché sur son brancard, grièvement blessé. Les gardes mobiles ont constitué le peloton d'exécution.


Dans cette guerre, il n'y a plus qu'une seule règle : on tue. Les miliciens se présentent dans les prisons - ainsi à Toulouse, - choisissent les détenus, constituent une cour martiale, jugent et tuent.


Et des milliers d'autres martyrs meurent pour la France, dans les camps de concentration d'Allemagne - Dachau, Mauthausen, Buchenwald et tant d'autres, dont en Alsace celui du Struthof. Ils disparaissent dans ces abîmes où l'on survit par miracle, dans cette Nacht et ce Nebel - cette Nuit et ce Brouillard.

D'autres sont décapités à la hache, dans les prisons de Berlin ou de Cologne.

Et d'autres, comme le poète Max Jacob, meurent d'épuisement, de faim et des milliers tombent sous les coups de gourdin des kapos et des SS.


Et il y a ceux qui disparaissent à Auschwitz.



Le 6 avril 1944, la Gestapo de Lyon, que commande Klaus Barbie, arrête à Izieu 44 enfants et 7 adultes juifs. Ils sont internés à Drancy avant d'être exterminés à Auschwitz.

En ce début d'année 1944, alors qu'on est persuadé que le Débarquement aura lieu dans quelques mois, chacun comprend qu'il faut s'unir, se battre, que là est le devoir, là est le salut.

Les différentes organisations de la Résistance armée se regroupent en des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI). À leur tête, à Londres, le général Koenig, le héros de la bataille de Bir-Hakeim.

Nombreux sont les Juifs qui se battent dans la Résistance au sein de la Main-d'Œuvre Immigrée (MOI). D'autres créent l'Organisation Juive de Combat (OJC). Et les différentes institutions juives se regroupent en un Conseil Représentatif des Israélites de France (CRIF).

La France ainsi se rassemble.

1944 n'est pas l'année de la guerre civile entre deux fractions du peuple français, mais la lutte de la France contre la poignée de ceux qui servent l'ennemi.


À Alger, le Comité Français de Libération Nationale (CFLN) s'élargit à tous les courants politiques du pays, des modérés aux communistes.

De Gaulle déclare le 4 avril 1944 :

« Tous sont groupés autour de moi pour faire une seule et même politique, dont les articles sont : la guerre aux côtés de tous nos alliés, l'indépendance souveraine, l'indépendance complète du pays, la libération totale et la grandeur de la France...


« Achevons de nous unir dans cette sainte et juste guerre ! Alors notre victoire française nous paiera de ce que nous aurons souffert. »

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