16.
L'heure de vérité.
Ils sont 176 000 soldats en ces premiers jours du mois de juin 1944 à l'attendre.
Trois divisions aéroportées - deux américaines, les 82e et 101e Airborne, une britannique, la 6e Airborne - sauteront dans la nuit qui précédera le Débarquement.
Mais quelle nuit ?
Celle du dimanche 4 au lundi 5 juin ?
Les hommes déjà embarqués sur les barges - certains vomissent leurs entrailles car la houle est forte - l'ont cru.
Puis sont arrivées les prévisions météorologiques et Eisenhower a décidé de retarder d'un jour l'heure H, nuit du lundi 5 au mardi 6 juin.
Les météorologistes ont, avec prudence, annoncé qu'il y aurait une accalmie au sein d'une dépression profonde, avec avis de tempête.
Eisenhower a misé sur ces heures-là.
Et les soldats des six divisions alliées - trois américaines, deux anglaises et une canadienne - savent que le compte à rebours a commencé : que l'heure de vérité sonnera pour beaucoup d'entre eux comme un glas, dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 pour les troupes aéroportées, et dans la journée du mardi 6 juin pour les fantassins.
Les généraux américains des troupes aéroportées vont sauter avec leurs hommes.
« Avant qu'une nouvelle aube se lève, dit l'un d'eux, je veux plonger ce couteau - il retire un long couteau de sa botte - dans le cœur du nazi le plus vicelard, le plus salopard et le plus dégueulasse de toute l'Europe. »
Un autre conseille de se battre la nuit au couteau, car ce n'est qu'au corps à corps que l'on reconnaît, dans l'obscurité, l'ennemi.
« Il nous prévient aussi que si nous faisons des prisonniers, ceux-ci nous entraveraient dans notre action. Nous devrions donc nous en débarrasser de la façon que nous jugerions la meilleure. »
« N'oubliez pas que vous y allez pour tuer ou que c'est vous qui serez tués », rappelle un autre général.
Un officier ajoute :
« Regardez le type qui est sur votre droite et regardez celui qui est sur votre gauche. Sur vous trois, il n'en restera qu'un après la première semaine en Normandie. »
Il n'est prévu l'intervention de la 2e Division française Blindée (2e DB) de Leclerc qu'après le 1er août.
Les escadrilles des Forces Aériennes Françaises Libres et 12 navires français (sur 7 000 de l'armada alliée) participeront au Débarquement, ce Jour J, ce D-Day.
Trente-deux parachutistes français appartenant au 4e SAS - Special Air Service - seront largués en Bretagne, premiers parachutistes à toucher la terre de France. Et ils soulèveront la Bretagne !
Le 6 juin, 177 hommes du 1er bataillon de fusiliers marins, commandos du commandant Philippe Kieffer, doivent s'emparer le matin du mardi 6 juin du bunker de Ouistreham.
La participation des Français Libres au D-Day est donc symbolique.
Roosevelt et Churchill ne veulent pas ajouter à la gloire et à la représentativité du général de Gaulle, qu'ils estiment trop sourcilleux, trop soucieux de l'indépendance française.
Ainsi, pour les relations entre de Gaulle et les Alliés, ces six premiers jours du mois de juin sont aussi des jours de vérité.
Car peu importe pour les Alliés que, le 3 juin, le Comité Français de Libération Nationale se proclame Gouvernement Provisoire de la République française.
Roosevelt et Churchill craignent que de Gaulle refuse d'admettre que la France Libérée soit soumise à l'Administration Militaire Alliée des Territoires Occupés (AMGOT).
Alors, le général de Gaulle a été tenu écarté pendant neuf mois des préparatifs d'Overlord !
Mais parce que la Résistance - dont on a besoin - l'appuie, on reprend contact avec lui, à Alger.
De Gaulle est soupçonneux, sévère.
Londres, il y a quelques semaines, a coupé toutes les communications avec Alger, isolant la France Libre.
Les États-Unis sont tout aussi hostiles à de Gaulle.
« Le gouvernement américain a délibérément cherché à me rabaisser, dit de Gaulle à Edwin Wilson, l'ambassadeur des États-Unis à Alger. »
Wilson conteste.
« Il voulait me mettre à une place subordonnée pour hisser sur le pavois d'autres Français avec qui il préférait traiter. »
Darlan, Giraud, et avant eux Pétain. Quant aux Anglais... Il a une moue de dédain.
« L'Angleterre est gouvernée par des hommes tortueux, confie-t-il à un chef de la Résistance qui arrive à Alger. Pas très intelligents, ils méprisent et craignent l'intelligence. Les Anglais ne peuvent pas vouloir que la France devienne un grand pays... Et puis, le gaullisme représente quelque chose qu'ils ne connaissent pas : il était si facile de gouverner la France de la IIIe République en achetant les généraux et les hommes politiques. »
Du perron de la villa des Glycines, de Gaulle regarde Alger encore blanche sous le soleil rasant.
Dans quelques jours ou quelques mois, il quittera cette ville.
Le Débarquement en France est proche. La 2e Division Blindée que commande le général Leclerc vient de quitter le camp de Temara, près de Rabat, pour la Grande-Bretagne où elle sera équipée.
Il est d'autres signes, plus révélateurs encore : le nombre de messages émis à destination de la France par Londres a augmenté considérablement. Le commandant allié s'adresse à la Résistance, par-dessus la tête du Gouvernement Provisoire. Soit.
« Nous ne demandons rien, martèle de Gaulle. Il y a nous ou bien le chaos. Si les Alliés de l'Ouest provoquent le chaos en France, ils en auront la responsabilité et seront les perdants. »
Il faut utiliser cette situation. De Gaulle répète ce qu'il vient d'écrire à Sa Sainteté Pie XII :
« Des circonstances, peut-être providentielles, ont groupé derrière nous en une seule volonté de vaincre et de refaire la France... tous ceux qui défendent contre l'envahisseur l'unité et la souveraineté nationales. »
Voilà notre force. Les Alliés paraissent disposer de toutes les cartes ? De Gaulle secoue la tête. Il pense à juin 1940, à sa solitude. Maintenant, il existe une armée française qui se bat en Italie, des divisions qui un jour débarqueront, une marine, un Gouvernement Provisoire administrant un Empire.
Et surtout, l'adhésion de ces dizaines de milliers d'hommes qui se battent en France.
« Si nous tenons, dit-il, les Anglo-Américains finiront par s'incliner. Du reste, il en a toujours été ainsi : ils nous ont toujours tout refusé et ont toujours accepté le fait accompli. »
De Gaulle va et vient dans le jardin de la villa. Il a besoin de se retrouver seul.
Il a accepté, ce matin du 2 juin, de recevoir Duff Cooper, l'ambassadeur de Grande-Bretagne en France. À la condition que les communications soient rétablies entre Londres et Alger. L'ambassadeur a accepté. Il a été conciliant, insistant. Il a transmis un message du Premier ministre. De Gaulle le relit :
« Venez maintenant, je vous prie, ici avec vos collègues aussitôt que possible et dans le plus grand secret, écrit Churchill. Je vous donne personnellement l'assurance que c'est dans l'intérêt de la France. Je vous envoie mon propre York ainsi qu'un autre York pour vous. »
L'avion personnel du Premier ministre, a insisté Duff Cooper. « Vous serez l'hôte du gouvernement de Sa Majesté », a-t-il précisé.
Bien sûr, cela signifie que le Débarquement est pour dans quelques jours, peut-être quelques heures. Mais il ne faut pas céder à ce qui peut être aussi une manœuvre, car aucune négociation n'a abouti à propos de l'administration des territoires libérés.
Il faut convoquer le Gouvernement Provisoire. L'atmosphère est tendue. Les commissaires divisés.
« Ce n'est qu'une machination pour m'amener à prononcer un discours qui fera croire aux Français que je suis d'accord avec les Anglais et les Américains alors qu'en fait je ne le suis pas », dit de Gaulle.
Longs débats. Peut-on être absent alors que le Débarquement a lieu ? On vote. Seuls quatre commissaires sont opposés au voyage.
« Je n'ai pas l'honneur d'avoir la majorité », dit de Gaulle.
Il partira donc pour Londres.
Il n'a pas encore donné sa réponse à Duff Cooper. Jusqu'au bout, il faut soupeser, faire sentir aussi que l'on ne cède pas.
À 10 heures, il reçoit l'ambassadeur britannique.
À 11 heures, il serre la main de chacun des membres du gouvernement.
Il se sent ému, grave. Il approche du moment où l'espoir qu'il avait eu en juin 1940 va enfin devenir réalité.
Mais il faut déjà voir au-delà.
« Il faut regarder loin dans l'avenir, celui des relations franco-britanniques, dit-il aux ministres. Il ne faut pas qu'on puisse dire que la France était absente du quartier général dans l'assaut de l'Europe. »
Il ne veut pas qu'un ministre l'accompagne afin de pouvoir refuser à Churchill toute négociation.
Il partira avec quelques proches : Palewski, le général Béthouart, Billotte, ainsi que Geoffroy de Courcel et Teyssot, Hervé Alphand et Soustelle.
En arrivant sur l'aéroport d'Alger-Maison-Blanche, il devine le soulagement de Duff Cooper qui se tient près de l'échelle du York de Churchill.
Puis c'est l'envol, une escale à Casablanca, et l'entrée dans cette grisaille qui couvre la Manche et les îles britanniques.
Il pleut, ce 4 juin au matin, quand de Gaulle regarde par le hublot cette fanfare qui se tient au pied du hangar devant lequel s'immobilise le York. Elle joue La Marseillaise.
Il se souvient de son arrivée ici, le 17 juin 1940. Et dans la voiture qui le conduit vers l'hôtel Claridge, à chaque regard, un souvenir revient. Si longues, ces années de solitude et de combat !
Il lit les messages qu'on lui remet. Le premier est du général Juin. Les troupes françaises sont entrées à Rome !
Il a une bouffée de joie et d'orgueil. Il dicte, tout en allant et venant, les mots qui surgissent d'un seul élan :
« L'armée française a sa large part dans la grande victoire de Rome. Il le fallait ! Vous l'avez fait ! Général Juin, vous-même et les troupes sous vos ordres sont dignes de la patrie. »
Il se sent renforcé. Dans un message, Eisenhower parle de la « courageuse action du corps expéditionnaire français », de la « tenue superbe des troupes ».
Tout cela est de bon augure, mais de Gaulle contient aussitôt son optimisme. On essaie peut-être aussi, avec cet accueil en fanfare, de le préparer à accepter ce qu'il a déjà refusé : AMGOT et monnaie étrangère.
Il lit le dernier message. Il est écrit par Winston Churchill. Dieu qu'il est aimable !
« Mon cher général de Gaulle,
« Bienvenue sur ces rivages ! De très grands événements militaires vont avoir lieu. Je serais heureux que vous puissiez venir me voir ici, dans mon train qui est près du quartier général du général Eisenhower, et que vous ameniez une ou deux personnes de votre groupe. Le général Eisenhower espère votre visite et vous exposera la situation militaire qui est extrêmement importante et imminente. Si vous pouvez être ici pour 13 h 30, je serais heureux de vous offrir à déjeuner. Nous nous rendrions ensuite au quartier général du général Eisenhower. Faites-moi parvenir de bonne heure un message par téléphone de façon à ce que je sache si cela vous convient ou non.
« Sincèrement à vous. »
Il donne son accord. Les voitures partiront vers 11 heures. Il invite Béthouart et Billotte, Koenig et Viénot à l'accompagner. Une ou deux personnes, a dit Churchill. Ce sera quatre !
On roule vers Portsmouth. La pluie parfois, le ciel bas et gris toujours. À Droxford, un train.
De Gaulle aperçoit Churchill, le corps serré dans un uniforme de la Royal Air Force, qui avance sur le ballast, les bras ouverts.
Il voit aux côtés du Premier ministre le maréchal Smuts, le gouverneur de l'Afrique du Sud, qui, il y a quelques semaines, a affirmé que la France ne retrouverait plus sa grandeur passée et n'aurait pas d'autre choix que d'entrer dans le Commonwealth ! Comment être chaleureux ?!
Dans le wagon-salon, de Gaulle s'assied en face de Churchill. Une table recouverte d'un tapis vert les sépare.
Il observe Churchill qui semble surexcité, les joues rouges, l'œil brillant. Et naturellement, il serre son cigare éteint entre ses dents.
« Je prends sur moi de vouloir vous mettre dans le secret, commence Churchill. Le Débarquement, l'opération, devait avoir lieu ce matin, mais le mauvais temps nous en a dissuadés. »
Il se lève, gesticule devant une carte, parle des sites choisis entre la Seine et le Cotentin. De Gaulle se souvient du plan identique que Billotte avait esquissé en 1942, et qu'il avait soumis en vain aux généraux américains.
« Il ne reste plus beaucoup d'espoir de commencer l'opération avant le jour J + 3, explique Churchill, mais la situation sera réexaminée toutes les vingt-quatre heures. »
« Bien entendu, je n'ai pas été informé de la date au préalable, répond de Gaulle. Quoi que les événements prochains doivent coûter à la France, elle est fière d'être en ligne aux côtés des Alliés », continue-t-il.
Il sent un « souffle d'estime et d'amitié » unir un instant tous les présents.
Il dit son admiration pour cette opération d'une importance exceptionnelle.
On échange encore quelques informations, puis, à 14 h 15, on passe dans le wagon voisin pour le déjeuner.
En attendant le déclenchement du Débarquement, dit Churchill au dessert, « nous pourrions parler politique ».
De Gaulle se raidit. Il fixe le Premier ministre. C'est le moment. Peut-être la vraie raison de cette réception, de ces amabilités. Lui faire accepter les solutions américaines.
« Voilà un certain temps que je corresponds avec le Président », commence Churchill.
De Gaulle ne répond pas quand le Premier ministre, puis Eden, puis le leader travailliste Bevin insistent pour que de Gaulle se rende aux États-Unis afin de rencontrer Roosevelt. Ils veulent aussi commencer ici même les conversations politiques.
« C'est la guerre, faites-la, on verra après, répète de Gaulle.
- Si cette offre est rejetée, dit Bevin, le Parti travailliste en sera offensé. »
De Gaulle se tourne, fixe le ministre travailliste.
Oui, la colère peut et doit s'exprimer. C'est aussi une arme.
« Comment ! s'exclame-t-il. Nous vous avons envoyé des propositions depuis septembre dernier. Vous ne nous avez jamais répondu. Le gouvernement français existe, je n'ai rien à demander dans ce domaine aux États-Unis, non plus qu'à la Grande-Bretagne. »
Il parle d'une voix tonnante. Il dit que les Anglo-Américains ont toujours refusé d'évoquer la question de l'administration des territoires libérés.
« Comme demain les armées vont débarquer, je comprends votre hâte de voir régler la question. D'ailleurs, Londres et Washington ont pris leurs dispositions pour se passer d'un accord entre nous. Je viens d'apprendre par exemple qu'en dépit de nos avertissements les troupes et les services qui s'apprêtent à débarquer sont munis d'une monnaie prétendument française, fabriquée par l'étranger. Comment voulez-vous que nous traitions sur ces bases ? »
Il s'interrompt. Le silence est lourd.
« Allez, faites la guerre avec votre fausse monnaie ! » lance de Gaulle sur un ton de mépris.
Le visage de Churchill est empourpré.
« Que le général de Gaulle aille ou non rendre visite au Président, cela le regarde, dit-il. Mais je le lui conseille fortement. »
Quelques échanges encore, puis tout à coup de Gaulle voit Churchill qui se dresse à demi, qui vocifère :
« Sachez-le, Général ! Chaque fois qu'il nous faudra choisir entre l'Europe et le grand large, nous serons toujours pour le grand large. Chaque fois qu'il me faudra choisir entre vous et Roosevelt, je choisirai toujours Roosevelt. »
Bevin murmure que Churchill a parlé pour son compte et nullement au nom du cabinet britannique.
Silence. De Gaulle ne bouge pas. Churchill lève son verre.
« À de Gaulle, qui n'a jamais accepté la défaite, dit-il d'une voix lente et sourde.
- À l'Angleterre, à la victoire, à l'Europe ! » lance de Gaulle.
On marche dans la bruine jusqu'à une grande tente située à quelques centaines de mètres dans la forêt.
Eisenhower est aimable. Il expose devant des cartes le déclenchement de l'opération Overlord et son plan de bataille.
Mais il devra peut-être le retarder compte tenu des mauvaises conditions météorologiques.
« À votre place, je ne différerais pas », dit de Gaulle.
Comment garder le secret, maintenir un moral élevé pendant plusieurs semaines ?
Eisenhower paraît gêné, hésitant.
« Mon général, dit-il enfin, j'adresserai le jour du Débarquement une proclamation à la population française, et je vous demanderai d'en faire une également. »
Voilà le second piège.
« Vous, une proclamation au peuple français ? dit de Gaulle d'un ton glacial. De quel droit ? Et pour leur dire quoi ? »
Il prend le texte d'un mouvement vif, le parcourt.
Colère. Indignation.
Le peuple français est invité à « exécuter les ordres » d'Eisenhower. L'administration doit rester en place. Une fois la France libérée, les Français choisiront eux-mêmes leurs représentants et leur gouvernement.
Pas une seule référence au Gouvernement Provisoire, à de Gaulle. Une fois de plus, la France est traitée en mineure, les hommes de Vichy sont maintenus en place !
C'est la politique de Roosevelt qui continue. Et à quoi bon proposer de modifier ce texte alors qu'il est déjà tiré à quarante millions d'exemplaires ?
Quel serait dans ces conditions le sens d'une intervention à la radio, sinon d'accepter cette soumission de la nation, cet effacement de la France Combattante, de l'indépendance de son Gouvernement Provisoire ?
De Gaulle refuse de rentrer à Londres avec le train de Churchill. Il va regagner la capitale en voiture avec ses compagnons.
Il apprend que la BBC, sans consulter le général Koenig ou le BCRA, Bureau Central de Renseignements et d'Action, vient de lancer l'équivalent d'un appel à l'insurrection générale !
Fureur. Amertume.
De Gaulle, les dents serrées, se laisse aller à la colère. Churchill est un gangster.
« On a voulu m'avoir. On ne m'aura pas. Je leur dénie le droit de savoir si je parle à la France. »
Il refuse que les officiers français de liaison administrative, pourtant formés dans ce but, débarquent avec les Alliés.
Ce n'est pas une question de stupide orgueil, mais le principe de la souveraineté nationale qui est en cause. La France est-elle une nation indépendante ou bien sera-t-elle traitée par les vainqueurs comme un pays de second rang auquel on impose des lois, une « fausse monnaie » ?
De l'autre côté de la Manche, les Allemands ignorent ces tensions entre de Gaulle et les Alliés, ces hésitations d'Eisenhower quant à la date du D-Day, les choix longuement préparés des plages normandes - 80 kilomètres de front d'ouest en est, Omaha Beach, Utah Beach, Juno, Gold et Sword.
Le samedi 3 juin, Rommel note :
« Ai passé l'après-midi avec le commandant en chef du front ouest. Von Rundstedt envisage de se rendre en Allemagne. »
Le 4 juin, le chef du service de météorologie de la Luftwaffe à Paris a fait savoir qu'en raison des mauvaises conditions atmosphériques on ne pouvait prévoir une action alliée avant une quinzaine de jours au moins.
Rommel prend ses dispositions pour quitter en auto son quartier général de La Roche-Guyon.
Il a obtenu de von Rundstedt l'autorisation de partir dans la matinée du 5 juin.
« Un débarquement pendant cette période est d'autant moins à craindre que les marées vont être des plus défavorables au cours des jours suivants. En outre, aucune multiplication des reconnaissances aériennes n'a signalé l'imminence d'une opération de ce genre. L'important pour moi est d'avoir une conversation avec le Führer à l'Obersalzberg, pour lui exposer notre infériorité numérique et matérielle dans l'éventualité d'un débarquement et lui demander d'envoyer en Normandie deux divisions blindées supplémentaires, dont une de DCA, et une brigade de lance-fusées... »
Après avoir rédigé ce rapport, Rommel monte dans sa voiture et prend la route de Herrlingen pour passer la nuit avec sa famille et, de là, gagner Berchtesgaden pour conférer avec le Führer.