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En cette aube du dimanche 29 avril 1945, Adolf Hitler parle vite, d'une voix sourde, et sa secrétaire Frau Gertrude Junge ne peut le suivre que parce qu'il lui semble non pas découvrir ces phrases, mais les reconnaître.


Elle les a lues dans Mein Kampf, elle les a entendues lors des discours que tout au long de cette décennie les radios - et les journaux - ont diffusés chacun plusieurs fois.

Le Führer n'a pas changé, mais Himmler et Goering le trahissent, les Russes sont à quelques centaines de mètres de la Chancellerie, les Américains sont sur les rives de l'Elbe et ils fraternisent avec les Russes.


Frau Gertrude Junge est émue aux larmes quand Hitler, dans ce qu'il appelle son « Testament politique », dit : « Depuis trente années, seuls mon amour pour mon peuple et ma fidélité envers lui ont guidé mes pensées, mes actes et ma vie... »

Il répète qu'après « les horreurs de la Première Guerre mondiale », il n'a jamais « désiré qu'il s'en produisît une autre contre l'Angleterre ou l'Amérique... ».

Il dénonce les responsables : « La juiverie internationale et ses adeptes. »


Frau Gertrude Junge est bouleversée lorsqu'elle entend le Führer déclarer :

« Après six ans d'une guerre qui, malgré ses revers, s'inscrira un jour dans l'Histoire comme la plus glorieuse et la plus héroïque manifestation du désir de vivre d'une nation, je ne puis abandonner la ville qui est la capitale de notre pays... Je tiens à partager le sort des millions d'êtres qui ont accepté de rester ici. De plus, je ne veux pas tomber aux mains de l'ennemi qui cherche à s'offrir un nouveau spectacle, présenté par les Juifs, dans le seul but de divertir ses masses hystériques.

« Par conséquent, j'ai décidé de rester à Berlin et d'y choisir volontairement la mort, au moment où je jugerai que la position du Führer et de la Chancellerie ne peut être tenue plus longtemps.

« Je meurs la joie au cœur, conscient des accomplissements immenses de notre peuple, paysans, ouvriers, et de l'apport incomparable qu'a fait à l'Histoire notre jeunesse qui porte mon nom. »


Frau Gertrude Junge ne veut pas douter de son Führer, et l'émotion, la concentration que la prise de ce texte exige l'empêchent de penser à ces villes qui ne sont plus qu'amas de ruines, à ces millions de cadavres laissés, le plus souvent, sans sépulture, à ces enfants jetés dans la fournaise de la guerre, à la manière dont elle avait tourné la tête pour ne pas voir ces familles qu'on poussait dans les trains, qui avaient la mort pour destination.

Elle en est sûre : il est innocent, on a trompé le Führer, on l'a trahi. Il le sait et il a raison de décider de condamner les traîtres.

« Avant ma mort, dit-il, j'exclus du Parti l'ex-maréchal du Reich Hermann Goering et je lui retire tous les droits que lui conférait le décret du 20 juin 1941... À sa place, je nomme l'amiral Doenitz président du Reich et commandant suprême des forces armées.

« Avant ma mort, j'exclus du Parti et je relève de toutes ses charges l'ex-Reichsführer des SS et ministre de l'Intérieur Heinrich Himmler.

« En plus de leur manque de loyauté envers moi, Goering et Himmler ont attiré sur la nation tout entière une honte ineffaçable, en négociant secrètement avec l'ennemi, à mon insu et contre ma volonté, et aussi en essayant de s'emparer illégalement du pouvoir. »


Ces deux « traîtres » avaient été, avec Goebbels, ses camarades de parti les plus proches depuis les années 1920 ! Et ils l'avaient trahi !

Le Führer indiquait à l'amiral Doenitz, président du Reich, qu'il devait choisir Goebbels comme Chancelier.

Hitler laissait en outre une consigne :

« Avant tout, je recommande au gouvernement et au peuple de garder en vigueur les lois raciales et de résister impitoyablement à cet empoisonneur de toutes les nations qu'est le Juif. »


Hitler ne renie donc rien, ni la guerre et ses monceaux de cadavres, ni l'extermination de millions d'humains pour la seule raison qu'ils étaient juifs !

Ce fou a donc gouverné avec cynisme, et souvent habileté, l'une des plus grandes puissances du monde.

Ce fou a fait partager sa folie à des dizaines de millions de personnes.

Ce fou a répandu cette « peste brune ».

Et ce fou jouait, avec grandiloquence, au héros, à l'amant fidèle. Il dit dans son « Testament personnel » :

« Bien que durant les années de lutte je n'aie pu assumer les responsabilités d'un mariage, maintenant - avant la fin de ma vie - j'ai décidé de prendre pour épouse la femme qui, après des années de fidèle amitié, est venue librement me rejoindre dans cette ville déjà presque encerclée, afin de partager mon sort. Elle entrera dans la mort avec moi, selon son propre souhait en tant que ma légitime épouse. Ce sera pour nous une compensation de ce dont nous ont privés les exigences de ma mission au service de mon peuple. »


Goebbels a pris connaissance de ces textes qu'avec Bormann et deux généraux - Krebs et Burgdorf - il a paraphés. Il se retire dans sa chambre et, en larmes, écrit son testament, « Appendice au Testament politique du Führer ».

« Le Führer m'a ordonné de quitter Berlin... et de participer en tant que membre dirigeant au gouvernement désigné par ses soins.

« Pour la première fois de ma vie, je dois refuser catégoriquement d'obéir à un ordre du Führer. Ma femme et mes enfants se joignent à moi dans ce refus. En dehors du fait que des sentiments d'humanité et de fidélité personnelle nous interdisent d'abandonner le Führer en cette heure suprême, je craindrais de passer pour un traître infâme, pour un misérable jusqu'à la fin de mes jours ; de plus, je perdrais tout respect de moi-même et le respect de mes concitoyens...

« Dans le cauchemar de trahison qui enveloppe le Führer, en ces jours très critiques de la guerre, quelqu'un doit demeurer auprès de lui, sans réserve, jusque dans la mort...

« Je suis donc persuadé de rendre le plus grand service au peuple allemand par ma conduite. Dans l'avenir difficile qui nous attend, les exemples prendront plus d'importance que les hommes...

« Pour cette raison, en accord avec ma femme, et de la part de mes enfants qui sont trop jeunes pour exprimer une opinion personnelle mais qui approuveraient sans réserve cette décision s'ils étaient en âge de la comprendre, j'exprime mon inébranlable résolution de ne pas quitter la capitale du Reich, même en cas de défaite, et de préférer rester aux côtés du Führer pour terminer une existence qui n'aura plus de valeur si je ne puis la passer au service du Führer et près de lui. »


Il est 5 h 30 ce dimanche 29 avril 1945.

Goebbels vient de prendre l'engagement de précipiter dans l'abîme de la mort ses six enfants.

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