Lennon le trouva au Crown Bar, aussi incroyable que cela puisse paraître. Malgré les compartiments aménagés tout autour de l’espace, le Crown était le pub de Belfast à éviter si l’on voulait rester discret. À travers les cloisons de bois et de verre qui divisaient la salle en plusieurs parties, Lennon aperçut Patsy Toner, assis à une extrémité du comptoir, face au mur de granit rouge.
Des rires fusaient, des voix s’élevaient çà et là au milieu du brouhaha. Les touristes se mélangeaient à la population locale, et Lennon s’avisa que l’endroit était particulièrement désigné pour servir de refuge à un homme qui a peur. Patsy Toner était sans doute plus en sécurité ici que dans tout autre bar de la ville.
Il était encore tôt. Lennon s’avança vers Toner en se frayant un chemin entre les consommateurs, employés de bureau et vacanciers confondus, les uns avec leurs pintes de Guinness, les autres buvant des smirnoff ice et du cidre.
Il se glissa derrière Toner et lança à l’attention du barman : « Une Stella. »
Toner tourna légèrement la tête pour voir qui se tenait si près. Lennon se demanda si l’avocat reconnaîtrait en lui le flic qui avait souvent interrogé ses clients. Un homme de droit digne de ce nom se rappelait sûrement les noms et les visages des policiers qu’il croisait dans son travail.
Comme pour lui donner raison, Toner se raidit.
Le barman posa le verre sur le plateau de la tireuse et laissa la mousse déborder. Lennon se pencha pour lui glisser un billet dans la main.
« Comment ça va, Patsy ? » dit-il en prenant la pinte, toujours collé à Toner.
L’avocat fixait son verre devant lui. « On se connaît ?
— Nos métiers respectifs nous ont mis en contact. »
Toner tourna la tête. « Je ne me rappelle pas votre nom.
— Inspecteur Jack Lennon. »
Avait-il tressailli ? Toner fixa à nouveau son verre. « Qu’est-ce que vous voulez ?
— Vous parler. »
L’avocat posa les paumes à plat sur le comptoir. Les doigts de sa main gauche étaient pâles et maigres. Il avait les épaules voûtées.
Lennon jeta un coup d’œil derrière lui. « Il y a un box libre. Prenez votre verre. »
Ils entrèrent dans un petit espace privatif en bois ouvragé et vitrail où se logeait une table. Lennon ferma la porte.
Une serveuse la rouvrit et désigna le carton posé sur la table. « Monsieur, ce box est réservé. »
Lennon montra sa carte. « Je n’en ai pas pour longtemps.
— Les personnes vont arriver d’une minute à l’autre, insista-t-elle.
— Alors, je sortirai. » Il sourit. « Juste une minute. Vous me rendrez un fier service. S’il vous plaît… »
Après une hésitation, la serveuse lui rendit son sourire. « D’accord, je… »
Lennon referma la porte. Il s’assit en face de Toner, le considéra longuement. L’avocat porta le verre à sa bouche d’une main tremblante.
« Comment ça va, Patsy ? » demanda à nouveau Lennon.
Toner fit la grimace en avalant sa gorgée. Il reposa son verre maladroitement sur la table. « Qu’est-ce que vous voulez ?
— Je viens juste prendre de vos nouvelles. Il paraît que vous n’avez pas trop la forme, ces temps-ci. Quelque chose vous tracasse. »
Toner eut un rire forcé. « Qui vous a dit ça ?
— Plusieurs personnes. Des amis à vous. »
Toner s’esclaffa encore. Un rire grêle et mal assuré, à présent. « Des amis ? Vous me baratinez. Je n’ai pas d’amis. Plus maintenant.
— Ah bon ? » Lennon feignit la surprise. « Vous étiez très apprécié, autrefois. On vous connaissait plein de bonnes relations, dans tous les milieux.
— Autrefois, oui », répéta Toner en écho. Il essuya le whisky sur sa moustache. Une barbe de deux jours lui assombrissait les joues. « L’amitié est une drôle de chose, souffla-t-il. Vous croyez que c’est solide, pour la vie, alors que ça peut s’arrêter d’un coup. »
Lennon acquiesça. « Je vois ce que vous voulez dire », déclara-t-il avec un accent de sincérité.
Dans les yeux de Toner passa un éclat fugitif qui mourut dès qu’il reprit la parole. « Venons-en au fait. Vous n’êtes pas venu juste pour bavarder. »
Lennon croisa les mains sur la table. « À ce qu’il paraît, vous êtes bizarre, depuis quelque temps. Comme si vous aviez les jetons. Je veux savoir ce qui vous fait peur. »
Toner s’adossa à la banquette. « Qui vous a raconté ça ?
— Des gens.
— Qu’est-ce qu’ils ont dit ?
— Que vous avez plongé depuis la mort de Paul McGinty. Que vous buvez comme un trou. Que vous en savez plus que vous ne le laissez entendre, et que ça vous ronge.
— Non. » Toner secoua la tête d’un air hagard. « Pas du tout. Ce n’est pas… Qui a dit ça ?
— Vous parlez quand vous êtes ivre. Vous avez raconté que ce n’était pas fini, qu’ils allaient venir vous chercher, que ce n’était qu’une question de temps. »
Les joues de Toner s’empourprèrent. « Qui a dit ça ? répéta-t-il.
— Un de vos amis. » Lennon songea à lui faire part de ce que racontait Roscoe, à savoir que Toner avait tellement peur qu’il n’arrivait plus à bander, mais il décida de s’abstenir.
« Conneries, dit Toner, les yeux brillants.
— Je peux peut-être vous aider.
— Conneries. » Toner voulut se lever. Ses jambes se dérobèrent sous lui.
« Je peux vous aider, affirma cette fois Lennon. Nous pouvons vous aider. Je connais des gens à la Branche Spéciale. Ils vous protégeront. »
Toner lâcha un rire méprisant. « Ils me protégeront ? Si j’ai besoin de protection, c’est justement à cause de ces connards. Ils ne sont pas au courant que vous êtes venu, hein ? Parce qu’autrement, ils vous auraient dissuadé.
— Qui ça ?
— À votre avis ? » Toner réussit enfin à se lever, bousculant la table de ses cuisses. « Vos patrons, évidemment. La Branche Spéciale et les Anglais. Vous voulez savoir ce qui s’est passé ? C’est eux qu’il faut interroger. Pas moi. »
Lennon l’attrapa par le poignet. « Patsy. Attendez. »
Toner se dégagea et ouvrit la porte. « Allez parler aux vôtres. Vous verrez bien ce qu’ils vous diront.
— Marie McKenna, lâcha Lennon. Sa fille. Ma fille. »
Toner se figea. « Mais oui, bon sang. Vous êtes le flic avec qui Marie s’était maquée.
— Exact. »
La serveuse apparut derrière Toner, suivie d’un groupe de jeunes cadres. « J’ai besoin de récupérer le box », annonça-t-elle.
Toner ne lui prêta pas attention. « Vous vous demandez où elle est partie ?
— Oui.
— Je n’en sais rien. Personne ne sait. Qu’elle reste en dehors de tout ça. Et vous aussi. N’allez pas vous en mêler. C’est tout ce que je vous dirai, et c’est déjà trop.
— Excusez-moi, insista la serveuse.
— Une minute. » Lennon sortit une carte de visite de sa poche et la fourra dans la main de Toner. « Si vous avez envie de parler.
— Sûrement pas. » Toner lui rendit la carte. « Laissez tomber. D’accord ? Laissez tomber. Ça vaudra mieux pour tout le monde. »
Lennon écarta la veste de l’avocat et glissa la carte dans sa poche intérieure. « Au cas où. »
Toner eut soudain l’air très vieux. « Laissez tomber », répéta-t-il. Il se détourna et fila vers la sortie.
Lennon remercia la serveuse en la gratifiant d’un billet de cinq livres. Il partit à son tour, sans se presser, afin que Toner ait le temps de s’éclipser. L’avocat avait disparu lorsqu’il émergea de la foule massée à la porte du pub et retrouva l’agitation de Great Victoria Street, où taxis et voitures se bousculaient en klaxonnant dans l’ombre de l’Europa Hotel.
Il se rappela alors sa résolution de la veille et regarda sa montre. Seulement 18 h 30. Tant pis s’il avait oublié d’envoyer un texto à sa sœur. Il jugea peu probable que quelqu’un d’autre rende visite à leur mère un soir de semaine. En se dépêchant, il arriverait à Newry avant vingt heures, passerait une heure avec elle, et serait de retour à Belfast avant vingt-deux heures.
Il se dirigea vers le parking de Dublin Road. Dans son esprit défilaient des images : une frêle vieille dame, un avocat effrayé, et une petite fille qui ne savait pas comment il s’appelait.
Pour la troisième fois en vingt minutes, Lennon rappela à sa mère qui il était. Pour la troisième fois, elle hocha la tête en paraissant vaguement le reconnaître. Après avoir tripoté sa robe de chambre quelques instants, elle fixa à nouveau le mur en face de son lit.
Chaque visite se déroulait ainsi. Une suite de phrases sans affect, trouées par des moments d’absence. Pourtant Lennon venait malgré tout, peut-être pas aussi souvent qu’il l’aurait dû, mais suffisamment pour qu’on le remarque. Il ne reprochait pas à sa mère le temps qu’elle lui prenait. Simplement, il détestait la voir dans cet état, même si elle l’avait déshérité des années auparavant. Il avait dû attendre que son esprit batte la campagne avant de pouvoir la revoir, et cela aussi lui faisait horreur. Ne subsistait plus que l’ombre de la femme qui riait comme une gamine quand elle dansait avec son frère et lui aux mariages et aux communions.
« Les jours raccourcissent, dit-elle en regardant par la fenêtre à demi obscurcie. Pour un peu, on se croirait à Noël. Ça se passe chez qui, cette année ?
— Chez Bronagh, répondit Lennon. Comme toujours. »
Bronagh. L’aînée des trois sœurs. C’était elle, tant d’années auparavant, qui avait ordonné à Lennon de partir et de ne plus jamais revenir.
La veille de la mise en terre de Liam, Phelim Quinn, membre du conseil municipal d’Armagh, vint rendre visite à la mère de Lennon. Il la prit à part, présenta ses condoléances et lui rappela que parler à la police n’arrangerait rien. De toute façon, les flics n’apporteraient sûrement aucun soutien à la famille. Liam avait payé pour ses erreurs. Dans l’intérêt de tous, il valait mieux se remettre au plus vite et tourner la page. La mère de Lennon lui ordonna de sortir d’une voix à peine audible. Lennon rattrapa Quinn alors qu’il avait presque atteint le portail de leur petit jardin.
« Liam n’était pas une balance, lâcha-t-il. Il me l’a dit. »
Quinn s’arrêta et se tourna vers lui. « À moi aussi, il me l’a raconté. Ça n’est pas vrai pour autant. »
La gorge de Lennon se serra, des larmes lui brûlaient les yeux. « Si ! Il m’a expliqué que quelqu’un se couvrait et lui faisait porter le chapeau. »
Quinn s’approcha tout près de lui. Son haleine sentait le whisky. « Fais attention à ce que tu dis, fiston. Ta famille a assez de peine comme ça. N’en rajoute pas. »
Lennon fut pris d’une subite envie de pleurer. Il se retint. Pas question de craquer devant ce salaud. « Vous vous êtes trompé de personne, répondit-il. Ne l’oubliez pas. »
Ravalant les larmes brûlantes qui se pressaient derrière ses yeux, il retourna dans la maison où sa mère et ses trois sœurs se serraient les unes contre les autres. À partir de ce jour-là, il ne pleura plus jamais.
Le lendemain de l’enterrement de Liam, deux policiers en uniforme se présentèrent à la porte. Bronagh les maintint sur le perron pendant dix minutes, jusqu’à ce que sa mère intervienne et les laisse entrer. Lennon observait la scène depuis le seuil du salon en les écoutant poser des questions banales, d’une voix désabusée. Ils savaient tous deux qu’ils perdaient leur temps, on le voyait à leurs visages, à leurs attitudes. Leur visite n’était rien de plus qu’une formalité, une case à cocher. Ensuite, l’affaire serait classée avec une centaine d’autres qui ne seraient jamais élucidées parce que les habitants du quartier refusaient de coopérer.
Lennon intercepta les policiers dans le couloir.
« Phelim Quinn, dit-il.
— Oui, et après ? rétorqua le sergent.
— C’est lui le coupable. Ou alors, il sait qui c’est. »
Le sergent se mit à rire. « Moi aussi, je le sais. Tout comme mon collègue ici, l’agent McCoy. Et tout le monde dans cette rue. Il suffirait que quelqu’un fasse une déposition, l’enquête serait quasiment bouclée. Mais en attendant, c’est comme si on cherchait le père Noël. »
Il posa une main sur l’épaule de Lennon. « Écoute, mon garçon. J’aimerais vraiment coffrer les salopards qui ont tué ton frère. Je t’assure. Mais ça n’arrivera jamais, tu le sais aussi bien que moi. Bon sang, s’il y avait la moindre chance de leur mettre la main dessus, ils enverraient des inspecteurs, pas des sous-fifres comme nous. On tape les rapports, on remplit les formulaires, ça s’arrête là. Le mieux que tu puisses faire, c’est d’éviter les ennuis et de t’occuper de ta mère. »
Plantant là le jeune Lennon, les policiers repartirent et fermèrent la porte derrière eux.
Durant les semaines suivantes, la maison sembla comme prise dans la glace. Chacun s’enfermait dans son chagrin, sa colère et sa peur, sans trouver le moyen de les exprimer. La nuit, allongé seul dans la chambre qu’il avait partagée avec son frère, Lennon réfléchissait aux conséquences de sa décision. En remplissant son dossier d’inscription, il avait donné son adresse d’étudiant à Belfast. Il était de retour à Queen’s pour commencer son master de psychologie lorsqu’il fut convoqué à son premier examen. Le soulagement qu’il éprouvait à l’idée de quitter sa famille dévastée était terni par la crainte. Il s’embarquait dans six mois d’entretiens et d’épreuves physiques, travaillant aussi à temps partiel à l’accueil de l’unité psychiatrique de Windsor House, tout ça sans mettre personne dans la confidence, pas même ses meilleurs amis de l’université.
Il revenait de moins en moins à la maison le week-end, malgré la Seat Ibiza d’occasion héritée de son frère qui lui facilitait les trajets de Belfast au village. Le lit inoccupé de sa chambre, tel un sanctuaire érigé à la mémoire de Liam, l’empêchait de fermer l’œil. Un jour, il demanda à sa mère s’il pouvait l’enlever. Elle le gifla à la volée et il ne reposa plus la question. Bronagh prenait peu à peu le contrôle de la maison, organisant les repas, attribuant diverses tâches domestiques à ses sœurs cadettes, tandis que sa mère passait ses journées à regarder dans le vague.
Un Noël passa, ce fut une torture. Ils mangeaient toujours en silence. En mars arriva la dernière épreuve : les contrôles de sécurité. Convaincu d’être éliminé à cause de son frère, Lennon commença à souhaiter une lettre de refus. Pourtant, dans un coin de son esprit, une petite voix effrayée et pleine d’espoir à la fois lui disait que peut-être — après tout, peut-être — son frère n’avait pas été impliqué suffisamment, ni assez longtemps, pour que l’on rattache son nom à un crime quelconque. Peut-être aussi montrait-il qu’il prenait ses distances par rapport à sa famille en donnant son adresse à Belfast. Enfin, il reçut le document qui lui signifiait la date de son admission au Centre d’entraînement de la Police de Garnerville. Gardant les yeux fixés sur les mots imprimés pendant un temps interminable, il sut qu’il se présenterait et que son ancienne vie touchait à sa fin.
Il retourna chez lui une dernière fois, but une bière au pub avec d’anciens amis d’école, rédigea des courriers pour sa mère, arpenta le village de long en large. Après la messe du dimanche, il annonça la nouvelle à ses sœurs et à sa mère en mangeant le rôti préparé par Bronagh. Claire et Noreen ne firent aucun commentaire. Elles ramassèrent leurs assiettes, les déposèrent dans l’évier et sortirent de la pièce. Bronagh resta assise sans bouger.
Sa mère regardait la nappe, tremblant de tous ses membres. « Tu seras tué, dit-elle. Comme Liam. Tu seras tué. Je ne peux pas perdre deux fils. N’y va pas. Tu n’es pas obligé. Tu as le droit de changer d’avis. Reste à l’université, termine ton master, trouve un bon travail. Ne fais pas ça.
— Ma décision est prise, répondit-il. Il le faut. Pour Liam. »
Bronagh secoua la tête avec une moue dégoûtée. « Ne te sers pas de lui pour te justifier ! Tu sais quelles seront les conséquences pour la famille. Maman ne pourra plus se montrer nulle part. On aura de la chance si la maison n’est pas réduite en cendres. Et nous avec.
— Ça ne changera jamais, autrement. On se plaint que la RUC soit une police en majorité protestante, mais on refuse de s’y engager ! On condamne les flics qui ne nous protègent pas, alors qu’on ne leur en laisse pas la possibilité. Je fais ça pour…
— Sors d’ici. » Bronagh passa un bras autour des épaules de sa mère. « Regarde dans quel état tu la mets. Prends tes affaires et va-t’en. »
Ce soir-là, Lennon quitta la maison de son enfance. Il jeta sur le siège de la voiture une vieille valise et un sac de sport dans lesquels il avait fourré le peu d’effets qu’il possédait, et rentra à Belfast. Par un vieil ami, il apprit que Phelim Quinn était revenu voir sa mère quelques semaines plus tard : il l’avertissait que son fils serait tué s’il se montrait à Middletown. Pour la deuxième fois en un an, elle le chassa.
Lennon se pencha et embrassa sa mère sur le front. Elle lui caressa la joue. Un pli se creusa entre ses sourcils.
« D’où te viennent toutes ces rides ? demanda-t-elle. Chaque fois que je te vois, tu ressembles un peu plus à ton père. »
Lennon doutait qu’elle se rappelât sa dernière visite. « Oui, tu me l’as déjà dit.
— Il va bientôt revenir.
— Qui ça ? Papa ?
— Mais oui. De qui crois-tu que je parle ? Du pape ? Il reviendra et nous emmènera tous en Amérique avec lui. »
Lennon se souvenait à peine du visage de son père. Il ne l’avait pas vu depuis presque trente ans. Personne n’avait eu de nouvelles depuis, mais à quoi bon le rappeler à sa mère ? Autant la laisser s’accrocher à ses illusions, puisqu’elles lui apportaient un semblant de bonheur.
« Il nous emmènera dans un endroit très chic à New York. Moi, toi, Liam et les filles. Tout le monde ensemble.
— Oui, maman. » Lennon l’embrassa encore avant de partir.
Dans le parking, la porte s’ouvrit devant lui. Bronagh se figea lorsqu’elle l’aperçut. Elle resta un instant immobile, froide comme un matin d’hiver, puis baissa la tête en le croisant.
« Bronagh ? »
Elle s’arrêta, dos tourné, les yeux au sol. Lennon vit ses poings s’ouvrir et se fermer. À en juger par sa tenue, veste ajustée et jupe, elle arrivait directement de l’hôtel dont elle était gérante, dans le centre de Newry.
« Comment va-t-elle ? demanda-t-il. Ils s’en occupent ?
— Je ne savais pas que tu serais là.
— Excuse-moi. J’ai oublié de t’envoyer un texto.
— Ne recommence pas », dit-elle en s’éloignant sans le regarder.