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« Bonjou, Gerry », dit Pyè.

Fegan posa sur l’assiette le toast qu’il était en train de manger, pendant que Pyè se glissait à côté de lui dans le compartiment et que le chauffeur des Doyle prenait un tabouret au comptoir. Il était encore tôt, le snack ne comptait que deux autres clients. Une serveuse somnolait à une table.

« Toi, t’es pas gentil. » Pyè agita un doigt réprobateur à l’adresse de Fegan. « Pas gentil du tout. Ou moun fou. Complètement dingue. Les Doyle, y m’ont dit toutes les saletés que t’as fait. T’es malade, dans ta tête. » Pyè se tapota la tempe de l’index.

Fegan essuya ses lèvres avec une serviette. « Bon… Qu’est-ce qui se passe, maintenant ?

— Tu viens avec mwen. On va voir les Doyle. Y sont dans machin là. » Du pouce, il désigna la voiture aux vitres noires qui attendait dehors, moteur en marche.

Pyè s’extirpa du box et posa la main sur l’épaule de Fegan. « Viens, Gerry. »

Fegan jeta sa serviette en papier dans les restes de son repas et repoussa son assiette. « Je vous tuerai tous, si j’y suis obligé. »

Pyè sourit. « P’t-être, dit-il. P’t-être pas. Viens. »

Fegan le suivit jusqu’à la voiture. Le chauffeur fermait la marche. Le Haïtien s’arrêta en plaquant une main sur la poitrine de Fegan. Il lui palpa le torse, les aisselles et le dos.

« Je ne suis pas armé, dit Fegan, qui s’était débarrassé de son pistolet derrière le motel.

— Mwen regarde quand même. »

Pyè s’accroupit pour explorer les jambes et les poches de Fegan. Il trouva un portefeuille, puis le téléphone portable.

« Non, dit Fegan.

— Non quoi ?

— Mon téléphone. J’en ai besoin. »

Pyè partit d’un rire. « Ou bezwan anyen, Gerry.

— Pardon ?

— T’as besoin de rien. » Pyè lâcha le portable qui rebondit en heurtant le sol. L’écran se fissura.

« Non », répéta Fegan.

Le Haïtien leva un pied pour écraser l’appareil. Fegan serra le poing et lui asséna un coup brutal dans la pomme d’Adam en frappant avec ses phalanges. Pyè s’effondra contre la voiture et glissa à terre, pris d’un accès de toux, les yeux écarquillés.

« J’ai dit non. »

Le souffle coupé, battant des paupières, Pyè tenta de se relever. Une main aux doigts épais s’abattit sur l’épaule de Fegan pour l’obliger à se retourner. Il saisit un poignet dans sa main gauche, pivota à l’intérieur de la prise, sentit un nez éclater sous son coude. Du sang tiède lui éclaboussa le visage. Encore deux attaques, et le chauffeur mordit la poussière. Sa tête heurta le bitume avec un craquement.

Fegan se retourna vers Pyè qui haletait et se préparait à fuir, la trachée enflée.

« Ne bouge pas », ordonna Fegan.

Passant une main derrière son dos comme s’il voulait attraper quelque chose, le Haïtien essaya à nouveau de se lever. Le pied de Fegan l’atteignit en pleine mâchoire et l’envoya bouler dans le caniveau, entre la voiture et le trottoir. Un pistolet tomba à ses côtés avec un bruit sourd.

Fegan ramassa son portable, le fit tourner dans ses mains en examinant l’écran, puis le remit dans sa poche avec son portefeuille. Il récupéra le pistolet, un semi-automatique, et le pointa sur la vitre arrière. « Ouvrez la fenêtre. »

Aucune réaction.

Fegan s’approcha. Il frappa contre la vitre avec le canon de l’arme. « Ouvrez », répéta-t-il.

À l’intérieur, deux silhouettes indistinctes ne bougeaient pas.

Fegan donna un coup de crosse dans la fenêtre. La vitre tenait bon. Deux autres tentatives en vinrent à bout, arrosant les deux hommes d’une pluie de verre.

Frankie et Packie Doyle regardaient Fegan, les mains levées dans un geste pacifique.

« Laissez-moi tranquille, dit Fegan. Si vous me cherchez encore une fois, je vous tue tous les deux. Compris ? »

Les Doyle demeuraient pétrifiés.

Fegan appuya le canon de son arme contre la joue de Packie. « Compris ? »

Packie hocha la tête. Frankie répondit : « Oui. »

« Emmenez Pyè à l’hôpital. Il risque de mourir. Compris ? »

Frankie hocha la tête. Packie répondit : « Oui. »

« Bien. » Fegan glissa le pistolet dans sa poche à côté du portable et s’éloigna.

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