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Lennon attendait, seul dans la cuisine. Un agent de police de Carrickfergus traînait dans le couloir de l’immeuble pendant qu’un sergent recevait les dépositions des résidents des étages inférieurs. Tout le personnel disponible se trouvait sur les lieux du meurtre de l’inspecteur principal Gordon. Le commissariat de Carrickfergus avait envoyé son unique voiture en la rappelant d’une patrouille dont le but consistait à dépister les conducteurs ivres. Lennon arriva le premier et monta directement à l’appartement, où il trouva la porte explosée, les pièces désertes.

L’inquiétude et la peur se disputaient en lui comme des chats errants. Son esprit ne se concentrait pas assez longtemps, il était incapable de préparer un plan d’action. Il appela à nouveau le commissariat pour joindre l’inspecteur principal Uprichard. Quand l’agent de service finit par répondre, ce fut pour expliquer que Uprichard était trop occupé, que Lennon devait rester sur place et sécuriser les lieux jusqu’à ce qu’on débloque une équipe du District D.

« Je ne peux pas ne rien faire, dit Lennon. Il tient ma fille. L’homme que vous aviez mis en garde à vue il y a trois heures.

— Je comprends, répondit l’agent de service, mais un officier a été assassiné. Tous ceux qu’on réussit à contacter donnent un coup de main. En plus, vous savez que Carrickfergus dépend du District D ; on leur refile des hommes seulement pour les cas d’urgence. Sinon, il vous faudra attendre une équipe de Lisburn.

— Les cas d’urgence ? Mais qu’est-ce que vous racontez, putain ? C’est ma fille. L’homme qui a tué Gordon l’a chopée.

— Mais il ne la détient pas là-bas », répliqua l’agent de service.

Lennon n’avait pas de réponse, aucun mot pour exprimer sa frustration.

« Pour que ça serve à quelque chose, poursuivit l’agent de service, vous avez besoin d’une unité de la MIT et de techniciens. Eux, ils sont retenus ici pour l’instant, et Lisburn enverra ses gars dès que possible. Je suis désolé, monsieur. Je ne peux pas faire mieux en ce moment. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser. C’est la pagaille. »

Lennon raccrocha. Il marcha en rond dans la petite cuisine, s’arrêta au lavabo, ouvrit le robinet, s’aspergea le visage, s’essuya sur sa manche. En sortant, il vit son Glock par terre. L’arme n’avait pas beaucoup aidé Marie. Il se pencha pour la ramasser.

L’agent de police se déplaça gauchement sur un pied et toussa à la porte. Wallace, il s’appelait. Il regarda Lennon avec un respect teinté d’inquiétude. Dans le service depuis peu, apparemment, et sans doute terminant sa période d’essai, on l’avait mis en équipe avec un vieux sergent pour lui enseigner les ficelles.

« Est-ce que vous devriez prendre ça, inspecteur ? » demanda-t-il en désignant le Glock. Il se décomposa quand Lennon le fusilla du regard. « Je veux dire… C’est une preuve sur les lieux du crime, non ? »

Lennon lui tapota l’épaule et sortit dans le couloir de l’immeuble. « Vous irez loin, agent Wallace. »

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, livrant passage au sergent Dodds. Il consultait son calepin en marchant.

« Alors ? demanda Lennon.

— Rien d’utile. Trois appartements seulement sont occupés. Tout le monde a entendu les coups de feu et deux personnes ont appelé la police. Ils se sont tous enfermés derrière leur porte en baissant la tête jusqu’à ce qu’ils entendent notre sirène. Personne n’a rien dit. »

Lennon s’y attendait. « Très bien. » Il partit vers l’ascenseur. « Une unité de la MIT va arriver de Lisburn, quand ils auront constitué une équipe, avec des techniciens dès qu’ils pourront se libérer. Wallace, vous restez ici. Dodds, attendez en bas à l’entrée. Ne laissez personne utiliser l’escalier, si vous pouvez. »

Dodds suivit Lennon dans l’ascenseur. « Et vous, vous allez où ?

— Voir quelqu’un.

— Qui ?

— Quelqu’un. » Lennon pria pour que Roscoe Patterson ait envie de boire ce soir.

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