37.

C’était en février 1941. Il y a dix mois.

Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères de Hitler, reçoit dans le grand salon de la Wilhelmstrasse l’ambassadeur japonais en Allemagne, Oshima.


Les deux hommes s’observent tout en évoquant la situation internationale.

On évite de parler de la Russie communiste, du pacte anti-Komintern signé par le Japon avec l’Italie fasciste et l’Allemagne en 1936.



Ribbentrop laisse entendre que le Führer songe à étendre l’espace vital du Reich vers l’est, et qu’il accepte le risque d’une guerre avec la Russie.

Oshima évoque la guerre que le Japon conduit en Chine depuis 1931.

« Il y a dix ans déjà. »

Il ne dit rien de ce qui se trame dans les états-majors japonais.


On envisage d’attaquer les États-Unis en frappant la marine américaine qui a regroupé la plupart de ses navires dans les îles Hawaii, à Pearl Harbor.

Mais Oshima sait que les nazis redoutent une attaque japonaise contre les États-Unis, qui ferait de ces derniers, déjà alliés de la Grande-Bretagne, un adversaire puissant, l’usine de guerre du monde antiallemand.


Les services secrets allemands ont appris que Churchill et Roosevelt, lors de leur dernière rencontre en janvier 1941, sont convenus de considérer, si les États-Unis entrent dans la guerre, l’Allemagne comme leur ennemi principal, le Japon venant après.

Ribbentrop, sans rapporter cet accord Roosevelt-Churchill, insiste pour que le Japon, au lieu d’envisager une guerre contre les États-Unis, les laisse s’engourdir dans leur neutralité et songe plutôt à attaquer l’Empire britannique affaibli.

Et ces attaques dissuaderaient les États-Unis d’entrer dans la guerre.

« Le Reich et le Japon sont sur le même navire, conclut Ribbentrop. Une défaite allemande signifierait aussi la fin de l’idée impériale japonaise. L’intérêt du Japon est de s’assurer pendant la guerre les positions qu’il souhaite avoir à la conclusion de la paix. »


La paix ?

Les élites japonaises, rassemblées dans la Société des fondements du pays, la Kokuhonsha, pensent que le Japon a une mission spéciale en Asie et que tout ce qui s’oppose à cette mission doit être brisé par la force.

En 1904, le Japon avait envoyé par le fond la flotte russe et vaincu l’empire des tsars.

En 1941, les États-Unis s’opposent aux ambitions japonaises.

Si l’on détruit leur flotte, comme on a détruit la flotte russe, les États-Unis laisseront l’expansion japonaise se déployer en Asie du Sud-Est.


Le samedi 6 décembre 1941 – le jour où Joukov déclenche la contre-offensive russe devant Moscou – le président Roosevelt écrit à l’empereur du Japon, Hirohito :

« Nous, chefs d’État, avons le devoir sacré de restaurer l’amitié traditionnelle entre nos deux pays. »

Mais ce même 6 décembre 1941, les avions japonais embarqués à bord des porte-avions de la flotte impériale s’apprêtent à décoller pour aller bombarder la flotte américaine ancrée dans la rade de Pearl Harbor, dans les îles Hawaii.

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