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La vérité de la guerre qui, depuis le dimanche 7 décembre 1941, se livre aux antipodes est aussi cruelle.


Ce dimanche 7 décembre 1941, il a suffi d’une heure aux Japonais pour prendre le contrôle de l’océan Pacifique.

Ce jour-là, ils ont coulé à Pearl Harbor quatre des huit cuirassés américains ancrés dans la rade, en endommageant gravement les autres.

Ils n’ont pas atteint les porte-avions, mais ceux-ci sont loin et n’interdisent pas aux Japonais de commencer à débarquer sans être menacés dans la péninsule malaise, de même qu’aux Philippines.

Et ces invasions interviennent presque simultanément à l’attaque de Pearl Harbor.


La grande base navale britannique de Singapour est menacée comme celle de Hong Kong.

Aux Philippines, les troupes japonaises qui ont débarqué se dirigent vers Manille, et les forces américaines reculent, abandonnent la presque totalité de l’île de Luçon. Elles se replient dans la presqu’île de Dataan.

Les Américains qui ont percé le code diplomatique japonais, et décryptent les messages échangés entre les diplomates et le commandement japonais, sont cependant démunis, comme le sont les Anglais.


Hong Kong capitule le jour de Noël 1941 : la garnison britannique de douze mille hommes est capturée.

C’est le temps des souffrances et de l’humiliation qui commence pour les prisonniers britanniques.

Mais il y a pire encore pour l’orgueil anglais : les deux cuirassés, le Prince of Wales et le Repulse, sont coulés, le 10 décembre, par l’aviation japonaise.


Ce jour-là, Winston Churchill se souvient de ces marins du Prince of Wales chantant les hymnes religieuses sur la plage arrière du cuirassé, ce 10 août 1941, au large de Terre-Neuve, pour la signature de la Charte de l’Atlantique.

Churchill sait que ce désastre entraîne, à terme, dans quelques semaines, la chute de Singapour.

Que restera-t-il de la domination impériale, de ce qu’on appelle depuis un siècle « l’Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais » ?

Et la perte de Singapour entraînera la conquête japonaise de la Birmanie, des Indes néerlandaises, et c’est l’Inde et l’Australie qui pourraient être à leur tour menacées.


Une seule réponse à ces pertes probables : souder la Grande-Bretagne aux États-Unis, constituer à Washington un « Comité des chefs d’état-major combinés » anglo-américains, bâtir la Grande Alliance, en y incluant la Russie, tout en se défiant des ambitions et des arrière-pensées de Staline. Et puisque l’entrée en guerre des États-Unis garantit la victoire, quels que soient les échecs, il faut aller à Washington rencontrer Roosevelt.

Le 12 décembre, Churchill embarque sur le cuirassé Duke of York.

Le 22 décembre 1941, il est à Washington.


C’est un homme de soixante-sept ans. Une source d’énergie inépuisable, saluant la foule enthousiaste, bras dressés, les doigts dessinant le V de la victoire.

Il discourt dans les banquets. Il répond aux questions des journalistes. Il s’entretient avec Roosevelt, les ministres, les généraux, les amiraux.

Au cours de cette première conférence, dite Arcadia, il passe d’un entretien à un discours, vingt heures par jour, et cela pendant trois semaines.

Le 27 décembre 1941 – la veille, il est intervenu devant le Congrès américain –, il s’étouffe en essayant d’ouvrir une fenêtre et ressent une vive douleur qui de la poitrine se prolonge dans le bras gauche.


Les Américains – le président Roosevelt, le général Marshall, chef d’état-major, l’industriel Stettinius – le contraindront à prendre quelques jours de repos en Floride, dans une luxueuse villa de Palm Beach.

Mais qui pourrait empêcher Churchill de penser, d’imaginer, de harceler ses proches, d’intervenir ?

La situation d’ailleurs exige qu’on organise la riposte aux Japonais, qu’on prépare des opérations contre l’Allemagne, qu’on établisse des plans pour doubler les productions de matériel, d’armes, de navires.

Car si personne ne doute de la victoire finale, chacun constate que le présent est encore « sombre » et « noir ».

D’abord dans le Pacifique, où l’offensive japonaise se poursuit. Et c’est douleur pour Churchill que de subir la chute de Hong Kong, celle annoncée de Singapour.

Mais en Cyrénaïque, Rommel a échappé à l’encerclement. Mais en Russie, la contre-offensive russe s’essouffle. Elle a sauvé Moscou et Leningrad. Elle n’a pas blessé à mort la Wehrmacht.


Il faut donc réagir, prévoir, envisager un débarquement en Afrique du Nord en 1942, organiser la production de quarante-cinq mille avions, celle de centaines de milliers de camions, de tanks, de voitures tout-terrain. Sur chacun des sujets, Churchill intervient avec foi, énergie, obstination, compétence.

Il est bien le Warlord.


Le jour de son départ pour l’Angleterre, le 16 janvier 1942, il peut, avant d’embarquer sur son hydravion, le bras levé, former avec les doigts le V de la victoire.

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