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Rommel veut croire qu’il peut encore reprendre l’initiative, arrêter les Britanniques de la 8e armée – Anglais, Indiens, Australiens, Néo-Zélandais, Français Libres.
Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1942, les Britanniques se lancent à l’assaut des positions de l’Afrikakorps. Les fantassins sont appuyés par deux centaines de chars. Les Allemands et les Italiens résistent, « usent » les Anglais, font près de 1 400 prisonniers, détruisent 140 chars.
Et Rommel peut adresser un ordre du jour à ses troupes :
« Je vous exprime ma satisfaction à tous pour votre belle conduite au cours de notre défense victorieuse du 22 juillet. J’ai pleine confiance que toute nouvelle attaque de l’ennemi sera reçue de la même manière. »
L’Afrikakorps est toujours face à El-Alamein.
Un calme précaire s’établit.
Rommel parcourt la ligne de front, découvre cette « dépression » d’El-Qattara, sorte de « mer morte » vide, située bien en dessous du niveau de la mer.
« Nos plus gros ennuis prennent fin », répète-t-il à sa « très chère Lu ».
Il veut le croire, se défend contre ceux, au Grand Quartier Général du Führer, ou à Rome dans l’entourage du Duce, qui lui reprochent d’avoir, après la victoire de Tobrouk, lancé l’offensive vers Alexandrie.
« Nous aurions été fous de ne pas bondir sur cette chance unique qui nous était offerte, rétorque-t-il. Si à El-Alamein le succès avait dépendu de la volonté de vaincre de la troupe et de son commandement, nous aurions certainement gagné la partie. Malheureusement, par suite de la désorganisation et de la carence des services de ravitaillement en Europe, nos chances se trouvèrent réduites à néant. »
Il n’hésite plus à critiquer le commandement italien, le dénuement de l’armée de Mussolini, dont l’armement est dérisoire, en qualité et en quantité.
« Les unités sont pratiquement dépourvues d’armes antichars capables de percer les blindages des chars ennemis. »
Par ailleurs, Rommel est scandalisé par la manière dont le soldat italien, « étonnamment frugal et d’une modestie à toute épreuve », est traité par ses officiers.
« Les rations alimentaires sont si insuffisantes que fréquemment les soldats italiens viennent mendier auprès de leurs camarades allemands les nourritures qui leur font défaut.
« Alors que ces soldats doivent se passer de “roulantes”, les officiers italiens continuent d’exiger des repas comportant plusieurs plats !
« Beaucoup d’officiers estiment superflu de se montrer pendant la bataille et de donner à leurs hommes l’exemple du courage. »
Mais malgré ce constat critique, Rommel, en cette fin juillet 1942, tire un bilan positif de son offensive. Il n’a pas conquis El-Alamein, mais l’Afrikakorps résiste.
Entre le 26 mai et le 30 juillet 1942, il a capturé 60 000 soldats de l’armée britannique, détruit plus de 2 000 chars et véhicules blindés.
Seulement, les pertes allemandes sont très lourdes et l’Afrikakorps ne peut espérer recevoir des renforts significatifs en hommes et en matériel.
Lucidement, Rommel conclut :
« En bref, après d’importants succès initiaux, la grande bataille du printemps et de l’été 1942 aboutit à une impasse. »
Et puis, il y a l’épuisement.
« Je me réjouis de chaque jour de répit qui m’est accordé, écrit-il le 2 août 1942. Nous avons une quantité de malades. Beaucoup des plus anciens officiers s’effondrent maintenant. Moi-même, je me sens très fatigué, exténué, quoi que j’aie en ce moment la possibilité de m’occuper un peu de ma santé…
« Le maintien sur nos positions d’El-Alamein nous a apporté les plus durs combats que nous avons livrés jusqu’ici en Afrique. Nous sommes tous atteints de diarrhée en ce moment, mais c’est tolérable. Ma jaunisse d’il y a un an était pire. »
Le Feldmarschall Rommel est un optimiste.