9

C’est une clinique privée qui a tué mon frère. On pratique une résection de la prostate, on perce accidentellement l’intestin, tout s’infecte, votre frère meurt de septicémie. Quand j’arrive au chevet de mon frère mort il est enflé comme une outre, rendu méconnaissable par les gaz. On a fait de lui, si maigre, un cadavre obèse aux paupières boursouflées. Bien entendu ce n’est la faute de personne : ni du chirurgien qui n’admet pas son erreur, ni de l’unique infirmière qui n’a pas vu la fièvre monter, ni de l’anesthésiste de garde, ailleurs ce jour-là, ni de la clinique en général qui, pendant que je veille mon frère mort, demande encore à la clientèle de bien vouloir faire la publicité de ses bons résultats. C’est ce dont me prie une affichette collée à la vitre de la caisse. J’ai déchiré l’affiche (c’était un geste enfantin) et je n’ai plus su quoi faire.

Загрузка...