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Quelques jours passèrent, pendant lesquels le scribe s’absorba de nouveau dans une longue tâche. La façon dont il s’était comporté m’incita à observer étroitement ses mouvements. Je constatai qu’il n’allait jamais déjeuner ; qu’en fait il n’allait jamais nulle part. Il montait perpétuellement la garde dans son coin. Vers onze heures du matin toutefois, je remarquai que Gingembre s’avançait vers l’ouverture du paravent de Bartleby comme s’il y avait été silencieusement convié par un geste que je ne pouvais voir de ma place. Le gamin quittait alors l’étude en faisant tinter quelques sous et réapparaissait avec une poignée de biscuits au gingembre qu’il délivrait à l’intérieur de l’ermitage en recevant deux biscuits pour sa peine.

Il vit donc de biscuits au gingembre, pensai-je ; il ne prend jamais, à proprement parler, de déjeuner, il ne mange que des biscuits au gingembre. Or, qu’est-ce que le gingembre ? Une substance épicée, échauffante. Bartleby était-il épicé, ou échauffé ? Point du tout. Le gingembre n’avait aucun effet sur Bartleby. Sans doute celui-ci préférait-il qu’il n’en eût point.

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