Quelques jours plus tard, je fus de nouveau admis à pénétrer dans les Tombes et je parcourus le couloir à la recherche de Bartleby, mais sans le trouver.
— Je l’ai vu sortir de sa cellule il y a un petit moment, dit un geôlier. Peut-être qu’il est allé flâner dans les cours.
J’allai donc dans cette direction.
— Vous cherchez l’homme silencieux ? dit un autre geôlier en me croisant. Il est couché là-bas — endormi dans la cour. Il n’y a pas vingt minutes que je l’ai vu couché par terre.
La cour était parfaitement tranquille, car les prisonniers ordinaires n’y avaient pas accès. Les murs d’une extraordinaire épaisseur qui l’entouraient ne laissaient venir à elle aucun bruit.
Étrangement recroquevillé au pied du mur, couché sur le flanc, les genoux repliés et la tête touchant les pierres froides : tel m’apparut l’émacié Bartleby. Mais rien ne bougeait. Je m’arrêtai, puis m’approchai tout contre lui ; je vis en me penchant que ses yeux voilés étaient ouverts ; par ailleurs, il semblait profondément endormi. Quelque chose m’incita à le toucher. Je tâtai sa main : un frisson convulsif courut le long de mon bras et de mon échine jusqu’à mes pieds.
La face ronde du marchand de bouffe me dévisageait :
— Son déjeuner est prêt. Est-ce qu’il va encore se passer de déjeuner aujourd’hui ? Il vit donc sans déjeuner ?
— Il vit sans déjeuner, répondis-je, et je lui fermai les yeux.
— Hé !… il dort, n’est-ce pas ?
— Avec les rois et les conseillers, murmurai-je.