— Xavier, ouvre ! C’est moi, Julie.
Je tambourine à nouveau à la porte de son appartement. J’entends du bruit.
— Ne reste pas cloîtré comme ça. Il faut que je te parle.
Bruit de serrure, la porte s’entrebâille. Xavier a la mine détruite.
— J’ai peut-être la solution pour ta voiture.
— Eh ben, t’es un génie, parce que c’est impossible.
— Écoute-moi, Xavier !
Je le poursuis jusqu’à l’intérieur de son appart. C’est beaucoup moins bien rangé que chez Ric. La télé est allumée, il y a des chips jusque sur le canapé. Sa combinaison de mécanicien est jetée en boule dans un coin.
— Je voudrais aller vérifier quelque chose à ton atelier, maintenant.
Il finit un fond de verre de je ne sais quoi et grommelle :
— La largeur de ma bagnole, je la connais. Celle du porche aussi. C’est mort. Point barre.
— Ce n’est pas de ça dont il est question. S’il te plaît, accompagne-moi à ton garage.
Il finit par céder. Lorsqu’il ouvre le battant, son monstre est face à nous, blotti dans l’ombre comme un grand fauve décidé à se laisser mourir dans sa cage. Je me précipite vers le mur du fond. J’étudie, je me hisse sur la pointe des pieds. Des briques.
— Xavier, est-ce que tu serais prêt à faire un peu de maçonnerie pour libérer XAV-1 ?
— Qu’est-ce que tu racontes ?
— Derrière ton mur, c’est le jardin public. Si on casse cette paroi et qu’on démonte la palissade qui se trouve juste derrière, on débouche directement sur la grande allée latérale. Ta voiture, on peut la sortir par le jardin public.
— T’es folle ?
— Admettons que je n’aie rien entendu. Réfléchis.
Il s’approche du mur.
— De l’autre côté, tu dis qu’il n’y a qu’une palissade ?
— Je viens d’aller vérifier. Elle est fixée à des poteaux facilement démontables. On dévisse, on passe, on remonte, et le tour est joué !
— Qu’est-ce que tu fais de la haie ?
— Ta haie, Xavier, elle existait quand on était en primaire. Tout a crevé depuis longtemps et tant mieux pour nous. Si tu ne me crois pas, monte sur ton toit et tu verras.
Il sort comme un diable. Je n’ai pas le temps de le suivre qu’il a déjà grimpé sur la toiture. Dressé sur le pignon, il jauge l’autre côté. Il se gratte la tête en soupirant. Il me regarde de là-haut et saute juste à côté de moi.
— T’es un génie, Julie. Ça va probablement foirer mais t’es un génie.
Il me prend dans ses bras.
Le soir même, j’ai débarqué chez Ric à l’improviste. Avant qu’il ouvre sa porte, j’ai clairement entendu qu’il bougeait des choses en catastrophe. Qu’est-ce qu’il mijote ?
— Ah, c’est toi ! Un problème ?
— Plutôt une solution, mais j’ai besoin de ton aide.
Il m’invite à entrer. Enthousiaste, je lui expose mon idée. Il écoute avec attention sans rien laisser paraître de ce qu’il en pense. Quand il est sûr que j’en ai terminé, d’une voix calme, il objecte :
— On n’aura jamais les autorisations.
— C’est bien pour ça qu’on ne va pas les demander. Si on est assez nombreux, on peut faire suffisamment vite pour ne pas se faire repérer.
— Tu te rends compte du monde qu’il faudrait ? Même si on casse le mur de brique avant, il faut démonter les palissades, et il faut que le tank de Xavier traverse la moitié du jardin public avant de pouvoir sortir. Tu imagines tout ce qu’il faut coordonner ?
— Un peu. J’ai déjà fait une liste.
Il sourit.
— T’es vraiment une fille étonnante.
« Il aurait pu dire que j’étais jolie, que j’étais sensuelle, fascinante, mais bon, pour le moment, je vais me contenter de ça. »
Cela dit, je me surprends moi-même. Me voilà métamorphosée en organisatrice de coup tordu. J’ignore pourquoi je prends cette histoire tellement à cœur. Peut-être parce que je tiens beaucoup à Xavier, peut-être parce que deux grosses injustices en quelques jours, ça m’insupporte. Pour Lola, je ne peux rien faire, mais pour XAV-1, je vais me défoncer.