Quelqu’un frappe à la porte de l’appart de Xavier. C’est le bon code. Ric est là. Je lui saute littéralement dans les bras. Ma joue sale contre la sienne pleine de terre. Mes bras autour de son cou. Je serre de tout mon cœur. Il pose ses mains sur mon dos. C’est peut-être parce qu’il ne m’étreint pas avec la même passion que je prends soudain conscience de la familiarité dont je viens de faire preuve. Tant pis, c’était génial, et sous la crasse de mon visage, il ne pourra jamais voir que je suis rouge comme une pivoine. Je l’entraîne au salon où Jean-Michel est étendu avec de la glace sur sa cheville et toutes les filles autour de lui. Le repos du guerrier. Ric demande des nouvelles. Jean-Michel survivra. Par contre, le diagnostic vital de son orgueil est engagé…
— Des nouvelles de Xavier ? m’interroge Ric.
— Il a téléphoné. Tout va bien. Il ne devrait pas tarder.
Les filles se racontent déjà les sueurs froides qu’elles ont eues. Jean-Michel se tait, à moins qu’il ne médite. Nathan sert à boire à tout le monde, mais on attend Xavier pour trinquer.
Ric s’approche de moi :
— Tu as été parfaite. Un vrai soldat d’élite.
— Tu le penses vraiment ?
— Tu as assuré comme une pro.
— Ton sang-froid m’a impressionnée.
On frappe à nouveau. C’est un code, mais pas le bon. Je m’approche de la porte :
— Qui c’est ?
— C’est moi, fait la voix pressante de Sophie, ouvre, j’ai oublié le code et, dans deux secondes, je vais être obligée de pisser sur le palier tellement j’ai envie !
Quelques minutes après, Xavier nous rejoint. L’équipe est enfin au complet. On a gagné. Ensemble, on a réussi un truc dingue. Comme des experts, à part les traces de pneus dans la pelouse entre le garage et l’allée, nous n’avons rien laissé derrière nous. On est tous tellement satisfaits d’avoir accompli cet exploit que, pour le célébrer, on fait tout le bruit que l’on n’avait pas le droit de faire pendant l’opération. Pour un peu, on chanterait des chants de garnison, mais je ne connais que des comptines. Vous imaginez un bataillon des forces spéciales qui entonne en chœur « Une souris verte » ?
Et là, tout à coup, alors que tout le monde trinque et se raconte déjà la légende, je suis prise d’une irrépressible angoisse et je me mets à trembler. Je vais faire ma première crise d’hystérie. Sophie s’approche. Elle n’a pas l’air affolée du tout.
— Bravo ma vieille, fait-elle, pas une minute de retard.
Je sanglote, j’ai du mal à articuler :
— De quoi tu parles ?
— De ta prise de conscience programmée. Pile deux heures après. Quelle ponctualité ! Maintenant, espèce de givrée, tu réalises ce que tu nous as fait faire ?
Je sais ce qu’il me faudrait pour me calmer : une bonne douche froide, avec Ric, sans nos vêtements.