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J’ai eu Ric au téléphone, il rentre ce soir, tard. Il m’a promis de passer. Il aura été absent sept jours. Je suis heureuse de son coup de fil, soulagée qu’il rentre. Je vais tout lui raconter, les ovnis, Mme Roudan, l’autre ordure et même les Australiens qui sont arrivés pour le mariage de Sarah. J’espère qu’il me racontera tout lui aussi et qu’il acceptera ce que je vais lui demander.

J’ai ramené plein de choses salées et sucrées de la boulangerie au cas où il aurait faim. J’ai aussi décidé de lui relever son courrier. Croyez-le ou non, mais je n’ai même pas jeté un œil à ce qu’il avait reçu. Vous vous rendez compte ? Voilà quelques semaines, je me coinçais la main dans sa boîte en l’espionnant, et aujourd’hui j’ai les clés et je ne regarde même pas.

Je l’attends. J’épie les pas dans l’escalier. J’ai envie de danser tellement je me sens bien à l’idée de le revoir, mais Toufoufou désapprouve. On frappe. Il est là devant moi. J’ai l’impression que ma vie reprend enfin son cours après une parenthèse. Il a les traits tirés. Je le trouve amaigri. Son regard paraît plus sombre. Cette fois, c’est moi qui l’attire à l’intérieur et l’enlace. Je n’ose pas l’embrasser mais je pose ma tête contre sa poitrine. Il caresse mes cheveux.

— Je t’ai rapporté un petit souvenir.

Il me tend un paquet-cadeau. À la forme, ça ne peut pas être la poupée qui fait « youpi ! » mais je suis certaine que ce sera bien quand même. Je le déballe. Une boîte. À l’intérieur : un pull brun, doux, épais, superbe. Je crois que c’est un modèle pour homme. Je suis dubitative.

— Il est magnifique, merci beaucoup.

— Comme tu sembles aimer les vêtements masculins…

« Pour que je l’aime autant que ta chemise, il faudrait d’abord que tu le portes pendant un an, à même la peau. Mais laisse tomber, c’est un truc de fille. »

Je le pose sur moi, il est deux fois trop grand. Je vais pouvoir louer la deuxième moitié à Sophie ou à une famille de chats. En plus, ce n’est pas avec ce genre de cadeau que je vais en déduire où il se trouvait…

— Il n’y a eu aucun problème à ton appartement, aucune fuite.

— J’ai vu. Merci d’avoir monté le courrier.

« Sur tes enregistrements de surveillance, tu constateras que je n’ai fouillé nulle part. Je ne me suis même pas roulée dans tes affaires. »

— Tu veux rester manger un morceau ?

— C’est gentil mais je suis crevé. Il faut que je dorme.

« As-tu pu faire ce que tu voulais ? Es-tu libre maintenant ? Plus de cachotteries, plus de sac à dos mystérieux, plus d’outils permettant de scier les barreaux ? »

— Ton voyage s’est bien passé ?

— Oui, merci. Tu as mes clés ?

Il a beau être gentil, le message est clair. J’attrape le trousseau sur ma bibliothèque.

— Je sais que tu es fatigué mais je souhaitais quand même te poser une question…

— Dis-moi.

— Samedi prochain, c’est le mariage d’une amie. Est-ce que…

J’hésite. Pas envie de me faire jeter le soir de nos retrouvailles. Il attend. Je prends une inspiration et je me lance :

— Est-ce que tu serais d’accord pour que l’on y aille ensemble ?

Ça y est, je l’ai dit. Et maintenant, je chronomètre son délai de réponse au millième de seconde et j’enregistre sa réaction en très haute définition pour me repasser le film ensuite afin de bien analyser.

— Avec plaisir. Tu me diras ce que je dois mettre.

C’est presque louche que ça se passe si facilement. Ils sont bizarres, les garçons. Parfois, ils font des tas d’histoires pour rien et, sur un coup pareil, c’est du velours. Est-ce que quelqu’un a le mode d’emploi ?

Il m’embrasse seulement sur la joue mais pas seulement comme un ami.

— Je suis heureux de te revoir. Je serais bien resté mais vraiment, je suis épuisé. On s’appelle demain, d’accord ?

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