Ric et moi n’avions pas pu achever notre conversation, mais lorsqu’il m’a raccompagnée, j’ai saisi une information qui m’a instantanément rendue folle : lundi matin, il va aller courir. Pourtant, il ne devrait plus avoir aucune raison de le faire puisqu’il a pris sept jours « pour régler ce qu’il devait ». Il n’en a pas non plus besoin pour sa forme physique puisqu’il s’est largement entraîné en coursant Jade. Alors je vous le demande : pourquoi va-t-il encore cavaler ?
Je ne vais pas supporter d’attendre une semaine de plus pour obtenir quelques misérables bribes de réponse. Ça me tue. À la vitesse où j’assemble les pièces du puzzle, il me faudra un demi-siècle pour connaître sa couleur préférée. Alors cette fois, je suis décidée à employer les grands moyens :
— Sophie, je ne te dérange pas ?
— J’ai rendez-vous avec Brian dans dix minutes.
— Vos têtes vont mieux ?
— Super. Ça me fait mal de l’avouer, mais cette frappadingue de Jade m’a rendu un sacré service…
— En te tabassant avec une planche ? T’es vraiment une fille bizarre…
— Sans elle, Brian et moi aurions passé la soirée sans nous adresser la parole alors que là… Dis donc, Ric et toi, ça n’a pas l’air d’aller mal non plus ?
— C’est justement à cause de lui que je t’appelle. Qu’est-ce que tu fais demain matin ?
— Ah non ! Tes plans pourris, y en a marre !
— Sophie, c’est à l’amie que je m’adresse. Souviens-toi de tous les bons moments que nous avons partagés…
— J’aimerais ne me souvenir que des bons, mais il y a aussi les autres… Ça va être quoi cette fois ? Un marathon, le vampire ou les ovnis ?
— Une filature.
— Pardon ?
— Ric va aller courir et je ne sais pas où. Je suis certaine qu’il me cache quelque chose. On prend ta voiture, je me planque à l’arrière et on le suit.
— Non mais ça va pas ? Tu vas finir dans le même asile que Jade. Qu’est-ce que tu crois, qu’il te trompe ? Mais vous n’êtes même pas en couple ! Laisse-le respirer !
— Sophie, je suis désolée d’avoir à te le dire, mais venant de la fille qui a passé quatre heures dans le placard d’un vestiaire pour mater l’équipe de volley qui devait venir prendre sa douche, je trouve ça déplacé.
— Comment oses-tu ? Et toi, avec Didier, lorsque tu as voulu te mettre à la guitare électrique et que tu t’es électrocutée ?
— T’as raison ! J’avais oublié !
— Je m’en doute, alors que moi je n’oublierai jamais quand ils sont venus se savonner !
— Sophie, s’il te plaît, aide-moi.
— Je déteste quand tu prends cette voix-là. Je me fais toujours avoir. C’est déloyal.
— Puisque tu sais comment ça va finir, autant gagner du temps.
— Je te promets que si j’ai besoin de toi et que tu refuses…
— Je te signe un papier : « Bon pour un plan foireux sans discussion. »
— Tu m’énerves. À quelle heure va-t-il courir ?
— Pour ne pas le manquer, il vaudrait mieux être en place vers 8 h 30.
— Et comment je fais si Brian reste tard ?
— Dis-lui la vérité. Tu dois sauver la vie de ta meilleure amie. Je crois qu’un vampire australien peut comprendre ça.