La double gourmandise

Félicien Marceau : « — De la confiture ? Avec de la brioche ? J’y ai déjà mis du beurre, a dit la petite fille.

— Du bon sur du bon, ça ne peut faire que du bon », Bergère légère.

Adepte de la tartine beurre-confiture, j’en ai fait la découverte pendant la guerre qui n’était pas la meilleure époque pour étendre sur du pain la double gourmandise. Le plus souvent, ne se présentait au petit déjeuner que du beurre ou de la confiture, celle-ci très peu sucrée et celui-ci pâle, allégé, mou. Si, par chance, il y avait les deux, il fallait choisir, sauf les matins des fêtes carillonnées, ma mère ouvrant dans un bel élan mystique et maternel son maigre garde-manger à Dieu et à ses enfants.

La double tartine sur du pain frais ou grillé, beurre-confiture, beurre-miel, beurre-chocolat, etc., m’a toujours paru être le comble de la gourmandise et surtout du luxe. Pouvoir s’offrir, chaque matin, le plaisir d’associer à la jaune onctuosité du beurre le sucre rouge, noir ou orangé d’un ou de plusieurs fruits relève de la banalité à notre époque d’abondance. Il n’est cependant pas interdit de tirer du beurre-confiture un plaisir réfléchi, discret, exquis, et d’avoir une pensée de reconnaissance pour le premier homme qui eut l’idée de recouvrir un produit issu de l’étable d’un autre récolté dans le verger. « Du bon sur du bon, ça ne peut faire que du bon. »

La phrase de Félicien Marceau, qui célèbre l’hédonisme et encourage l’audace en cuisine ou à table, mériterait d’accéder au rang de maxime.

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