Une fille bandante

Jean Echenoz : « La fille, quand même, s’est risqué Christian, on dira ce qu’on voudra, le fait est qu’elle était bandante », Envoyée spéciale.

Pourquoi, les quelques fois où j’aurais pu employer l’adjectif bandante je ne l’ai pas fait, biffant le mot et lui préférant excitante, désirable, sexy ? Ce sont des mots qui en disent moins. Plus vagues, plus hypocrites. Alors que bandante signifie précisément que la fille provoque l’excitation sexuelle de celui qui la regarde. C’est un adjectif biologique, clinique, parfaitement adapté à la situation.

Bander et bandant, ante sont qualifiés de familiers par les dictionnaires Robert. Familiers, oui, heureusement, car la famille naît, s’agrandit, de l’homme qui bande. Sans bandaison, l’espèce humaine se serait éteinte. Bandaison ne figure que dans le Grand Robert. Normal que le Grand Robert soit plus viril, plus audacieux que le Petit Robert. Mais bandaison n’est pas très joli. On pense tout de suite à une bandaison de crémaillère, qui serait une fête orgiaque dans un nouveau domicile.

Le Petit Larousse n’est pas porté sur la chose. Plutôt bégueule même. Il ignore l’adjectif bandant, ante et qualifie bander[2] de vulgaire. Il préfère être en érection, expression légitime, en effet, et plus convenable, mais de signification restreinte. Être en érection n’est qu’un état de fait, un constat, alors que bander signifie à la fois l’action et son résultat. Il y a dans le verbe une force, une impatience, un orgueil absents de l’expression, calme et tranquille.

Quant à l’adjectif ithyphallique, « qui présente un pénis en érection », il est didactique et pas très bandant.

« Plus n’en ai le croupion chaud », écrit François Villon à propos d’une femme dont il n’était plus amoureux. Plus bandante, à ses yeux. Le poète a trouvé une jolie et amusante formulation. Je m’en inspire, page 65, quand j’écris que, pensionnaire dans un collège religieux, une femme en robe de soirée sur une affiche, les épaules nues, « me chauffait le croupion pendant toute la soirée ». J’aurais pu écrire aussi qu’à l’époque et plus tard je trouvais très bandantes Martine Carol dans Lucrèce Borgia, Françoise Arnoul dans L’Épave, Jeanne Moreau dans La Reine Margot et Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme.

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