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Quand il fut habillé, sir David s’aperçut qu’il disposait d’une demi-heure avant de devoir gagner la résidence de ses parents. Il mit ce temps à profit pour rappeler le Norvégien. Olav Hamsun tarda à répondre.

— Est-elle toujours là ? chuchota le nain, quand il décrocha.

— Non.

— Vous êtes seul ?

— Tout à fait.

— Je vous trouve une voix étrange…

— Vraiment ?

— Vous paraissez déprimé.

— Déprimé ? murmura le Scandinave comme s’il comprenait mal le sens de ce mot.

— Triste, ajouta David. Ce rendez-vous se serait-il mal passé ?

— Au contraire…

— Dois-je entendre que vous êtes comblé ?

— En quelque sorte. Le petit homme exulta.

— Compliments ! Vous allez vite en besogne. Il y eut un silence tendu.

— Elle fait bien l’amour ? reprit David.

— Je préférerais n’en pas parler, répondit Olav.

— C’est si grave ?

— Je le crains.

Sir David ricana :

— Nous tombons dans le répertoire, mon ami. Vous n’allez pas me sortir les vieilles ficelles du théâtre romantique et des filins d’espionnage d’avant la dernière guerre.

— Les vieilles ficelles que vous évoquez sont solides parce qu’elles sont éprouvées, La réalité est que je suis ébloui par la marquise. Je ne vous avouerais pas cela si vous ne m’aviez confié cette singulière et odieuse mission.

Depuis un instant, David avait branché le diffuseur pour que Victoria puisse suivre la communication. La dernière partie de la réplique les fit sursauter.

— Raccrochez ! ordonna la nurse à son oreille.

Il obtempéra.

Le couple se dévisagea intensément.

L’outrage creusait le visage du nain.

— Je le tuerai ! déclara-t-il d’une voix morte.

— Naturellement, renchérit-elle.

— Vous avez entendu ce mangeur de haddock ? Mais pour qui me prend-il ? Pour qui SE prend-il ?

— Il est amoureux, sir.

— Vous pensez que Mary l’aurait séduit en un tournemain ?

— Il semblerait. Le coup de foudre existe. Cette fille rigoriste, refoulée, a dû avoir la révélation de l’amour et exploser.

— Soyez gentille, Victoria, n’appelez pas la marquise Bentham « cette fille », grommela le nain.

La nurse rougit et baissa la tête.

— Qu’allons-nous décider à présent ? poursuivit-il, à court d’idées.

— Attendons, la situation nous dictera notre conduite.

— Vous pensez qu’il va tout révéler à ma belle-sœur ?

— Il hésitera à le faire car il sait qu’il la perdrait en agissant ainsi. Sa position est précaire : sans vous, il redevient un étudiant-trimardeur et la perd également. Il doit déjà regretter son mot malheureux.

Comme elle achevait sa phrase, la sonnerie du téléphone se mit à vibrer.

Victoria eut un sourire de triomphe :

— Que vous disais-je ? Il est affolé par son audace, ce qui prouve que son raisonnement se calque sur le nôtre.

Sir David avançait la main vers le combiné, mais elle intervint :

— Surtout pas, sir ! Laissez cette petite frappe Scandinave macérer dans l’angoisse : rien de tel pour la mettre au pas.

David s’approcha d’elle et la prit par les jambes ; on aurait dit un enfant cherchant refuge dans les jupes maternelles.

— Un jour, décida-t-il, j’enfoncerai mon pénis dans la bouche de cette garce et je l’étoufferai de ma semence ; vous le savez, ma chérie ?

— Oui, sir, je le sais.

— Et pendant ce temps-là, vous arracherez avec vos dents les lèvres de son sexe ; vous me le promettez, Victoria ?

— Je vous le promets, sir.

— Et quand son infâme con sera déchiqueté, nous lui enfoncerons dans le ventre le contenu de notre poubelle ; vous êtes bien d’accord, ma belle âme ?

— Pleinement, sir, pleinement.

Il desserra son étreinte et s’allongea en chien de fusil sur la moquette ; il haletait.

— Sir David ! Sir David ! s’écria la nurse, affolée.

De la main, il la rassura. Il posa la joue sur son coude replié et, progressivement, se détendit.

Un léger sourire finit par plisser ses lèvres.

L’on dirait un ange, songea Victoria.

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