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Une autre citation qu’aurait pu prononcer Érèbe : « Je me crois en enfer, donc j’y suis. »

Les catacombes de Paris.

Camille en avait déjà entendu parler. Un gruyère sous la capitale. Trois cents kilomètres de galeries, parfois sur plusieurs étages. On avait creusé sous le sol pour construire à la surface. Sans oublier que, dans l’ancien temps, avec les épidémies dévastatrices, Paris était envahi de cadavres, les cimetières étaient bondés et il avait été décidé d’en déplacer certains dans les catacombes.

Depuis, les plus effroyables légendes se diffusaient de bouche à oreille. Individus qui se seraient perdus et hanteraient les couloirs, lampes de poche qui soudain ne fonctionneraient plus, animaux monstrueux genre crocodiles qui peupleraient ses eaux noires… Nul doute qu’il devait y avoir également, à l’image du Marché Interdit, d’autres sinistres endroits de rencontres et de dépravation.

S’aidant de sa loupiote, Camille marchait depuis plusieurs minutes dans un boyau étroit. Ses mains frôlaient les deux parois, où on avait gravé des messages, du genre « Vide découvert le 4 juillet 1851 », ou encore « Arrête-toi. Ici, c’est l’empire de la mort ». À chaque bifurcation, elle se souvenait des paroles du gardien des lieux, Érèbe : toujours suivre le chemin de droite. Elle aurait cru prendre le frais, s’éloigner un peu de la chaleur du dehors, mais l’air était brûlant, presque irrespirable, comme s’il remontait directement des entrailles de la Terre.

Il y eut soudain un grondement. Le séisme venait de partout, de nulle part, et dura peut-être dix secondes.

Le métro, songea Camille. Là, juste au-dessus.

Elle imagina les rames transportant leurs voyageurs fatigués, les néons crépitants, les stations sordides pleines de courants d’air et d’odeurs d’urine. Elle attendit que l’orage passe, immobile. Après encore deux cents mètres de marche, elle s’arrêta devant ce qui ressemblait à une fissure sans fond, d’environ quarante centimètres de large. Une faille déchirant la roche du sol en deux, et qui disparaissait sous chaque paroi latérale.

Le fameux Styx. Le fleuve des Enfers.

Comment une telle déchirure pouvait-elle exister sous Paris ? Comment avait-elle été créée ? Camille arrêta de se poser des questions d’ordre géologique. Elle le franchit d’un bond et se sentit bizarre, aspirée vers les ténèbres, comme si tout retour en arrière était impossible. La frontière était franchie. À en croire La Divine Comédie, elle se trouvait donc désormais dans le sixième cercle de l’enfer. Sur le bord extérieur du symbole des trois cercles utilisé par ceux qu’elle traquait.

C’était comme si elle frôlait désormais le territoire de ces salopards.

Elle évoluait dans leur sillage sanguinaire.

Elle éteignit la veilleuse. Des lueurs palpitaient sous une cavité à angle droit. Elle s’approcha. Quelques lampes tempête étaient accrochées de part et d’autre, faisant danser les ombres.

Enfin il était là, devant elle.

Le Marché Interdit.

Le long d’un interminable tunnel voûté au sol en ruine, des silhouettes étaient installées devant des tables pliantes, environ tous les cinq mètres. Des individus circulaient, s’approchaient, se renseignaient. La faible luminosité empêchait de voir les visages, tout n’était qu’ombres chinoises. Parfois, des lampes s’allumaient en direction des étals, scrutant chaque détail.

Camille évita de rester sur place et se mit à marcher lentement en direction du premier stand, angoissée. Ses jambes étaient molles, presque flageolantes. Devant elle, il n’y avait pas grand-chose, juste une lettre manuscrite qui semblait très ancienne et une casquette grise, sale et chiffonnée, rangée dans un plastique transparent. Une face au visage pâle, aux yeux comme enfoncés dans leurs orbites, sortit de l’ombre.

— C’est la vraie… Celle qu’Albert Fish avait sur la tête la veille de son exécution sur la Rôtisseuse.

Le vendeur retourna le paquet.

— Regarde l’étiquette. Fabriquée à Sing Sing en 1928. Y a encore un cheveu collé à l’intérieur. Un cheveu de Fish, tu te rends compte ? Il paraît que, si tu le coupes en morceaux et que tu le fais analyser, tu pourras connaître plein de secrets sur lui grâce aux technologies actuelles. S’il se droguait, ce qu’il buvait, en quelles quantités. Mais bon, ce serait dommage de le couper en morceaux. Il n’y en a qu’un, et c’est celui de Fish. Fish, Fish, Fish.

Camille fit mine de s’intéresser. Elle leva le sachet devant son regard. L’homme renifla et pointa la lettre.

— Et ça, ça, c’est la lettre qu’il a envoyée à la famille Budd. L’originale, poupée, celle de 1934. Écoute bien : « D’abord, je l’ai déshabillée. Comme elle donnait des coups de pied, mordait et griffait, je l’ai étranglée, puis découpée en petits morceaux afin de pouvoir emmener la viande dans mes chambres. Je l’ai cuisinée et mangée. Ses petites fesses étaient tendres après avoir été rôties. » C’est Fish qui a écrit ça, de sa propre main, l’écriture a été authentifiée. C’est gratiné, tu trouves pas ? Aux parents de la gamine, qu’il a envoyé ce petit mot. J’aurais donné cher pour être là. Pour voir leur gueule quand ils ont ouvert et qu’ils ont lu.

Il avait récité le passage de la lettre par cœur, non sans fierté. Camille reposa le plastique sur la table.

— Fish ne m’intéresse pas. Je n’aime pas le poisson. Désolée.

— T’es marrante en plus. Dis-moi ce qui te branche, alors. Je connais du beau monde à Sing Sing. Je pourrais t’avoir du Martha Beck, du Raymond Fernandez, du Carl Panzram. Tout ce que tu veux, ma grande. Y a qu’à demander.

— Je repasserai. Tout à l’heure, peut-être.

Camille s’éloigna. Sur le stand suivant, une paire de menottes tachées d’une pointe de sang noir séché. De la corde, couverte de sang elle aussi. Un papier indiquait : « Originaux utilisés par Fourniret. Cordes, 1 450 euros. Menottes, 1 850 euros. » Le vendeur la dévisagea sans desserrer les lèvres. Une gueule à faire peur, des airs d’Indien, et une face qui se serait pris une pluie de météorites. Camille ne savait quelle attitude adopter. Elle regardait ces objets maléfiques qui avaient servi à tuer, torturer, et ça la dégoûtait au plus profond d’elle-même. D’où sortaient-ils ? Des scellés de la police ? Comment étaient-ils arrivés entre les mains de ce cadavre ambulant ?

Camille observait discrètement chaque visage, chaque physionomie. Plus loin, sur un autre présentoir, devant quelques peintures plutôt réussies (dragons, femmes attachées…), une dizaine de photos étaient étalées, tirées au Polaroid. Elles montraient deux filles nues, positionnées de façon grotesque sur un lit. Mutilées sexuellement.

De véritables clichés de scène de crime, que Camille elle-même aurait pu photographier. Mais il y avait quelque chose de différent dans la façon de prendre la photo. Les lumières, les angles de prise de vue…

— Tirées non pas par les flics, mais par Danny Rolling en personne, fit un jeune à l’accent anglais. À peine cinq minutes après les avoir tuées, autant te dire que les petites étaient encore toutes chaudes. T’as les dates et les heures, derrière. De sa propre écriture.

Camille ne savait même pas qui était Danny Rolling. Elle n’avait qu’une envie : se tirer de cet endroit maudit. Autour d’elle, ça circulait, des billets passaient de main en main, des objets disparaissaient sous des vestes. Camille devait rester concentrée. Essayer de trouver CP.

Les horreurs se succédaient. Un homme en costume, plutôt séduisant, proposait des instruments de torture « authentiques », couverts de sang, de sperme, de fluides, mis en évidence par une lumière ultraviolette posée sur le côté. Un autre, à sa gauche, se tenait devant un stand vide, debout, mains posées à plat sur sa table pliante. Un écriteau disait simplement : « Offrez-vous un enfant du Candy Man. »

Camille s’approcha. Elle voulait pouvoir sentir chacun de ces vendeurs. Chercher des signes, des indices. L’homme, face à elle, était grand et maigre, légèrement bossu. Il avait la gueule d’une taupe, avec de petits yeux brillants, un long nez fin. Un habitant des profondeurs.

— Pour ça, faudra aller aux États-Unis, fit-il, mais crois-moi, ça vaut le coup. Et surtout, ça n’appartiendra qu’à toi. La seule propriétaire.

— En quoi ça consiste ?

— T’aimes déterrer les cadavres ?

Camille ne bougea pas. Quelque chose, au fond d’elle-même, lui donnait l’envie de savoir ce que ce monstre proposait. Elle savait que c’était sa part sombre qui s’exprimait, qu’elle n’était pas obligée, mais elle n’y pouvait rien.

L’homme la transperça du regard.

— Ouais, t’aimes ça, on dirait. Il se passe quelque chose quand on les a en face de soi, je te jure. Quand on imagine ce qu’a été leur vie. Et leur mort. Des mômes en plus. C’est bien, c’est bien.

Camille dut se faire violence pour ne pas lui cracher à la figure.

— Qu’est-ce que tu vends exactement ?

Il sortit une petite boîte de derrière son siège.

— Devine… Corll, tu connais ? Le Candy Man.

— Éclaire-moi.

— La parfaite association d’un tueur sadique avec deux complices pas mal ravagés, eux aussi.

Une association de tarés… Ça pouvait être intéressant. Elle se pencha un peu vers l’avant.

— Je t’écoute.

— La méthode est toujours identique. Les complices, plutôt jeunes, abordent des adolescents lors de soirées. Ils les soûlent, les droguent, puis les amènent chez Corll. Là-bas, la victime, de sexe masculin, est attachée sur une grande planche en bois. Corll reste seul avec le môme, c’est lui le boss. Le chef d’orchestre.

Camille pensa au quatuor maudit Loiseau/Charon/CP/Inconnu. La langue du type sifflait et sortait de sa bouche comme celle d’un serpent.

— Il les maintient en vie plusieurs jours, les viole, les torture, sympa comme tout. Puis il les tue et les enterre. Parfois seul, parfois aidé. La police découvrira dix-sept corps sous un hangar à bateaux, six autres du côté de la place de Mile Island et quatre autres proches d’un lac. (Il agita sa petite boîte.) Mais il y en a eu d’autres…

— Comment tu sais ?

— Parce qu’il a tout raconté à un « camarade » de prison. Et moi, j’ai des relations.

Il poussa la boîte vers Camille, mais garda une main dessus.

— Là-dedans, il y a quatre emplacements précis de victimes que Dean Corll n’a jamais révélés à la police. T’en achètes un, et à toi le cadavre… Si t’en achètes deux, je te fais un prix.

Une véritable boîte de Pandore. Camille avait envie de lui serrer la gorge, elle évoluait sur le territoire du macabre et de la perversion par procuration. Un repaire pour les âmes noires, les déviants. Elle observa du coin de l’œil ces gens qui se promenaient comme sur un marché de Provence, négociaient leurs petites marchandises. Elle revoyait aussi ces silhouettes en négatif sur les murs de l’abattoir, ces pourritures qui avaient assisté au meurtre de Jean-Michel Florès. CP avait-il regardé l’exécution, laissant le « maître » officier ou, au contraire, avait-il agi de lui-même devant le ou les « maîtres », pour montrer qu’il en était capable ? S’était-il « payé » un massacre ?

Elle jeta un œil vers la gauche, sur ces monstrueuses photos de scènes de crime qu’elle avait vues tout à l’heure. CP ou Loiseau en avaient peut-être acheté, au départ, ils s’étaient fait remarquer par Charon qui traînait dans le coin. Ils avaient fait leurs premiers pas vers l’enfer, avant d’aller plus loin. Puis encore plus loin…

Elle poursuivit sa marche. Les vendeurs se succédaient, Camille tomba même sur une femme, quadra, qui proposait une tronçonneuse, à la lame couverte de restes séchés. Il était juste écrit, sur un papier : « L’originale ».

Arriva le stand consacré à Schaefer. Outre des dessins et tout un tas d’objets — cheveux, poils, monture de lunettes —, il y avait une vieille cassette vidéo noire, sans étiquette, emballée avec précaution sous du film transparent. Le vendeur était un gothique aux longs cheveux noirs. Une cape lui couvrait les épaules. Camille pensa à Nosferatu.

— C’est la vraie, l’originale. Filmée par Schaefer lui-même. T’auras rien de plus ultime, de plus dégueu. T’auras vraiment l’impression d’y être. Un snuff, à côté, c’est du pipi de chat, crois-moi.

Camille pensa à Lesly Beccaro. Comment aurait-elle réagi face à un tel objet ? Aurait-elle tout fait pour se le procurer, et le visionner, installée chez elle avec son chat sur les genoux ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Camille n’avait même plus envie de parler, de réagir.

— Va te faire foutre, lui envoya le gothique, alors qu’elle s’éloignait.

Elle atteignait ses limites. Nerveusement, elle n’en pouvait plus. Et cette chaleur infernale, cette odeur de sueur, qui s’exhalait des corps qu’elle croisait. Elle s’imagina au fond d’une mine, prisonnière d’un coup de grisou. Elle palpa sa carotide et dut s’y prendre à plusieurs reprises pour capter une pulsation. Elle sentait qu’elle pouvait paniquer à tout moment. Elle allait devoir remonter à la surface.

La fin du marché approchait. Les vendeurs se faisaient rares, se tenaient désormais très éloignés les uns des autres. Elle devina une silhouette assise au fond d’une niche. C’était l’endroit le plus sombre et isolé de toute la galerie. Un individu sortit soudain de cet endroit, la tête baissée. Il partit vers la droite et disparut dans le noir à bon rythme.

Camille prit une grande inspiration et s’orienta dans cette direction. Une lampe éclaira soudain son visage, l’aveuglant.

— Tire-toi, gonzesse. Il n’y a rien pour toi.

La voix venait du fond de la niche. Elle était grave, autoritaire. Camille mit une main devant son visage. Dans l’autre, elle serrait sa lampe éteinte. Elle fit encore un pas vers l’avant.

— Qu’est-ce que t’en sais ? répliqua-t-elle. J’ai les mains vides. Rien de ce que j’ai vu m’intéresse.

Un silence. Le faisceau de la lampe se promenait sur le corps de la jeune femme. Sur les parties intimes, carrément. Puis il revint vers le visage.

— Et qu’est-ce qui t’intéresse ?

Camille était au bord de la rupture, mais elle avait l’impression que cette nervosité excessive jouait pour elle. Elle écouta parler le cœur dans sa poitrine, ce cœur qui était déjà venu ici, qui avait sans doute déjà croisé le regard de l’homme au fond de son antre.

— Je cherche des œuvres originales. Tout ça, Schaefer, Bundy, c’est du réchauffé, de la petite monnaie. Je veux… de l’inconnu, de la surprise. Toucher ce que nul autre ne peut imaginer. Ça n’existe sans doute pas, mais je voulais en avoir le cœur net. Maintenant, au moins, je sais.

Elle le salua d’un coup de menton et s’orienta vers le tunnel de sortie. La voix résonna dans son dos.

— Attends. Viens…

Camille s’arrêta net et fit demi-tour. Tous les signaux clignotaient en rouge en elle. Elle s’avança dans l’obscurité. Un drap noir était posé à même le sol. Il était impossible de distinguer le visage de l’homme.

La jeune femme alluma sa lampe et la promena sur le drap.

— Éteins ta lampe ! ordonna la voix.

Elle s’exécuta sur-le-champ.

— Il n’y a rien, fit Camille. À quoi ça rime ?

— À quoi tu t’attendais ? Des têtes coupées ?

Camille marqua sa stupéfaction une fraction de seconde, et la lampe vint lui frapper le visage pour capter sa surprise. Tout son corps bouillait. De peur, d’angoisse.

De certitude.

Il était là, en face d’elle. Le fameux CP. Et il la testait. Camille pria pour qu’il n’ait pas saisi cette infime fraction où elle avait été surprise par cette histoire de tête coupée.

Un rire partit du fond de l’antre.

— Je plaisante, tu te doutes bien.

Camille eut l’impression d’être scrutée, mise à nue. Elle essayait de ne pas trembler.

— Qu’est-ce que tu crois ? fit la voix. Que ce que je propose, ça s’expose ? Que tu peux te pointer et pénétrer dans mon monde comme ça ?

Il claqua des doigts.

— Je ne suis rien ni personne, ajouta-t-il. Juste un touriste égaré…

— Et qu’est-ce qu’il faut faire, pour pénétrer dans ton monde ?

— Tu dois me surprendre. Me raconter tes petites histoires. Des choses intimes, tu vois ? Mais pas maintenant. Faudra que tu reviennes et que tu creuses au fond de toi-même pour tout me délivrer. Encore et encore. Maintenant, tu dégages. Je ne veux plus te voir.

Camille resta là, immobile. Elle ne pouvait pas laisser tomber. Il fallait au moins qu’elle le voie, qu’elle enregistre son visage. Alors, elle alluma sa lampe et l’éclaira brutalement : un chauve, yeux très bleus, crâne légèrement en pointe. Petite cicatrice au menton, et un écarteur sur le lobe de l’oreille droite.

— Éteins ça, salope !

Il se leva en un éclair. Camille eut l’impression de voir l’une des silhouettes en négatif sur le mur de l’abattoir.

Elle éteignit et leva les bras, en signe de capitulation.

— Très bien, très bien.

Elle recula à toute vitesse et se dirigea vers la droite.

Il lui fallait de l’air, tout de suite. Elle accéléra le pas, se retournant régulièrement.

Plus loin, les parois se resserrèrent, comme pour l’étouffer davantage.

Elle avait vu son visage. Elle serait capable de l’identifier. Il suffisait d’attendre qu’il sorte, de le suivre ou de relever son numéro de plaque d’immatriculation, et le tour était joué.

Elle se retourna, la peur au ventre.

Personne…

Ce type avait un visage de cauchemar, il lui avait donné une sacrée chair de poule. Les couloirs se divisèrent encore. À droite, toujours à droite, avait dit Érèbe. C’était interminable, labyrinthique.

Elle se faufila dans un passage très bas, il y avait à peine la hauteur pour circuler debout. Le cœur battait lourdement mais pas très vite. Camille s’essoufflait plus que de raison. Depuis l’aéroport de Madrid, elle avait l’impression de traîner une enclume avec elle.

Pas maintenant, putain.

Elle dut s’arrêter, grimace aux lèvres, pliée en deux. Elle haletait à présent, comme après un cent mètres. La crise arriva. Violente, dévastatrice. Une tornade dans sa poitrine, qui soulevait les côtes, fouettait le sang.

La jeune femme se laissa glisser contre le mur, le visage tordu. Elle ne voulait pas crever comme ça. Pas ici. Elle inspira fort, son front ruisselait, ses sous-vêtements étaient trempés. Il lui sembla tourner de l’œil et elle ne sut estimer la durée de la tempête immunologique avant que le cœur retrouve un rythme normal.

Camille absorba une grande goulée d’air. La pompe repartait enfin.

Mais combien de temps tiendrait-elle, cette fois-ci ?

La jeune femme se redressa, psychologiquement atteinte, physiquement à plat. Ses jambes la soutenaient à peine. Elle s’épongea le front, le visage du mieux qu’elle put et se remit en route. Chacun de ses pas pesait des tonnes.

Elle progressa encore, jusqu’à tomber sur une impasse : un mur de crânes incrustés dans la pierre, qui l’empêchaient de passer. Elle était pourtant certaine de ne pas s’être trompée, jamais elle n’avait quitté le mur de droite.

La panique l’étrangla.

Elle se retourna et crut bien que le cœur allait lâcher.

Elle eut à peine le temps de voir le crâne pointu, face à elle, qu’un poing s’écrasait sur son visage.

Camille tomba.

Noir.

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