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Je n’arrête pas de penser à la lettre de Mémé Valentine. Ce soir, en rentrant, j’ai croisé M. Alfredo dans le hall. J’ai bien essuyé mes pieds. Pas de courrier. Je suis montée vite, bien contente à l’idée de me réfugier chez moi. J’ai envie d’une soirée tranquille. J’en ai besoin.

Je commence par une longue douche. Pendant que l’eau bien chaude coule sur mon visage et dans mes cheveux, je repense bien malgré moi aux horreurs que Hugues répand sur mon compte. S’il y a une justice en ce bas monde, il devra aussi payer pour cela. Je ne prétends pas être le bras qui accomplira la sentence, mais je suis impatiente qu’elle s’abatte sur lui, si possible en pleine tronche et avec de l’élan.

J’ai eu maman au téléphone. Elle s’inquiète pour moi. Je ne lui ai pourtant pas tout raconté. J’ai peur que mon histoire ne lui rappelle de douloureux souvenirs. J’ai aussi eu Caroline, ma sœur. Mes neveux lui en font voir de toutes les couleurs. Pourtant, avec moi, ils sont toujours gentils. Il est vrai qu’il est sûrement plus facile d’être leur tante que leur mère, surtout à quatorze et dix-sept ans.

Ce soir, j’ai décidé de commencer à déballer mes cartons. D’ici quelques semaines, il fera moins froid et je préfère savoir où se trouvent mes affaires de mi-saison avant de me retrouver un matin à moitié à poil devant mes caisses pour chercher dans l’urgence de quoi m’habiller.

Je sors les vêtements en pensant à autre chose. J’en étale partout avant de ranger ceux que je préfère dans le dressing. Je n’en avais jamais eu, de dressing. C’est super pratique. On a tout sous les yeux, on peut choisir sans défaire les piles ou ouvrir des tiroirs. Parfois, à l’appart, localiser les fringues s’apparentait à un jeu de memory pour les enfants. Dans quel tiroir pouvait se trouver le chemisier qui allait avec ce pantalon ? Essaie encore.

Au hasard d’un carton, je tombe sur un jean gris clair que je n’ai pas mis depuis des lustres. Hugues n’aimait pas la teinte, mais moi si. Comme d’habitude, je lui avais obéi. Je ne suis pas mécontente d’en avoir fini avec cette tutelle machiste. Je suis libre de le remettre. Libre ! Je m’apprête à l’essayer pour vérifier qu’il est encore à ma taille lorsque, en le dépliant, quelque chose tombe de la poche et rebondit sur le parquet. Je cherche, mais ne trouve rien. Intriguée, je me mets à quatre pattes et inspecte jusque sous les meubles. Entre les pieds du fauteuil, quelque chose brille. Je pense d’abord à une pièce de monnaie, mais en décalant le siège, je découvre une clef. Nom d’une grande roue qui tombe en panne avec moi qui ai envie de faire pipi au sommet ! C’est une clef de l’appartement de Hugues. Celle que j’étais convaincue d’avoir perdue ! Il avait été obligé d’en faire refaire une et me l’avait reproché pendant des semaines. Il m’avait maintes fois répété que si on se faisait cambrioler, ce serait de ma faute. Qu’est-ce que je n’avais pas entendu ! Il avait encore réussi à me faire culpabiliser.

Un sourire béat me barre le visage. Je dois avoir l’air d’une parfaite abrutie. Je m’en fous. Je ramasse la clef et la fais miroiter dans la lumière des spots comme un trésor. Je n’ai plus besoin de Floriane pour aller récupérer la lettre de Mémé Valentine, je ne suis plus obligée de m’abaisser à demander à l’autre détritus. Je vais aller la chercher moi-même.

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