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Le midi, en toute hâte, nous avons organisé une réunion de crise. Ne sont conviés que les collègues en qui nous avons une absolue confiance. Vincent explique :

— Il faut lui parler dès qu’il revient de déjeuner. Nous n’avons pas le choix. Ce soir, il doit aller les voir en exposant d’emblée notre solution. C’est notre seule chance. S’ils s’accordent sur un autre projet de vente, nous n’arriverons plus à les faire changer d’avis.

— Mais notre dossier de financement n’est même pas bouclé ! objecte Florence. Il va nous le jeter à la tête.

— Peu importe, allons-y au bluff.

— Qui va lui parler ? demande Émilie.

Florence secoue la tête : elle ne se sent pas d’y aller. Vincent propose :

— Je pourrais m’en charger avec Marie…

Avant que je puisse réagir, un murmure d’approbation monte du groupe. Tous sont d’accord pour m’envoyer au casse-pipe. Ça fait chaud au cœur ! Valérie, Sandro, Malika et Kévin trouvent le choix excellent. Alexandre me regarde avec un vrai sourire. Ses yeux me disent : « Vas-y, c’est ta place. » Satisfait, Vincent me fait un clin d’œil et annonce :

— Puisque tout le monde est d’accord, nous irons donc tous les deux.

Qui s’est encore fait pigeonner ? Après avoir rampé dans les tuyaux, ils m’envoient chez Dracula le saigneur de salariés. J’espère que ça ne va pas encore me coûter un chemisier…

On se sépare. Tout le monde nous souhaite bonne chance. « On compte sur vous ! », « Notre avenir est entre vos mains ! », « Soyez convaincants, parce que si vous vous plantez, on est foutus ! » Merci pour la pression. Kévin me propose un petit massage des épaules pour me relaxer avant le match. Je décline poliment. Alexandre s’arrange pour sortir le dernier et me glisse :

— Je suis certain que tu seras très bien. Je ne te dis pas cela par politesse, mais parce que tu donnes toujours ce que tu as de mieux lorsque les choses sont au plus mal.

— Merci, c’est gentil. Mais je flippe. Est-ce que je peux te demander un service ?

— Bien sûr.

— Quand je serai dans le bureau de Deblais avec Vincent, s’il te plaît, reste dans les parages, ne me lâche pas des yeux.

— Tu as peur qu’il s’en prenne à toi physiquement ? Rassure-toi. S’il fait seulement mine d’essayer…

— Non, Alexandre. Je vais te demander quelque chose et, je t’en supplie, ne pose pas de questions. Si tu me vois croiser les doigts dans mon dos, voilà exactement ce que tu devras faire…

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