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Notelho se tient devant la machine en essayant d’en appréhender le fonctionnement. En nous voyant entrer toutes les trois dans la pièce, il blêmit. J’annonce d’une voix ferme :

— Émilie, tu bloques la porte.

Le sous-chef essaie déjà d’argumenter, mais à voix basse :

— Qu’est-ce que vous me voulez encore ? Je suis de votre côté, vous le savez.

— Bravo Pépito, fais-je en m’approchant, maintenant tu te débrouilles tout seul pour faire tes photocopies. C’est très bien. Encore quelques mois de travail et tu arriveras à te préparer ton café comme un grand — avec ton stupide demi-sucre qu’on n’arrive jamais à casser.

Valérie s’avance et soulève son chemisier.

— Et celui-là, il te plaît ?

Notelho recule. Je n’avais jamais vu un homme tétanisé par une paire de seins. J’aime beaucoup. Quand je pense qu’il fut un temps où ce type m’impressionnait… Valérie a tout de suite compris comment entrer dans mon jeu. Émilie nous observe avec un sourire béat. J’attaque :

— Tu te souviens de notre petit arrangement ?

— Bien sûr. Je ne suis pas près de l’oublier, j’en ai encore des bleus sur tous les membres de mon corps physique…

Il invente des expressions, c’est bon signe. Il flippe. Il exhibe ses bras. Valérie me regarde, incrédule :

— C’est toi qui lui as fait ça ?

— Non, c’est une planche. Je t’expliquerai.

Je demande à Notelho :

— Où en sommes-nous ? Nous attendons les documents.

— J’y travaille, ce midi sans doute, mais ce n’est pas évident. Il est toujours là.

Valérie est fascinée par la crainte que je lui inspire. Elle en oublie de rabaisser son vêtement. Je lui glisse :

— Tu peux te rhabiller.

Notelho s’empresse de préciser :

— Il est très beau votre porte-gorge, j’aime beaucoup la petite dentelle.

Émilie étouffe un rire. Je ne relâche pas la pression :

— Écoute-moi bien, Pépito : je veux ces documents au plus tard demain, sinon…

Patrice, de la compta, vient d’ouvrir la porte du local. Émilie s’interpose :

— C’est pas le moment.

Percevant l’ambiance « règlement de comptes dans un recoin sombre », le comptable n’insiste pas.

— OK, j’ai compris, je me casse. Je vais aller faire mes photocopies aux toilettes.

Notelho voit sa seule chance d’obtenir de l’aide s’éloigner. Je lui souffle :

— Et maintenant, Pépito, on a en plus un témoin qui t’a vu comploter avec nous…

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