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Malgré le climat grippal de cet hiver qui n’en finit pas, je n’ai besoin d’aucune vitamine. La rage me porte, la colère et la soif de vengeance m’animent. Plus besoin de faire du sport, plus besoin de bonnes résolutions, les mauvaises me suffisent amplement. La rage m’aide à brûler les calories et me donne aussi envie de mettre le feu à l’autre fumier et tout ce qui compte pour lui.

Quand je pense que j’étais prête à renoncer à lui faire la guerre. Quand je pense que j’allais me satisfaire de leur avoir dérobé un chat qui se montre tous les jours un peu plus malin et plus affectueux. Il est vrai que cette bestiole contredit à elle seule le dicton : « Bien mal acquis ne profite jamais. » Paracétamol est passé à l’Ouest, il a changé de camp. Il pactise avec son ravisseur. C’est le syndrome de Stockholm avec des croquettes. Du coup, j’étais prête à poser l’épée face à l’autre débris et sa gravure de mode, mais le coup du resto, l’humiliation publique, ça, je ne vais pas le lui pardonner. J’ai tout prévu, tout planifié. Ça peut pas rater.

— Émilie, s’il te plaît, ne me refuse pas ce coup de main.

— Jamais. Tu es une grande malade. C’est hors de question.

— Je sais où trouver les costumes et les perruques. C’est sans risque.

— Non, Marie, cette fois tu vas trop loin. Autant je comprends que tu lui en veuilles, autant je ne crois pas que ton expédition punitive soit une bonne idée.

— Alors quand tu prétendais que tu étais prête à m’aider, que je serais surprise de savoir jusqu’où tu pouvais aller, c’était du flan ?

— Le problème n’est pas là. N’insiste pas. Il est hors de question que je me déguise en fée pour aller livrer de la bouffe gavée de laxatifs à la fête de ton ex.

— Ça ne te prendra que quelques minutes ! Tu montes, tu sonnes, tu déposes les boîtes et tu disparais. Tu peux bien faire ça pour moi !

— Marie, s’il y a une enquête, cette fois, les flics vont vraiment venir m’embarquer. Je vais être accusée d’empoisonnement massif.

— Une bonne diarrhée n’a jamais tué personne.

— Non mais tu t’entends ? Est-ce que tu réalises ce que tu projettes de faire ?

— Parfaitement, et figure-toi que ça m’aide à me sentir mieux. Pour m’endormir, je compte les chasses d’eau…

— Tu es cinglée.

— Cela ne te posait pas de problème que je le sois quand c’était pour jouer ta sœur à ton rencard bidon avec les motards du parc.

— Oh, le coup bas !

— Ça ne te gênait pas non plus que je sois assez branque pour aller vérifier si tu n’avais pas tué ton collectionneur d’art libidineux. Est-ce que tu imagines la tête qu’auraient pu avoir vos enfants ? Moitié amphibiens, moitié princesses ?

— Ton procédé est révoltant. C’est de la manipulation, du chantage odieux ! Je n’ai jamais révélé à personne que tu léchais la colle des timbres par gourmandise. Mais là, je te jure que je vais te balancer à la première occasion. Je raconterai aussi à tout le monde que Madame prend un malin plaisir à léchouiller les enveloppes ! Et après on s’étonnait que plus rien ne colle ! Évidemment, Madame la malade de la tête avait tout léché !

— Parce que ça me rappelait ma grand-mère !

— Heureusement qu’elle travaillait à la poste et pas aux égouts !

J’éclate de rire. Si on est sur écoute, on est toutes les deux fichées et fichues. Les hommes en blanc qui distribuent les blouses qui s’attachent par-derrière vont venir nous prendre pour nous emmener sur l’île perdue où sont secrètement parqués les plus tapés de la planète.

— Émilie, je t’en supplie, je ne peux pas réussir sans toi. Il n’y a qu’à toi que je puisse demander cela. S’il te plaît. Après, promis, je serai calmée, heureuse, vengée, grâce à ma meilleure amie à qui je vouerai une reconnaissance éternelle.

— J’espère que tu as honte, j’espère que toute ta vie tu porteras le poids de ce que tu m’obliges à faire.

— C’est promis. Je croule déjà sous la charge.

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