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« Douce Marie,

« Désolé de te déranger alors que tu ne m’attendais pas. Nous n’allons pas dîner ensemble vendredi. Ce n’est plus la peine. Tu m’as enfin remarqué. J’en suis heureux. J’ai espéré que tu me parles ce soir, mais je me doutais que ta timidité allait t’en empêcher, voilà pourquoi j’ai écrit cette lettre avant de venir. Tu ne t’en souviens pas mais nous nous sommes déjà rencontrés. C’était un 13 mars… Tu faisais tes études, en troisième année, et on t’avait collé un première année à parrainer. J’ai tout de suite vu que tu ne voulais pas, que tu avais autre chose à faire, mais de tous les copains, c’est moi qui ai eu le plus de chance parce que tu t’es malgré tout très bien occupée de moi. À l’époque, j’étais plus petit et tout le monde m’appelait Alex. Tu m’as oublié, pas moi. Lorsque, l’année dernière, j’ai postulé pour la place chez Dormex, je t’ai reconnue dès ma première visite. Pas toi. Je n’y ai pas vu un joli hasard, mais un magnifique signe du destin. Tu n’étais plus une jeune fille mais une très belle femme. J’ai pris le poste. J’ai mis ma période d’essai à profit pour en apprendre plus à ton sujet. J’ai découvert que ton couple battait de l’aile, je n’en suis pas fier mais je m’en suis réjoui. Kévin et Sandro ont été des alliés précieux dans mes investigations. Tu les aurais vus hier, lorsque tu venais de m’inviter. Ils étaient comme des fous ! J’ai encore beaucoup de choses à te raconter. J’espère que tu as lu ces mots rapidement parce que même si je marche lentement pour sortir de ta résidence, il va falloir que tu cavales pour me rattraper. Mais prends ton temps. J’attendrai jusqu’à ce que le concierge me jette dehors. Je te dois bien ça.

« Signé : Qui tu sais… (enfin, j’espère !) »


« PS : Cette lettre étant écrite avant, je n’ai pas la moindre idée de ce que tu vas me servir comme plan foireux avec ton histoire d’étagère, mais je redoute le pire.

« Si tu es gentille, je te raconterai comment je fais semblant de ramasser une lettre par terre alors que je la sors de ma poche intérieure. Et maintenant dépêche-toi, je t’attends. »

La dernière fois que j’ai couru aussi vite après un homme, c’était après un clodo. Il m’avait volé mon sac. Celui de ce soir m’a volé mon cœur avant que j’aie eu le courage de le lui donner. Tant mieux.

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