— Heather ? Bonsoir, c’est Andrew Blake.
— Monsieur Blake ! Mais où êtes-vous ? Je suis tellement inquiète ! Je ne vous entends pas bien.
— Je suis en France, dans une forêt, et il pleut. C’est un peu compliqué à expliquer.
— Vous vous promenez aussi tard ?
— Ne cherchez pas à comprendre, Heather, j’en suis moi-même incapable. Comment allez-vous ?
— Je survis. Vous m’avez poussée dans le grand bain alors que je savais à peine nager.
— Comment ça se passe ?
— Je lutte pour garder la tête hors de l’eau. J’espérais un appel de vous plus tôt. Quand j’ai demandé de vos nouvelles, M. Ward m’a dit que vous étiez en camp de rééducation…
— Celui-là, il n’en loupe jamais une…
— Vous êtes en rééducation de quoi ?
— De rien, Heather. Parlez-moi plutôt de vous.
— J’ai fait le premier bilan intermédiaire depuis votre départ et les chiffres sont bons. Les gars de l’atelier sont adorables. Ils m’expliquent tout ce que je ne sais pas. Je commence à m’y retrouver dans les références. Ici, les réunions sont un peu plus houleuses. Addinson accepte mal que ce soit la secrétaire qui tienne les rênes.
— Vous n’êtes plus secrétaire, Heather, mettez-vous ça dans le crâne. Si vous-même n’en êtes pas convaincue, alors il n’y a aucune chance que les autres le soient.
— Ils ont tout tenté pour me déstabiliser. Le bruit a même couru que vous étiez mort et que comme j’étais votre maîtresse, j’avais imité votre signature sur les papiers pour prendre le pouvoir.
— Laissez-les dire — même si je vous souhaite des liaisons plus glorieuses. Seuls les faits comptent, et n’hésitez pas à vous appuyer sur Maître Benderford pour vous faire respecter.
— Nous risquons de remporter un très bel appel d’offres de la part d’un industriel suédois. L’atelier dit que si nous obtenons le marché, il faudra investir dans une nouvelle plieuse.
— Préparez la commande, planifiez la livraison avec l’atelier, mais attendez d’avoir signé le contrat pour lancer l’achat. Vous n’avez pas eu de problème avec les cours de l’acier ?
— Nous avions du stock. On a fonctionné dessus en attendant que les cours redeviennent acceptables. On aura sûrement plus de mal en fin d’année, d’autant qu’en trésorerie, il faut déjà provisionner les primes de décembre.
— Ne versez rien à Addinson ni à ses sbires.
— Comptez sur moi. Au fait, monsieur, merci d’avoir augmenté mon salaire.
— Normal. Désormais, les soucis sont pour vous !
— Quand rentrez-vous ?
— Je ne sais pas, Heather, et même à mon retour, il est probable que je ne reprenne pas complètement mon poste. Vous ne serez plus jamais mon assistante. J’espère que vous êtes un peu plus rassurée sur vous-même ?
— Pas complètement.
— J’ai un petit service à vous demander, Heather.
— Dites-moi.
— Je voudrais que vous vous renseigniez sur une société immobilière française qui s’appelle « Vandermel Immobilier ».
— Vous vous lancez dans la construction ?
— Ce serait plutôt l’inverse. Trouvez-moi le plus d’informations possible sur eux : bilans, comptes, cursus des dirigeants, programmes en cours, tout ce que vous pourrez.
— Bien, monsieur. Comment puis-je vous faire parvenir les résultats ?
— Je vous recontacterai. Et ne vous inquiétez pas pour moi, Heather. Je vais bien.
— Je vous trouve effectivement une bonne voix. Meilleure que depuis longtemps.
— Je vous laisse, je crois que les renards m’ont repéré. À bientôt.