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L’agencement du manoir était aussi complexe que son architecture extérieure le laissait supposer. En redescendant seul, Andrew faillit se perdre. Il hésita, tourna, revint sur ses pas et finit par se retrouver avec soulagement à la porte de ce qui semblait être l’office. De dos, Odile s’affairait à remplir un sucrier. Une belle lumière émanait de la fenêtre et d’une porte à petits carreaux donnant sur l’extérieur. Andrew entra. En l’entendant, la cuisinière se retourna vivement.

— Ici, c’est mon domaine, lança-t-elle. Personne n’entre sans ma permission.

Blake se figea.

— Je n’ai rien de personnel contre vous, continua-t-elle. Je crois simplement que nous n’avons ni les moyens, ni le besoin réel de vos services. Mais je ne suis pas la patronne, sauf dans cette pièce.

Andrew recula jusqu’au seuil. Odile posa le couvercle du sucrier et s’essuya les mains sur son tablier.

— Toujours pas soif ? demanda-t-elle.

— Je veux bien un verre d’eau fraîche, s’il vous plaît.

La femme se dirigea vers le grand frigo et en sortit une carafe. Elle revint vers la longue table qui s’étirait au centre de la pièce et l’y posa, ainsi qu’un verre.

Elle tourna la tête vers Andrew.

— Eh bien, entrez, je ne vais pas vous manger.

— Vous venez de me dire…

— Je préfère que les choses soient claires, c’est tout.

— Elles le sont.

Odile tira une chaise et prit place. Andrew balaya la pièce du regard. Une impressionnante gazinière occupait tout le foyer d’une ancienne cheminée. Les murs étaient couverts d’étagères et d’ustensiles surplombant des plans de travail très modernes et des placards bas. L’ensemble était méthodiquement ordonné. Rien ne dépassait, pas même les torchons, impeccablement pliés sur la barre du fourneau. Andrew remarqua soudain un magnifique chat angora couché en sphinx au pied de l’appareil. L’animal au pelage caramel zébré de nuances plus sombres avait les yeux fermés et le museau légèrement relevé, comme s’il humait l’air.

— Il s’appelle Méphisto, déclara Odile avec fierté.

— Il est très beau.

— N’essayez pas de le caresser, il déteste ça. C’est un sauvage. Je suis la seule qu’il accepte.

Odile lui servit à boire et reprit :

— Madame vous a expliqué ?

— Elle a dit que vous le feriez…

— Alors allons-y. À présent, nous sommes donc quatre au service de Madame. Ici, je m’occupe des repas et j’aide Madame pour tout ce qui est personnel. Tous les matins, une jeune fille vient pour le ménage, la lessive et le repassage. Elle s’appelle Manon, vous la rencontrerez demain. À l’extérieur, il y a le régisseur, qui habite à l’autre bout du domaine, dans le pavillon de chasse. Il ne s’occupe de rien dans la maison, mais tout ce qui est au-dehors relève de sa responsabilité. Des questions ?

— Qu’attendez-vous de moi ?

— D’après ce que j’ai compris, vous allez prendre en charge le secrétariat de Madame, son courrier et toutes ces choses. Vous ferez aussi le service quand elle reçoit. C’est également vous qui lui repasserez son journal.

Andrew crut avoir mal compris.

— Vous voulez dire « passerez son journal » ?

— Non, j’ai bien dit « repasserez ». Je vous montrerai demain. Elle l’attend pour 7 heures précises, avec son petit déjeuner. Je prépare son plateau, vous le montez. Ensuite, je l’aide à s’habiller. Pour votre premier jour, je resterai avec vous et nous verrons ensemble, étape par étape. Vous souhaitez sans doute voir votre chambre ?

Andrew se dépêcha d’avaler son verre d’eau : Odile était déjà sortie de la pièce.

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