Au beau milieu de la grange, entre ce qui avait dû être un box à chevaux et une vieille machine agricole rouillée, la petite Renault était là, capot et portières grands ouverts. La carrosserie était couverte d’une épaisse couche de poussière et des outils jonchaient le sol tout autour.
— Hakim, vous êtes toujours là ? demanda Philippe.
Une voix venue de sous la voiture répondit :
— J’ai bientôt fini. Il faudra aussi changer le pot mais pour trouver la référence, sur ce genre de modèle, on parle de pièce de collection.
Le jeune homme se dégagea.
— Andrew, je te présente Hakim, le grand frère de Yanis.
— Désolé, monsieur, je ne vous serre pas la main, j’en ai partout.
— Bonjour. Vous allez réussir à la réparer ? demanda Blake.
— Je ne vous dis pas qu’elle passera le contrôle technique haut la main, mais elle roulera. Il faudra faire attention aux pneus, ils sont sûrement un peu secs, mais pour le reste, après avoir changé la batterie, les bougies, fait la vidange, nettoyé les filtres et remis de l’essence, elle a démarré au quart de tour. Vous voulez essayer ?
Blake s’installa au volant.
— Chez nous, tout est de l’autre côté, commenta l’Anglais. J’ai déjà conduit en France, mais ça fait tellement longtemps…
— Vous allez vite retrouver les réflexes.
Le frère aîné de Yanis devait avoir un peu plus de vingt ans. Tous deux avaient le même regard. Andrew tourna la clef et le moteur démarra aussitôt.
— On lui fera faire un tour dans le parc avant de la sortir sur la route, mais il ne devrait pas y avoir de problème.
La mécanique faisait un bruit régulier.
— Mes compliments, vous vous y connaissez drôlement.
— C’est quand même mon métier, je bosse dans un garage. Yanis ne vous a pas dit ?
Hakim regarda sa montre.
— L’un de vous pourrait vérifier mon téléphone ? Il est dans la poche de mon blouson. J’attends un message et j’ai peur de le salir.
— Ce serait avec plaisir, répondit Blake en coupant le contact, mais ici on ne capte rien.
— C’est pas top. De toute façon, je vais devoir y aller.
— Et combien vous doit-on ? interrogea Blake.
Hakim s’essuyait les mains avec un vieux chiffon.
— Rien du tout, monsieur. Je sais ce que vous faites pour Yanis et je vous en remercie. Ça lui fait du bien de voir des gens comme vous. Il rentre heureux. Ça lui donne plein d’idées.
— Je croyais qu’il venait en cachette ? s’étonna Andrew.
— De ma mère, oui. Mais c’est mon petit frère, je garde un œil sur lui…
— Vous êtes sûr qu’on ne peut pas vous payer votre temps, ou au moins les pièces ?
— Certain. Et n’hésitez pas si vous avez un souci. Vous devriez d’ailleurs profiter que je suis là pour la sortir. Avec de la chance, la pluie la lavera un peu parce que là, on ne sait pas bien de quelle couleur elle est…
Lorsque Blake passa la première, il se fit surprendre par l’embrayage. La voiture fit un bond de cabri et le moteur cala. Le deuxième essai fut le bon. À une allure d’escargot, le véhicule quitta la grange.
— Il va mettre huit jours pour aller jusqu’en ville…, commenta Magnier.
— S’il éclate un pneu, il pourra descendre et le réparer sans même s’arrêter tellement il traîne, renchérit Hakim.
Les deux hommes éclatèrent de rire. Blake leur lança :
— Vous êtes en train de vous moquer de moi, je vous vois !
Magnier répliqua :
— Attention, il y a un arbre à deux cents mètres devant toi. Freine, tu vas le percuter demain soir !