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— Odile, je vous en prie, faites-moi confiance et répondez. Madame a-t-elle reçu des gens de chez Vandermel Immobilier ?

— Elle a bien eu des rendez-vous. Plusieurs. Mais de là à savoir de qui il s’agissait précisément…

— Vous n’avez rien remarqué ? À votre connaissance, elle n’a rien signé ?

— Andrew, c’est gênant…

— J’en suis désolé, mais c’est important.

— La seule chose dont je sois certaine, c’est que Madame a été convoquée à sa banque. Trois jours après votre accident. Quand elle est sortie de l’agence, elle ne m’a rien dit, mais elle était livide.

Odile ramassa la gamelle intacte de Méphisto et la vida consciencieusement dans la poubelle à compost.

— Toujours aucune nouvelle de votre chat ?

— Ça va faire trois semaines… Certains matins, j’ai l’impression qu’il est venu manger un peu. D’autres fois, je crois entendre l’ouverture de la chatière en pleine nuit. Dimanche dernier, je suis même descendue, mais il n’était pas là. Vous devez me juger stupide de m’en faire autant pour un chat. Il a dû se faire écraser, voilà tout. Ça arrive tous les jours et la télé n’en fait pas pour autant ses gros titres…

— La télé ne parle pas souvent de ce qui compte dans nos vies…

Blake s’approcha pour réconforter Odile, mais elle se détourna.

— Comme une petite fille naïve, je continue à lui préparer son plat… Mais je me suis promis d’arrêter à Noël.

La cuisinière lava le récipient et le replaça délicatement à côté du coussin de l’animal. Elle était au bord des larmes.

— Lui qui aimait avoir chaud, j’espère qu’il n’a pas trop froid là où il est…

Elle renifla, s’essuya les mains et tenta de se ressaisir.

— Madame vous a parlé de son projet pour Noël ?

— Pas encore, nous avions beaucoup de choses à voir…

— Elle veut organiser un repas avec nous tous, Manon, Philippe, vous et moi. Je crois qu’elle a aussi envisagé d’inviter Justin.

— Vous avez dit « Philippe »…

Odile devint rouge comme une tomate.

— Et alors ? Je vous appelle bien Andrew ! Et quant à ce repas, M. Magnier m’a dit que c’était déjà une tradition au temps où le mari de Madame était encore là.

— M. Magnier ?

— Arrêtez, gronda Odile. Vous ne pensez pas que je suis assez malheureuse comme ça ? On vous a cru mort et j’ai perdu mon chat. J’ai pleuré pendant des heures. Et vous, à peine rentré, vous recommencez à me torturer…

— Vous m’avez aussi beaucoup manqué, Odile. Énormément, même. Et je vous promets que bien qu’ayant rêvé de votre cuisine à chaque repas, ce n’est pas elle qui m’a fait le plus défaut. Découvrir Jerry auprès de moi m’a ému à un point que vous ne pouvez imaginer. À la fois parce qu’il était là et parce qu’il n’y avait que vous pour avoir une aussi jolie attention.

Il s’approcha d’elle et l’embrassa sur le front.

— Merci.

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